Dossier collectif IA05000814 | Réalisé par
Fray François
Fray François

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1968 à 2004.

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  • inventaire topographique
fermes
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    ferme
  • Aires d'études
    Briançon
  • Adresse
    • Commune : Val-des-Prés

A. Habitat permanent

Si elle a de nombreux points communs avec celle de Névache, ou des régions proches des Alpes, dus à la nature des matériaux présents, le mélèze en particulier, dus aussi à la dualité essentielle de la fonction, logement et engrangement, l'architecture permanente de la commune de Val-des-Prés a la particularité de posséder un ensemble d'éléments d'ossature en bois mêlés à un remplissage de blocage qui est propre à cette partie de la vallée en raison de la présence d'un plâtre rose à proximité. Ce matériau local, lié à cette technique particulière, a donné à la plupart des maisons de Val-des-Prés, des Alberts et du Fontenil un aspect pittoresque mais qui n'a semble-t-il que très peu influé sur la structure même des constructions.

1. Situation

La situation des maisons de la commune de Val-des-Prés se résume à quelques caractéristiques essentielles :

- Toutes les maisons sont dans une agglomération : il n'y a aucune construction ancienne isolée.

- Toutes se trouvent à proximité immédiate, ou presque, de la route qui constitue l'axe de l'agglomération. Les chemins d'accès y débouchent directement.

- La plupart sont des maisons isolées, bordées sur deux côtés du moins par des voies d'accès, et sur les autres faces par un espace de dégagement ou par un jardinet fermé d'une barrière.

- Un certain nombre de ces maisons sont au contraire groupées et leur situation se rapproche de celle des maisons urbaines bordées de deux voies publiques parallèles. Quelques-unes sont alignées (Pra-Premier, la Vachette, le Rosier), mais beaucoup sont groupées irrégulièrement, souvent avec des orientations différentes.

Le Serre. Ferme parcelle 732. Façade antérieure sud. Chaque porte donne accès à une unité soit d'habitation, soit d'exploitation.Le Serre. Ferme parcelle 732. Façade antérieure sud. Chaque porte donne accès à une unité soit d'habitation, soit d'exploitation.

- On peut estimer à environ 20 % le nombre de maisons doubles, c'est-à-dire qui comprennent deux unités d'habitation indépendantes sous le même toit. C'est une forme de groupement dont l'origine peut être expliquée par la situation familiale (frères, mariages). Ces maisons sont isolées ou plus rarement groupées.

- Toutes les maisons sont construites à mi-pente et mettent à profit la déclivité pour un accès plus facile à la grange toujours située au premier étage.

- L'orientation des maisons répond à plusieurs facteurs naturels (ensoleillement, vent, relief) ou humains (route, accès, voisinage, maisons existantes). On observe donc toutes sortes d'orientations, mais avec une prédilection pour le sud et l'est.

2. Matériaux et leur mise en œuvre

Si la technique du chapila, empilage de troncs assemblés aux angle à mi-bois, est présente aux chalets de Granon, elle est absente dans les villages du bas de la vallée, sauf à la Draye. C'est une première particularité notable.

Cette absence s'explique par l'existence, déjà signalée en introduction, d'un plâtre local extrait d'une carrière située au-dessus du Serre.

- Ce plâtre de couleur ocre-rose, excellent au dire des gens du pays, a fourni la matière essentielle de la garandule, remplissage des pans de bois d'une épaisseur de 10 à 15 cm.

On observe plusieurs qualités de hourdis liées semble-t-il à leur mise en place (en général un coffrage de planches clouées sur l'ossature en bois).

- Garandule homogène placée en mottes compactes et tassées dans le coffrage.

- Garandule assez homogène coulée par couches successives correspondant à la contenance d'un seau, dans le coffrage.

- Garandule mêlée à de la pierraille de manière à constituer une sorte de blocage. La mauvaise conservation et la dégradation de ce matériau montre parfois les chevilles de maintien enfoncées dans l'ossature de l'édifice.

- Garandule contenant une grande quantité de moellons et se rapprochant par conséquent du blocage traditionnel. On observe à la Draye (maison 213) la transformation, d'étage en étage, du mur en cloison de blocage incluant les poteaux du pignon, puis en cloison en pans de bois avec remplissage.

