Dossier d’œuvre architecture IA06000011 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • inventaire topographique
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort Anselme, puis fort de la Revère, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Villefranche-sur-Mer
  • Commune Èze
  • Lieu-dit près de Eze
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort Anselme, puis fort de la Revère, de la place de Nice
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    enceinte, fossé, caserne, casemate, ouvrage d'entrée, pont, abri, édifice logistique, poudrière, ouvrage fortifié

Pas d'indices de la présence d'un édifice antérieur.

Intérêt stratégique

Fort de ceinture type 1874, un des points forts de la ligne de défense de la place de Nice. Pratiquement non transformé, et dans l'état de son achèvement en 1884, il est situé sur le point haut d'une longue crête rocheuse, dite du Campi de l'Alle, orientée sensiblement ouest-est et adossée à la côte méditerranéenne. C'est, en fait, une batterie d'artillerie fermée développant intérieurement dix emplacements de pièces de rempart, plus quatre extérieures en deux batteries annexes.

La mission de ces pièces était :

- à gauche, le flanquement de la L.P.R. vers la batterie des Feuillerins et le fort de la Drète, son voisin à 2 km

- au centre, la prise d'enfilade des vallées des deux Paillon de Conte et de I'Escarène, et du débouché de la route de Tende par le col de Braus, et la lutte contre les positions dangereuses placées au nord

- à droite, le flanquement de la L.P.R. vers la Forna et la Turbie

- à revers (pièces 13 et 14) l'action sur le col d'Eze, le mont des Fourches, Simboula et la Tête de Chien.

Construction et armement

Sa création figure dans le rapport du 25 mai 1877 du commandant Wagner, nouveau chef du Génie de Nice depuis le 1er janvier, en tant que pilier du nouveau tracé du périmètre de défense de la future place de Nice, suggéré en remplacement du vieux projet de groupe d'ouvrages concentré au mont Leuza.

Reprise par les inspecteurs généraux d'artillerie et du génie concernés, cette proposition est retenue par la sous-commission Canrobert, adoptée ensuite par le comité de défense en 1878 et transmise au ministre (général Borel) pour décision.

Suite à ordre d'étudier l'ouvrage, le projet établi par le capitaine Rougier sous la direction du lieutenant-colonel Wagner, est daté du 14 août 1878 et estimé à 1.555.000 F. Y eût-il des retards de financement ? Toujours est-il que le 17 décembre 1880, le lieutenant-colonel Wagner attire l'attention sur l'urgence d'entreprendre la construction de l'ouvrage. Celle-ci interviendra entre 1882 et 1885. Le fort est classé en première série des places de guerre par la loi du 29 décembre 1881.

Au moment même de l'achèvement, survient la crise de « l'obus torpille» qui remet en cause les structures de la fortification et impose d'importants remaniements et renforcements. Mais, dans cette région, les conséquences en sont moins graves que dans le nord-est : le fort ne sera ni remanié ni bétonné, et seules ses plateformes seront surélevées en 1887. En 1888-89, on creuse, derrière et en contrebas, un abri caverne pour 6 officiers et 280 sous-officiers et soldats, soit les deux tiers de la garnison.

Comme le démontrera l'expérience de la bataille de Verdun, ce type d'organe se révèlera indestructible, mais à la Revère comme dans tous les forts de Nice, ces abris ne seront pas reliés à l'intérieur des forts par galeries à l'épreuve. L'armement, étudié par une commission mixte artillerie-génie, est déterminé, et celui dit « de sûreté» mis en place, après examen au deuxième degré et approbation par le ministre.

En 1889, en exécution de la DM 27980 du 23 juillet, on réexamine l'armement de flanquement des fossés constitué à la Revère par 4, et au Barbonnet 5 canons de 12 culasse modèIe 1884 (ancien canon-obusier de 12 rayé transformé en cillasse) : les pièces seront remplacées par des canons révolver de 40 mm modèle 1879.

En 1913, l'armement prévu est constitué de 4 pièces de 155 L modèIe 1877 - 4 pièces de 95 mm 1875 sur affût de S et P modèle 1880 - 4 pièces de 80 de montagne modèle 1878 - 4 mortiers-bouche de 22 cm lisses et 4 canons-révolver de défense de fossé. Aux canons s'ajoutent deux sections de mitrailleuses de « défense fixe » sur trepied, et une sur affûts de rempart. (Un état précédent, figurant sur un plan du génie non daté, indique 6 pièces de 155 L, 3 de 120 L mle 1878 et 4 de 95 mm. Il y a donc eu réduction entre ce document et 1913, peut-être au profit des batteries construites après 1887 dans les intervalles).

Dans le plan de défense, révisé en avril 1914 dans le cadre du Plan XVII, le fort fait partie du premier secteur de la place, position III « corniche ». L'Italie étant restée neutre en août 1914, avant de se ranger à nos côtés en 1915, l'armée des Alpes est dissoute le 17 août 1914 et ses divisions envoyées sur le théâtre d'opérations du nord-est. Rapidement des prélèvements sont opérés sur les moyens des places fortes, dont Nice, avant que la place ne soit dissoute par le décret du 5 août 1915, mettant les garnisons, l'armement et les approvisionnements à la disposition du général commandant en chef.

Le fort est désarmé et ne sera plus utilisé jusqu'à nos jours que comme dépôt et casernement, en dernier pour un centre d'instruction de l'armée de l'Air, évacué avant cession au département des Alpes-Maritimes. L'ouvrage est fermé, mais vide, et inclus dans le parc naturel départemental.

Analyse architecturale

Le plan, moins affecté par le site montagneux que ses deux voisins, dessine, à peu près, un trapèze isocèle irrégulier de 240 m de grande base (le front de gorge) parallèlement à la ligne de défense, et 120 m de hauteur totale prise perpendiculairement à cette dernière.

Conforme aux normes techniques du rapport du 9 mai 1874, l'ouvrage s'apparente au type « à massif central et batterie basse ».

Les 10 emplacements de pièces intérieurs qui constituent la crête d'artillerie se répartissent en deux groupes distincts, de part et d'autre des casemates-abris placés l'un devant l'autre au centre du fort :

- à droite, un groupe de 7 pièces disposées en L renversé

- à gauche, un groupe de 3 pièces, de même, avec extension éventuelle possible à gauche. La banquette d'artillerie est à talus intérieur (et non à mur de soutènement).

Traversée de deux en deux pièces.

(On aurait pu établir une ligne de pièces au-dessus des casemates du bâtiment C (fort « à crête unique») sous réserve d'augmenter le relief du fort : il semble que cette solution ait été écartée d'autant que, de par sa position, il était superflu d'augmenter le commandement de l'ouvrage et, du même coup, les difficultés de protection latérale, à droite de la ligne des pièces).

La crête d'infanterie n'est pas placée au-dessus des casemates, mais est constituée par le chemin de ronde et le mur à bahut couronnant l'escarpe, donc autour et en contrebas des positions d'artillerie, comme à la Drète et à la Tête de Chien.

Escarpe.Escarpe. L'obstacle est continu et formé d'une escarpe revêtue et semi-détachée de 7 à 8 m de hauteur en tête et sur les flancs, 4 à 5 m à la gorge, entourée d'un fossé taillé dans le roc, à contrescarpe de hauteur variable, en raison des irrégularités du terrain alentour, fortement incliné en partie brute de roctage, et n'assurant pas, loin de là, le défilement de l'escarpe sur tout le périmètre, en particulier au nord et à l'est.

Le tracé en est conforme au système polygonal simplifié, flanqué par caponnières. En tête (partie droite) un demi-bastion flanque, en crête vers la gauche, la caponnière double et la courtine adjacente.

Le front de gorge, brisé en dehors, a sa branche gauche simplement flanqué par un ressaut en plan de la branche droite, elle-même flanquée, en bout, par une caponnière simple.

A noter, dans l'escarpe, de nombreux arcs en décharge.

Le couvert est constitué pour l'essentiel par :

- la caserne de gorge (bâtiments a et b) regroupant les logements de la troupe et des cadres sur un seul niveau

- en avant, et sensiblement parallèle au précédent, un second bâtiment (c) à simple rez-de-chaussée

- à droite, et protégeant latéralement les deux précédents et la cour centrale de son massif imposant, l'ensemble bâtiment d-bâtiment m regroupe le magasin à munitions et ses annexes.

- 8 abris-traverses ou de combat, dont 2 extérieurs.

Bâtiment a-b

Ensemble, en fait, d'un seul tenant, et dont le fractionnement, dans la désignation des locaux, est purement administratif. Plan de façade unique de 120 m de long avec, au centre, l'entrée de l'ouvrage.