La nature relativement liquide du matériau frais a facilité la confection des nombreux trous d'aération des granges, la plupart circulaires : il a suffi de placer dans le coffrage des formes dont l'empreinte, souvent évasée et striée, est fort bien conservée ; ces formes ont pu être fabriquées spécialement, mais il est possible que l'on ait utilisé plutôt des fonds de récipients en terre cuite (pots, jarres par exemple) ; d'autres trous ont une découpe en plein cintre un peu irrégulier, sans ébrasement. Dans le cas des trous rectangulaires, dont certains sont munis d'une feuillure intérieure, des planches découpées à la mesure et superposées dans le coffrage ont suffi. Il existe quelques trous triangulaires dans les garandules ; ils sont de même nature que ceux pratiqués dans la maçonnerie (cf. infra).

- Le pan de bois, dont le complément naturel est ici la garandule, est la technique utilisée pour bon nombre de pignons, toutes les granges, et presque toutes les séparations intérieures (cloisons).

Pra Premier. Ferme parcelles 448-449. Pignon ouest en pans de bois.Pra Premier. Ferme parcelles 448-449. Pignon ouest en pans de bois.

Il comprend les éléments traditionnels, sablières hautes et basses, poteaux, écharpes, mais très grossièrement taillés et assemblés de manière rudimentaire ; les pièces ne sont pas, ou à peine, équarries ; les assemblages très grossiers sont souvent fixés par de gros clous forgés. Il convient de noter que bon nombre de ces pièces sont des remplois.

Lorsque des cloisons, ou simplement une ceinture de sablières portant le comble, couronnent des murs en maçonnerie, les pièces horizontales sont assemblées aux angles à mi-bois ; il arrive que ces sablières se superposent par deux ou même par trois.

Une particularité des pignons est l'absence de coïncidence entre la structure de leur ossature et les différents niveaux, ou plans, de l'intérieur et des balcons lorsqu'il y en a : poteaux, poinçons et écharpes traversent solivages et planchers. Ces mêmes pièces sont parfois intégrées, non plus à la garandule, mais à la maçonnerie des murs, dont l'épaisseur est supérieure ; c'est là un ancrage sûr des pignons et une garantie contre toute déformation.

Dans les cloisons ainsi constituées ont été pratiquées portes et fenêtres ; de la manière la plus simple, les sablières hautes et basses servent respectivement de linteaux et de seuil ; des entretoises servent d'appui aux fenêtres.

Souvent associés aux pans de bois sont les balcons et les bûchères en encorbellement portés par des solives ou par l'extrémité de poutres, soulagées par des aisseliers. Elles sont toujours abritées sous un débordement important des toits.

La Vachette. Maison parcelle 413. Vue prise du sud-ouest. L'escalier abrité par l'avant-toit conduit à l'habitation en pans de bois. Au-dessus de l'escalier, bûchère suspendue.La Vachette. Maison parcelle 413. Vue prise du sud-ouest. L'escalier abrité par l'avant-toit conduit à l'habitation en pans de bois. Au-dessus de l'escalier, bûchère suspendue.

- Les maçonneries présentent elles aussi quelques particularités notables. Du point de vue de la mise en œuvre, tous les murs sont construits en un blocage de blocs irréguliers de schiste noirâtre et d'une sorte de tuf ocre noyés dans un mortier assez granuleux.

- Les tirants : Certaines maçonneries ont dû être complétées (dès l'origine pour les fours) par des tirants de bois ; ce sont de simples poutres ancrées aux extrémités dans les deux murs en vis à vis et bloquées à l'extérieur par une clavette de bois fixée avec un coin enfoncé au maillet.

Cette disposition a également été observée pour les supports de balcons : de courtes poutres portant le plancher traversent le mur de façade et sont maintenues à l'intérieur par une clavette.

- Les couvrements concernent d'une part les baies, d'autre part voûtes et plafonds.

- Les baies ont presque toutes le même type lorsqu'elles sont percées dans la maçonnerie : portes de granges, portes d'entrées à un ou deux battants et certaines fenêtres ont un ébrasement extérieur ; elles sont couvertes d'un arc soit segmentaire (fenêtres) soit en anse de panier dont la mise en œuvre a nécessité un coffrage, souvent fait avec des bardeaux de récupération. Ces baies ne sont jamais appareillées, mais la plupart des baies, surtout les fenêtres, ont leur chambranle au nu extérieur du mur ; il a servi en quelque sorte de coffrage pour le blocage pendant la construction, car il est intégré à la maçonnerie.