Caserne de gorge. Aile droite (bâtiment a). Façade.Caserne de gorge. Aile droite (bâtiment a). Façade.La partie droite, dite a, consiste en un alignement de Il casemates accolées, séparées entre la troisième et la quatrième par le passage d'entrée. Ces casemates voûtées en berceau surbaissé, de 6 x 11, 5 m s'ouvrent, à l'avant, sur une terrasse, bordée par le mur à bahut couronnant le mur d'escarpe de gorge, et d'environ 2 m de large. On trouve une disposition analogue au fort d'Uxegney, à Epinal, construit en même temps que la Revère, entre 1882 et 84 : des communications techniques entre chefferies sont non seulement possibles, mais encouragées, par la diffusion, par le dépôt des fortifications, des plans d'exécution de certains des premiers ouvrages réalisés.

Sous les quatre casemates centrales, sous-sol partiel.

Cette partie se prolonge par un groupe de 4 casemates identiques, mais moins profondes (8 m) affectées au logement des officiers et annexes: c'est le bâtiment b.

L'ensemble est enveloppé, sur les trois faces enterrées, d'un couloir de circulation et d'isolement, séparé des casemates par une cloison en briques, vitrée en partie supérieure et munie d'une porte. Le couloir de fond comporte, à gauche de la partie a, une sortie ascendante sur les dessus et, à l'extrémité droite, se raccorde à la gaine d'isolement du magasin à poudre voisin.

Les latrines sont situées hors œuvre, à gauche pour les cadres, à droite pour la troupe.

Le couloir de fond, plus étroit (1, 50 m) que dans les autres forts est voûté en demi berceau. Sur ce couloir est greffé, près du passage d'entrée, un escalier parallèle descendant au sous-sol. Celui-ci comporte, de gauche à droite, un local banalisé (magasin aux vivres ?), la poterne et les fosses des contrepoids du pont-levis, sous le passage d'entrée, la cuisine et, contigüe à celle-ci, deux citernes dont le poste de puisage se trouve dans une niche du couloir du rez-de-chaussée. Une citerne isolée se trouve une travée plus loin, et une quatrième en fond de fossé.

L'ancienne cuisine est reliée par monte-charges à bras au local superposé du rez-de-chaussée.

Elle a été abandonnée, sans doute après 1945, et remplacée par une nouvelle cuisine collective installée au rez-de-chaussée et dont le matériel est encore en place.

Il n'existe pas de boulangerie dans le fort.

Entrée du fort

Ensemble de l'entrée.Ensemble de l'entrée.Placée au centre du bâtiment a-b, elle est desservie par un pont à deux travées, dont une levante, avec pile centrale en pierre de taille, dont les avant-becs semi tronconiques sont surmontés d'une tablette demi-circulaire profilée en boudin. La poutraison est constituée de profilés métalliques. Rambarde métallique à deux lisses sur montants, toutes deux surmontées de globes en bout de la travée dormante ; rambarde articulée pour la travée levante. Platelage en planches de bois tenues par des boulons, avec deux bandes de roulement en tôle d'acier striée.

De chaque côté de l'entrée, l'escarpe de gorge, formant garde-corps de la terrasse, se retourne en dedans pour revenir à l'aplomb de la façade a-b, ceci pour permettre une meilleure sécurité de l'entrée. En conséquence, la façade des deux casemates encadrant l'entrée est construite en retrait du plan de façade général du bâtiment, dont les arcs correspondant forment alors les visières de l'espace couvert laissant en saillie l'entrée elle-même, la continuité de la circulation le long de la terrasse étant assurée par deux passages ménagés dans les piédroits. (Comme déjà dit, cette disposition reprend celle du fort d'Uxegney (1882-84) à Epinal).

La façade elle-même repose, par l'intermédiaire d'un boudin, sur un soubassement à fruit, en pierre de taille de moyen appareil dressé, au milieu duquel s'ouvre, sous le pont, la poterne de secours à baie en plein-cintre (murée). Le boudin sert d'appui aux tourillons du pont-levis. Le soubassement comporte, de chaque côté, un retour portant le piédroit correspondant de l'arc-visière de la casemate contigüe.

La baie à arcade en plein-cintre à arête chanfreinée s'ouvre dans une niche rectangulaire servant de logement à la travée relevée du pont-levis. Cette niche est encadrée de deux pilastres toscans, à plinthe, portant un entablement à corniche à larmier et cimaise en tablette.

Le tympan porte, scellée, une plaque de marbre avec, gravée, l'inscription «Fort d'Anselme, dit de la Revère » et sur la frise, sculptée en relief «FORT DE LA REVERE».

Le pont-levis : comme pour les trois autres forts principaux - est du type à bascule en dessous assisté par bielle. Les contrepoids s'effacent dans des logements ménagés au sous-sol. Le levier de manœuvre et son guidage semblent avoir été supprimés.

La poterne est également située en sous-sol du passage d'entrée, et constituée par un corridor fermé, intérieurement, par une porte-grille et, en façade, par un vantail pivotant en demi-lune (démonté et gisant au sol) en bois doublé extérieurement de tôle et percé d'un créneau à fusil et d'un oculus barreaudé. Le corridor sert, en outre, de passage à la bielle de manœuvre du pont-levis.

Passage d'entrée. Vue axiale prise vers l'extérieur.Passage d'entrée. Vue axiale prise vers l'extérieur. Passage d'entrée : Passé la baie, on laisse, de chaque côté, les deux petites portes conduisant à la terrasse puis on rencontre la porte-grille, rectangulaire, à deux vantaux pivotant vers l'intérieur (à barreaux en fers ronds, cadre et deux lisses intermédiaires en plat) dont celui de droite comporte un portillon à personnel. Porte surmontée d'une grille fixe. Un peu plus loin, on rencontre la porte, rectangulaire, à deux vantaux pivotant vers l'extérieur, en bois doublé extérieurement de tôle d'acier. Chaque vantail est percé de deux créneaux verticaux à fusil. Il n'existe pas de portillon intégré.

L'espace entre porte grille et porte pleine constitue une sorte de sas de sécurité défendu de chaque côté, par un. créneau horizontal à fusil, servi à partir des locaux adjacents. Au-delà de la porte, on trouve l'accès à la casemate de droite, puis les débouchés des deux tranches du couloir de fond de la caserne avant de sortir dans la cour centrale du fort, par baie encadrée de deux murs en aile munis de grandes glissières horizontales pour blindage éventuel, et fermée extérieurement par un grand portail en tôle, sur cadre en profilés, à deux vantaux et portillon pivotant vers l'intérieur du fort. Le vantail de gauche est muni d'un curieux bras de force à fourche tournante scellée dans le mur en aile. Les vantaux sont surmontés d'une file de fers de pique à vocation d'obstacle autant que décorative.

On peut supposer que ce troisième barrage a, comme à la Drète, été ajouté pour renforcer, en temps normal, la défense d'entrée : en effet, sa manœuvre est incompatible avec la présence des blindages (rails, équarris et gabions) prévus, en cas de siège, dans les glissières évoquées plus haut.

La galerie du passage d'entrée, de 20 m de long, est voûtée en berceau surbaissé, La chaussée est encadrée de deux trottoirs à chape cimentée à bordures striées.

Sur la paroi de droite, une plaque porte, en lettres peintes blanches sur fond noir la biographie sommaire du général d'Anselme (1740-1814) qui commandait l'armée française qui conquit le comté de Nice en 1793.

La façade du bâtiment d'entrée est entièrement réalisée en pierre de taille de calcaire blanc très dur, très soigneusement dressée. Les voussoirs de l'arcade de la porte sont rayonnants et extradossés en escalier; l'entablement est d'une seule pièce. Dans les joues des montants de la baie, on remarque la trace des crochets de verrouillage du pont-levis relevé (coupés).

Façade du bâtiment a-b

En élévation, la façade de l'ensemble a-b reproduit les structures du bâtiment. Chaque travée a sa propre façade, en pierre de taille soigneusement dressée en moyen appareil, percée d'une haute et large porte centrale, couverte en arc très surbaissé, encadrée de deux fenêtres plus basses couvertes de même. Le tout est surmonté d'un arc de tête de voûte en berceau surbaissé, à clé saillante à bossage, retombant sur un sommier à bossage surmontant un pilastre - tranche antérieure du piédroit - en pierre de taille.