- Les voûtes sont soit des berceaux creusés de lunettes, soit des voûtes d'arêtes. On n'y a pas observé de traces de bardeaux, bien qu'elles soient toutes coffrées ; elles sont en général enduites et plâtrées soigneusement dans les pièces d'habitation.

- Les plafonds les plus originaux sont ceux assez rares que l'on trouve à la Vachette et aux Alberts (Montgenèvre) : ce sont en réalité des voûtes catalanes, c'est-à-dire une série d'étroits berceaux reposant sur des solives. Le plafond le plus spectaculaire, et unique, est celui de la cuisine de la maison 470-B2 à la Vachette, constitué de caissons en arc de cloître reposant sur un réseau de poutres entrecroisées.

Il existe aussi des plafonds à la française (le Serre, maison 1003).

Quant aux plafonds ordinaires, ils sont faits de lattes entre lesquelles est pris un remplissage de plâtre.

Quant aux plafonds ordinaires, ils sont faits de lattes entre lesquelles est pris un remplissage de plâtre. Les baies d'aération des granges dans les maçonneries sont ici de deux sortes :

- rectangulaires, pas ou peu ébrasées ; ces sortes de meurtrières sont faites de deux planches ou de deux plaques de schiste ou d'ardoises posées verticalement et portant un linteau de même nature ;

- triangulaires, faites également soit en planches soit en pierre. Leurs dimensions varient autour de 30 cm de côté, ce sont les plus nombreuses.

3. Parti général

Ce qui caractérise ces maisons tient à la solution adoptée relativement à leur fonction et aux matériaux utilisés : il fallait abriter d'une part gens et bêtes, d'autre part les récoltes de foin. L'architecture répond exactement à ces deux besoins complémentaires : l'un demande un abri fermé et aussi clos que possible, isolant du froid ; l'autre un abri hors de l'humidité mais aussi ventilé que possible.

On a donc utilisé les deux techniques propres aux ressources locales : la maçonnerie et la voûte pour le corps de logis ; le pan de bois et la plancher (à claire-voie dans les étages) pour les granges. Ces dernières se développent sur un espace bien supérieur au corps de logis et l'enveloppent en général sur deux ou trois côtés. C'est dire que l'on a réduit au strict minimum ce dernier, sauf dans certaines maisons plus riches possédant un apparat inconnu ailleurs (maison 691 au Serre, avec son escalier à jour central).

- L'habitat permanent de Val-des-Prés pose quelques problèmes qui concernent l'orientation, la distribution intérieure et le rapport des volumes logis-grange.

L'orientation est conditionnée, semble-t-il, par les données climatiques, vent et neige venant du nord en général. On a donc axé les toitures perpendiculairement à cette direction, la majorité (environ 70 %) des pignons étant est-ouest, sauf à la Vachette où la proportion tombe à 50 % du fait de l'implantation oblique de l'agglomération. En conséquence la plupart des murs gouttereaux, souvent abrités de profonds avant-toits protégeant bûchères et entrées de logis ou de granges, se trouvent orientés nord-sud.

La Vachette. Grange 349 B1. Vue de volume prise de l'est.La Vachette. Grange 349 B1. Vue de volume prise de l'est.

Il semble également qu'on a préféré ici pour des raisons pratiques des maisons à l'aspect massif, conçues comme des unités refermées sur elles-mêmes et groupant d'emblée sous un toit unique toutes les fonctions. Ainsi trouve-t-on l'escalier à l'intérieur, ce qui évite toute sortie difficile dans la neige. Les exceptions à cette règle générale concernent soit des agrandissements qui correspondent à des nécessités de parcellaire ou de terrain, soit les villages de la basse vallée où le climat peut être moins rigoureux : courts ouvertes des Alberts, escaliers extérieurs du Fontenil. Liée à l'observation de l'ensemble de l'habitat, l'étude complète d'une quinzaine de maisons a permis de reconnaître plusieurs types de distribution que l'on retrouve d'ailleurs à Névache, aux Alberts et au-delà de la vallée, d'une manière quelque peu différente. Ces types se définissent par les différences de répartition des pièces d'habitation et de l'étable autour de la court, vestibule ou couloir d'entrée qui commande toujours l'ensemble, y compris l'escalier menant aux étages de chambres et de grange. Notons que la répartition est identique au premier étage, les fonctions agricoles et d'habitation se superposant exactement à celles du rez-de-chaussée : les chambres sont au-dessus de la court et de la cuisine, le premier plan de la grange au-dessus de l'étable.