Caserne de gorge. Bâtiment b : aile gauche. Façade de la culée.Caserne de gorge. Bâtiment b : aile gauche. Façade de la culée.Le tout porte un mur en opus incertum surmonté d'une tablette de couronnement, percé à l'aplomb de chaque pilastre, de l'oculus d'aération du voûtain de noue. Ces oculus sont fermés par des grilles en fonte ajourées, dont le dessin ornemental est particulier au fort - et différent de celles des autres forts. L'entourage est circulaire. A chaque extrémité, le bâtiment est encadré par un avant-corps en légère saillie, percé au rez-de-chaussée de la porte en plein-cintre du couloir, elle-même surmontée d'un oculus à grille. Ces avant-corps sont particu1ièrement soignés: arêtes chanfreinées, construction en pierre de taille à lits à j oints horizontaux en chanfrein double et verticaux plein sur joint, arcade à voussoirs rayonnants etc. : un très beau travail, d'aspect particulièrement plaisant.

Contrairement aux autres forts, les blindages des baies (rails, équarris) se logeaient dans des glissières verticales taillées dans les joues des montants (et non des fers U rapportés).

Les bâtiments c-d

En fond de la cour centrale, ils sont pris, entre le bâtiment d, à droite, et le rez-de-chaussée de l'abri II, à gauche, dont les façades en constituent des retours.

Cour centrale. A gauche, façade du bâtiment c.  Au fond, bâtiment d et entrée du passage couvert desservant le front est.Cour centrale. A gauche, façade du bâtiment c. Au fond, bâtiment d et entrée du passage couvert desservant le front est.

A simple rez-de-chaussée, c'est un alignement de neuf casemates accolées et ceinturées d'un couloir. Ces casemates sont des locaux banalisés utilisables pour la plupart à la fois comme chambres de cadres, bureaux, magasins, etc. Seilles les quatrième et cinquième à partir de la gauche, le premier niveau de l'abri II et les trois casemates du bâtiment d sont spécialisés comme magasins d'artillerie sans fenêtre, avec une large porte encadrée de deux simples fentes verticales d'aération. En élévation, la façade est identique à celle du bâtiment a-b, sans les avant-corps et sans les oculi d'aération.

Le bâtiment d comporte, derrière les locaux sur cour, un groupe de locaux enveloppés de forts piédroits (env. 1, 75 m) ceinturés de gaine de circulation, et dont les deux niveaux sont aveugles : compte tenu de leur disposition, et de la proximité du magasin à poudre, il s'agit vraisemblablement des locaux du service des munitions : dépôt secondaire de poudre, atelier de chargement, magasin aux munitions confectionnées, etc.

Le bâtiment m (magasin à poudre)

Dans le prolongement du bâtiment d ci-dessus, dont il n'est séparé que par le passage couvert menant de la cour centrale à la batterie du groupe est. Conforme aux dispositions règlementaires de 1874. Voûte en berceau en plein-cintre. La chambre à poudre (2) est longue de 18 m, ce qui représente théoriquement une capacité maximale de 85 T de poudre. On notera, dans les piédroits, 7 corbeaux de chaque côté pour installation éventuelle d'un plancher intermédiaire.

La gaine d'isolement ceinturant le bâtiment communique, au niveau de la chambre des lanternes, avec le couloir de fond du bâtiment A, permettant ainsi d'éviter un long détour par le passage d'entrée et la cour centrale : c'est également la seule communication protégée reliant les quatre bâtiments répertoriés de l'ouvrage.

Autres bâtiments

Traverses abris

Front est. Abri-traverse n° 4. Façade.Front est. Abri-traverse n° 4. Façade.Au nombre de huit, dont six intérieures, y compris les abris de combat assimilables à ce type d'organe. Sur ces huit, aucune n'est du type enraciné, et trois comportent (III, IV et V) à l'arrière, les niches latérales préconisées par la circulaire de janvier 1879. Trois d'entre elles servent (I, III, VI) d'accès aux descentes des trois caponnières, tandis que deux seulement (III, N et V) comportent un ou deux bras de traverses. Trois (I, VII et VIII) sont disposées parallèlement à la crête d'artillerie, et diffèrent donc du schéma de principe de la traverse abri.

Disposées de deux en deux pièces, chacune d'elles dessert donc deux emplacements (comme à la Drète). Les dimensions en sont variables et les abris III et IV (surtout ce dernier) sont très vastes (jusqu'à 5 x 15 m intérieurement) manifestement établis pour abriter, en temps de paix, plusieurs pièces de canon de l'armement de mobilisation, à mettre en place à ce moment.

L'abri II est à deux niveaux, le premier niveau, à usage de magasin d'artillerie constituant le retour d'extrémité gauche du bâtiment C, le deuxième, au-dessus, sans niches latérales ni bras de traverse, étant l'abri de combat de la plateforme 3 contigüe.