Les quatre types ainsi établis utilisent tous les mêmes éléments de distribution. Les deux premiers sont les principaux et servent de référence aux deux autres :

- type A : l'étable est au fond de la court et la maison est double en profondeur

- type B : l'étable est sur un côté de la court, l'habitation de l'autre.

- Les types C et D groupent les maisons doubles, dont chacune des deux parties indépendantes correspond exactement aux types précédents : A et A symétriques ; A et B juxtaposés.

Notons la particularité de la maison 472-473 à la Vachette qui a un plan C (A + A) avec une seule court commune fermée. Il semble que ce type mixte se rattache aux maisons à court ouverte comme on en voit aux Alberts (Montgenèvre) ou dans les communes de Puy-Saint-Pierre, Puy-Saint-André. Il en est de même de la maison 349 à la Vachette dont la court a été ajoutée à une distribution qui en était dépourvue.

Il convient de signaler l'existence de types d'exception (groupe E) où les fonctions se répartissent de manière semblable mais dans deux corps de bâtiment juxtaposés. Enfin, deux cas uniques dans la commune :

- Le Serre, maison 686, avec court ouverte sur l'extérieur (disposition fréquente au-dessous du logis situé à l'étage aux Alberts).

- La Vachette, maison 470 : les fonctions d'habitation, d'étable et de grange se superposent, comme au Fontenil.

Il est intéressant de noter que le type B est le plus nombreux (à peu près 40 %) ; les types A et D sont ensuite à égalité (20 %) ; C et E ne comptent que quelques unités. Signalons toutefois l'importance relative du nombre de maisons doubles dont l'ensemble (C et D) représente 30 % de l'habitat de la commune.

La grange occupe dans la maison la majeure partie du volume ; sa surface de planchers est double de celle du logis et de l'étable réunis et se situe entre 160 et 320 mètres carrés. Il en est de même pour le volume (entre 330 et 715 mètres cubes).

Cependant, si la surface du logis, ou même celle de la grange varie de façon assez sensible, on remarque une grande stabilité de celle des étables dont la majorité se situe entre 36 et 40 mètres carrés ; le cas limite est celui de la maison 689 au Serre où l'on a ajouté une seconde étable.

Un équilibre s'est, semble-t-il, toujours établi entre ces différentes combinaisons puisqu'on observe une variation assez comparable de la surface totale des maisons : entre 270 et 494 mètres carrés.

Ces statistiques ne concernent pas la Vachette dont les maisons très modifiées n'ont pas été étudiées ; mais certaines structures y apparaissent beaucoup plus grandes que dans les autres agglomérations de la commune (étables à deux colonnes par exemple).

Analyse de détail

- Le rez-de-chaussée est toujours voûté, sauf dans certaines maisons de la Vachette où l'on a des plafonds à voûtains.

- La court prend des formes très variables indépendamment du type de la distribution, soit un vestibule de 3 m de côté, soit un long couloir pouvant atteindre 10 m ; elle sert dans tous les cas d'entrée commune à l'habitation et à l'étable ; son sol est un plancher.

- Les pièces d'habitation sont le plus souvent de dimensions réduites, voûtées d'arêtes ou en berceau avec de nombreuses lunettes correspondant aux portes et aux placards.

- Les étables ont une structure semblable, mais dans certaines maisons elles possèdent une colonne centrale (ou deux, à la Vachette) portant les voûtes. Elles n'ont aucune communication avec la grange au-dessus.

- L'escalier présente peu de variété car on a pris le parti de leur donner peu d'extension, sauf dans les maisons 691 et 730 du Serre : ils ont en général deux volées parallèles de sens contraire de part et d'autre d'un mur d'échiffre ; les volées reposent sur de légères voûtes en berceau incliné ; les repos et paliers sont couverts de voûtes d'arêtes.

- Les caves sont souvent aménagées, plus ou moins nombreuses, sous l'escalier ; cependant on en trouve dans des situations excentriques à l'extérieur du périmètre de la maison, sous les rampes des granges par exemple.

- Le premier étage est occupé par deux chambres en général, voûtées ou plafonnées, au-dessus de la court et de la cuisine, ou de la cuisine et du cabinet.

Si cette disposition se répète au deuxième étage, il se peut que l'une des pièces soit une chambre ménagère destinée à la conservation des aliments, conserves, charcuterie, etc. Les cloisons de séparation y sont fréquemment en pans de bois.

- La grange se décompose en plusieurs plans ou étages de planchers ; le premier est à hauteur du premier étage d'habitation et ouvre sur l'extérieur, de plain-pied avec une rampe artificielle. Ces rampes ont souvent contribué à enterrer davantage les fenêtres du rez-de-chaussée, concurremment avec l'exhaussement naturel du sol ; bon nombre de fenêtres ouvrent donc dans le meilleur des cas à ras de terre, sinon dans un entonnoir maintenu par des planches ou par un coffrage.

- Le premier plan est doté d'un solide plancher sur lequel on battait le blé (souvent, semble-t-il, près de la porte).

- Les autres plans, accessibles par des échelles, jusque dans le comble, ont des planchers légers à claire-voie, fixés ou non par clous ou chevilles, percés de trappes superposées

- Des balcons ou des galeries (le Serre 689) bordent un ou plusieurs plans ; on y avait fixé des potences munies d'une poulie pour monter des ballots de foin.

Il faut noter que partout on a utilisé au maximum l'espace libre : dans la maison 729 au Serre, on a même aménagé une porte qui donne accès au premier plan à l'extrados de la chambre voûtée du premier étage ; lors de la visite cette partie était déjà remplie de foin.

4. Élévations extérieures

L'étude des élévations extérieures ne peut se faire sans celle des structures verticales qui limitent le volume de la maison et qui sont différenciées à mesure que l'on s'élève d'étage en étage vers le comble : dans l'ensemble la maçonnerie abrite le logis, le pan de bois la grange ; mais il est des cas où la maçonnerie est quasi générale. On a pu établir trois degrés dans l'utilisation relative de la maçonnerie et du pan de bois :

- Maisons ayant un étage de grange fermé par des cloisons en pans de bois, sur plusieurs côtés.

- Maisons en maçonnerie dont les pignons seuls sont en pans de bois

- Maisons complètement, ou presque, en maçonnerie ; le pan de bois y est rarement utilisé, de manière secondaire et exceptionnelle (hauts de pignons).

- Structure des pans de bois

Dans l'ensemble, elle est rudimentaire , peu soignée, avec des assemblages grossiers. Les pièces principales ont une section qui n'atteint jamais 20 cm, sauf certaines sablières ; les pièces intermédiaires (poteaux, écharpes) ont les plus faibles sections (10 cm )

- Les cloisons extérieures sont constituées des pièces traditionnelles avec une triangulation par des écharpes placées soit aux extrémités, soit au centre ; l'espacement des poteaux est toujours assez grand.

- Les cloisons intérieures sont plus simples, et ne comportent que des poteaux espacés.

- Les pignons présentent trois types de disposition : - disposition convergente des écharpes (vers le poinçon)

- disposition divergente des écharpes. Dans les deux cas, l'ossature est complétée par quelques potelets

- disposition d'écharpes en éventail

- certains pignons combinent ces dispositions.

- Organisation des façades

Si aucune ordonnance ne peut être décelée sur les façades des maisons, du moins leur organisation traduit-elle la distribution intérieure et varie-t-elle selon l'orientation et l'emplacement.

- Les façades antérieures sont centrées sur une importante porte d'entrée en anse de panier. Si la façade est au sud, si elle appartient à une maison qui fait partie d'un îlot, elle sera également percée des fenêtres éclairant le palier de l'escalier au premier étage et les pièces d'habitation. Dans le cas de maisons doubles, la disposition de chacune des moitiés de la façade est symétrique. Si au contraire elle ouvre dans une autre direction, les fenêtres sont reportées, au sud, sur une autre façade. Dans ce cas, la façade antérieure a un aspect sévère, quasi aveugle.

La Vachette. Ferme parcelle 349. Pignon nord-est. Vue de détail.La Vachette. Ferme parcelle 349. Pignon nord-est. Vue de détail.

- Les façades des granges sont aveugles à l'exception de la porte d'entrée et des trous d'aération qui sont rarement disposés avec régularité.

- Les balcons ont deux fonctions : ou bien ils sont attachés à la grange et servent d'accès aux plans supérieurs de celle-ci et éventuellement à disposer des coffres à grain ou diverses denrées que l'on veut faire sécher, ou bien ils bordent l'habitation à laquelle ils donnent accès (premier étage par exemple) ; ils peuvent aussi avoir une fonction d'agrément dans le cas des plus récents.