Le poste optique

Abri 6. Poste optique. Vue intérieure, A gauche, gaine du mont Agel. A droite (murée) gaine de la Tête de Chien.Abri 6. Poste optique. Vue intérieure, A gauche, gaine du mont Agel. A droite (murée) gaine de la Tête de Chien.

Casemate circulaire, voûtée en coupole, de 4 m de diamètre environ, totalement enterrée, et avec accès greffé sur la descente de la caponnière simple sud-est. Il comporte trois gaines rectangulaires maçonnées orientées respectivement, au sud-ouest, vers le cap Camara (avec liaison possible avec Toulon) au sud-est, vers le fort de la Tête de Chien (sans doute un local du premier étage du bâtiment C) et, au nord-est, vers le mont Agel (sans doute la caserne du réduit). Au centre, cheminée zénithale pour les fumées et l'héliostat.

Une note de 1887 fait état de l'existence, au poste sous casemate du mont Chauve d'Aspremont, d'une gaine optique dirigée sur le fort de la Revère, mais on ne voit pas, dans ce dernier ouvrage, de dispositif correspondant.

Par ailleurs, on remarque dans les parois de la descente de caponnière sur laquelle est greffé l'accès au poste, plusieurs gaines optiques correspondant, peut-être, au dispositif initial. Mais, compte tenu de l'exiguïté de la galerie, de la nécessité de la laisser libre à la circulation et en outre de l'obliquité des gaines, il est possible que la casemate actuelle ait été ajoutée après coup: elle ne figure d'ailleurs pas sur certains plans.

Les caponnières

Au nombre de trois : une double au saillant nord-ouest, une simple au nord-est, une simple au sud-est : les deux premières sont, en partie, creusées dans le roc, et toutes ne comportent qu'une pièce de canon par direction (initialement, canons de 12 culasse remplacées après 1889 par des canons-révolver 1879) d'où des dimensions modestes (largeur des chambres de tir de l'ordre de 3 à 3, 50 m) surtout par rapport aux énormes caponnières à trois pièces de Domont, Saint-Cyr et autres.

Orienté à l'est, face à une direction enfilable, le flanc droit de la caponnière double nord-ouest est protégé, à gauche, par un imposant orillon taillé dans le roc et revêtu, dont il n'existe pas d'autre cas ailleurs.

Les voûtes intérieures s'appuient, aux angles, sur de forts piliers en maçonnerie tracés, extérieurement, en éperon, de manière à réduire les angles morts aux abords immédiats : on arrive ainsi, en tête, à des sortes de fronts bastionnés en modèle réduit, singularité qu'on retrouve à la Drète, et au Barbonnet, mais aussi dans le nord-est, dans certains ouvrages construits peu avant 1885.

Caponnière nord-est. Vue intérieure de la chambre de tir.Caponnière nord-est. Vue intérieure de la chambre de tir.Mais l'originalité la plus marquée de ces organes est l'organisation des murs de masques des flancs, qui développent deux étages de feux superposés : au rez-de-chaussée, le mur est coupé d'un grand créneau de pied à fusil, dont l'allège courbe est échancrée, au sommet, de l'embrasure à canon, encadrée de deux créneaux de fusillage verticaux en archère. (La courbure de l'appui du créneau du pied se retrouve ailleurs : Condé-sur-Aisne, Villeneuve-Saint-Georges, etc. et vise simplement à assurer le parallélisme avec la courbure de l'arc extérieur, donc une largeur constante au passage de l'arme). Au-dessus, une tablette, formant balcon, fait saillie du mur pour servir de poste à des tireurs disposant de deux autres créneaux de fusillade verticaux. On accède à cette plateforme par cinq gradins superposés, taillés dans le mur, et complétés par des barreaux de fer, à la droite du créneau de pied. A gauche, marchepied à deux niveaux permettant au tireur de se placer à la hauteur appropriée à la position de l'objectif dans le fossé. Le tout est surmonté de la voûte sur environ 1 m en retrait du mur de masque, avant de retrouver plus en arrière, la voûte surbaissée des locaux intérieurs de l'ouvrage.

Cette singularité est propre à Nice, et à quelques-uns des forts seulement, et ne se trouve semble-t-il, nulle part ailleurs.