- Les balcons ont deux fonctions : ou bien ils sont attachés à la grange et servent d'accès aux plans supérieurs de celle-ci et éventuellement à disposer des coffres à grain ou diverses denrées que l'on veut faire sécher, ou bien ils bordent l'habitation à laquelle ils donnent accès (premier étage par exemple) ; ils peuvent aussi avoir une fonction d'agrément dans le cas des plus récents.

Leur décor est entièrement réservé à la rampe en bois. Celle-ci est presque toujours à balustres tournés ou découpés si le balcon se situe en façade antérieure, ou s'il borde l'habitation ; lorsqu'il se trouve à hauteur de pignon, ou sur une façade secondaire, il n'a que des barreaux carrés ou simplement des barres horizontales fixées sur des potelets.

Il faut noter qu'aucun décor ne vient agrémenter les élévations extérieures à l'exception des cadrans solaires peints sur enduit. Les plaques datées ne sont pas à proprement parler un ornement.

Enfin nous verrons dans des chapitres distincts l'importance des menuiseries de portes souvent très soignées et accompagnées d'une imposte en fer forgé, ainsi que des grilles barrant la plupart des fenêtres.

5. Combles et couvertures

Les combles ont en général une structure traditionnelle, mais très grossière et constituée de nombreux remplois. On notera quelques particularités :

- Quelques combles reposent sur une ceinture de sablières empilées, assemblées aux angles à mi-bois ; ce cadre, qui ne peut être que rectangulaire, ne coïncide pas toujours avec le plan de la maison (maison 729, le Serre).

- Il arrive que la ferme de tête d'une charpente ne coïncide pas avec le pignon de la maison ; elle en est alors nettement distante d'une vingtaine de centimètres (maison 213, la Draye).

- Dans le cas des maisons doubles, les deux versants de la toiture reposent sur le refend central dont la partie supérieure est en pans de bois, la sablière qui le couronne servant de faîtage.

- La couverture traditionnelle est le bardeau de mélèze, généralement remplacé par des tôles.

6. Distribution intérieure

Quelques-uns des aménagements de ces maisons présentent un intérêt certain dans la mesure où ils témoignent d'une recherche pratique de confort et d'économie. Notons toutefois que les pièces d'habitation ne se signalent par aucune disposition fonctionnelle précise, et que leur rôle peut être interchangeable, sauf peut-être pour la cuisine.

- Le corps de logis

- Toutes les pièces sont dotées d'un plancher et non d'un dallage, plus froid ; la court est parfois pavée ou cimentée, mais il s'agit de réfections.

- On a souvent placé la chambre (ou le cabinet, terme vague dont la signification exacte n'a pu être connue sur place) près de la cuisine ; la chaleur de la cheminée de celle-ci pouvait passer dans la chambre d'une manière spontanée ; mais, dans plusieurs cas, la cheminée, adossée au refend séparant les deux pièces est pourvue, derrière la plaque en fonte, d'une cavité, située dans la chambre pour en augmenter plus rapidement la chaleur (maison 213, la Draye ; maison 730, le Serre ; maison 401, les Alberts).

- La cheminée de la cuisine, la seule de la maison, est le plus souvent fermée de deux battants de menuiserie à la manière d'un placard. Cette disposition semble avoir été utilisée tardivement, si l'on en juge par la qualité des menuiseries.

- Peu de plaques de cheminées ont été trouvées sur place. Trois d'entre elles datent du XVIIIe siècle (la date est inscrite sur un encadrement orné d'étoiles, de fleurs de lys ou d'éléments géométriques : 1743 ; 1727 ; 17 .. ).

- Les alcôves. Quatre d'entre elles ont été étudiées, dont une dans une chambre entièrement couverte de lambris. Elles sont le seul aménagement quelque peu luxueux de ces maisons.

- Les couvrements des pièces ont parfois été assez soignés : les voûtes sont toujours enduites, les arêtes vives accentuées par une recharge de plâtre sur laquelle joue de manière agréable la lumière, quelques plafonds sont plâtrés et ornés d'encadrements menus, parfois ondulés, trois plafonds à la française se trouvent dans une maison du Serre.