Abris-cavernes et magasin à poudre sous roc

Contrepente sud. Abri-caverne.Contrepente sud. Abri-caverne.Creusés à contrepente 25 m environ en contrebas et en arrière du fort, les abris-cavernes sont constitués par six casemates de 4,5 x 19 m creusées dans le roc et séparées par des merlons de roc vierge de même largeur se prolongeant en avant des façades.

La casemate l, à gauche, plus courte, était affectée aux officiers (6), les cinq autres, de 56 hommes de capacité chacune étaient réservées à la troupe et reliées, en bout, par couloir transversal. Pas de communication souterraine avec l'intérieur du fort.

Les façades, en maçonnerie en opus incertum, comportent une porte centrale encadrée de deux fenêtres. Quatre ont été supprimées pour approprier les locaux à l'usage de garage et d'atelier pour le personnel du parc départemental.

Le magasin à poudre est situé 165 m à gauche, avec entrées dans un enclos fermé, du côté de la route, par un solide mur de clôture. Capacité inconnue.

Divers : à noter, dans le fort, sur les parois des chambrées, des peintures humoristiques représentant, de manière satirique, des scènes de la vie militaire de l'Armée de l'Air après la guerre. De même dans une niche d'abri traverse peinture murale de style colonial réalisée avant 1940 probablement.

Bâtiments extérieurs : cités ici pour mémoire, ils formaient le casernement de temps de paix du détachement de sûreté du fort et batteries environnantes. Plusieurs, remis en état, servent de logements au personnel O.N.F. du parc départemental.

Conclusion

Ouvrage remarquablement construit, d'une grande qualité et en excellent état général.

Peut-être un peu moins intéressant, du point de vue technique de la fortification, que ses congénères niçois il présente néanmoins des singularités rares au niveau des caponnières, un poste optique etc. En plus des vues qu'il offre, du haut des remparts sur l'arrière-pays niçois et les vallées du Paillon, la plateforme extérieure de l'entrée, avec sa plantation d'arbres, offre, sur toute la côte, entre Villefranche et le cap Mala, un des plus beaux points de vue qu'on puisse imaginer. Le tout, inclus dans une zone déjà protégée, constitue, avec l'important potentiel offert par les locaux, un formidable atout touristique. A noter l'urgence du débroussaillement des dessus qui commencent à être envahis par les genêts et les ronces (risques d'incendie).

En tout état de cause, à protéger et à réutiliser, avec valorisation touristique.

Le fort Anselme fait partie des forts de ceinture type 1874, construits dans le contexte du système Séré de Rivières. Sa création figure dans un rapport de 1877 du commandant Wagner, chef du Génie de Nice. Le projet est établi par le capitaine Rougier en 1878. Le fort est construit entre 1882 et 1885. En 1886, il prend le nom de fort de la Revère. Face à la crise dite de l'obus-torpille, les plates-formes sont surélevées en 1887 et on creuse un abri-caverne en 1888-89.

Le plan dessine un trapèze isocèle irrégulier. L'ouvrage s'apparente au type à massif central et batterie basse. La crête d'artillerie est constituée par dix emplacements de pièces. L'escarpe est entourée d'un fossé et est flanquée de trois caponnières. La caserne, bordant le front de gorge, consiste en une série de onze travées accolées, en rez-de-chaussée, chacune occupée par une casemate voûtée en berceau surbaissée. Elle est bâtie en pierres de taille et en moellons. Un autre bâtiment de neuf casemates de locaux reprend le même parti. L'entrée, précédée d'un pont sur le fossé, traverse la caserne de gorge par un passage voûtée en berceau surbaissé. A l'intérieur du fort se trouvent également huit traverses-abris, le bâtiment du poste optique, casemate circulaire voûtée en coupole, des abris-cavernes constitués par six casemates creusées dans le roc, et un magasin à poudre également sous roc.

  • Murs
    • pierre pierre de taille
    • pierre moellon
  • Étages
    en rez-de-chaussée, sous-sol
  • Couvrements
    • voûte en berceau segmentaire
    • coupole
    • roche en couvrement
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Typologies
    caponnière
  • Techniques
    • peinture
  • Précision représentations

    Dans la caserne de gorge, ensemble de peintures murales composant une frise de scènes satiriques de la vie militaire.

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Génie. Direction de Nice. Chefferie de Nice. Fort Anselme (dit de la Revère). Plan des dessous. / Dessin, plume et encre, sd. Service historique de la Défense, Vincennes : Petit atlas des bâtiments militaires.

Date d'enquête 1996 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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