- Les couvrements des pièces ont parfois été assez soignés : les voûtes sont toujours enduites, les arêtes vives accentuées par une recharge de plâtre sur laquelle joue de manière agréable la lumière, quelques plafonds sont plâtrés et ornés d'encadrements menus, parfois ondulés, trois plafonds à la française se trouvent dans une maison du Serre

- Le couvrement des baies n'a rien d'exceptionnel, mais il faut noter dans plusieurs maisons des linteaux plâtrés à sofite surélevé, amorti par des arrondis bordés par un listel en retour ; ce type de décor est identique sur la porte de la chapelle Sainte-Luce à Pra-Premier.

- Partie d'exploitation agricole

- Dans les étables, un grand nombre de mangeoires adossées aux murs ; on a souvent ajouté des coffres qui font office de mangeoire et de séparation dans les cas où plusieurs bêtes différentes sont dans l'étable ; un mulet, par exemple, est ainsi séparé de la volaille ou des vaches.

- Dans la court de deux maisons ont été trouvées des potences en fer forgé, fixées au mur à environ 1, 20 m ; elles sont destinées à peser le lait. Une de ces potences est particulièrement ouvragée et ornée de volutes.

- Dans cette partie de la maison, le seul élément qui présente une volonté esthétique manifeste est la colonne centrale de certaines étables, couronnée d'un chapiteau de type cubique avec un tailloir mouluré et parfois daté.

- A l'extérieur on a souvent aménagé une bûchère, sorte de balcon abrité par l'avant-toit ; on y place le bois de chauffage pour l'hiver, toutes pièces de bois de récupération pouvant servir pour quelques réparations, et des pelles de boulangerie.

Le Serre. Ferme parcelle 696. Façade nord des granges. Bûchères en encorbellement.Le Serre. Ferme parcelle 696. Façade nord des granges. Bûchères en encorbellement.

- La grange abrite peu de dispositifs : échelles, trappes, planchers à claire-voie, potences pivotantes sur les balcons ; un seul treuil a été observé : il était constitué d'un cylindre de bois horizontal entre deux poteaux légèrement inclinés vers l'extérieur. Par contre on y trouve quelques coffres qui confirment le rôle de lieu de conservation des denrées. Il arrive que la chambre ménagère ouvre directement sur la grange (la Draye, maison 177, transformée en atelier ; Pra-Premier, maison 427-428).

- Utilisation actuelle des maisons

S'il a été relativement facile de décrire ces édifices et de définir leurs fonctions, on doit constater que l'utilisation qui en est faite actuellement ne répond plus à leurs structures ni à la spécialisation traditionnelle de chacune de leurs parties constitutives.

Du fait du dépeuplement et du vieillissement de la population de la vallée, on observe une désaffection progressive qui semble à présent atteindre un point critique avec la présence des dernières générations proprement indigènes : personnes âgées exploitant encore leurs terres de manière traditionnelle (les Faure Ernest à Pra-Premier), femmes seules n'utilisant que le rez-de-chaussée du logis (Madame Merle, au Serre) ou ne venant que l'été. Les nouvelles générations n'habitent plus la vallée, sinon dans des maisons neuves bâties en bordure des villages, les enfants venant seulement en vacances. Enfin bon nombre de maisons sont louées pendant la belle saison ou même pour les sports d'hiver.

Si l'on ne trouve plus la spécialisation des plans des granges que rapporte la tradition (cf. les dossiers de Névache et du Queyras) et qu'atteste encore la présence des coffres et des chambres ménagères, du moins ces vastes volumes servent-ils dans leur totalité à emmagasiner les fourrages récoltés par les familles les plus actives qui utilisent une ou plusieurs maisons traditionnelles à cet effet, à l'exclusion de la fonction d'habitation (le logis est abandonné ou abrite tout ce dont on veut se débarrasser).

Enfin lorsque des estivants ont acheté une maison, c'est pour l'adapter aux conditions de vie actuelles, quitte à transformer étable et partie de la grange en logement.

7. Datation

Le caractère fortement fonctionnel et le dépouillement de la plupart des édifices interdit une datation précise de cet habitat. Cependant il est possible d'obtenir quelques indications chronologiques par l'observation de certains éléments de structure, de décor, et des dates existant encore sur les édifices.

La structure de ces maisons présente une remarquable unité de parti et de mise en œuvre, et il est incertain d'y déceler une quelconque évolution.

L'emploi de la voûte d'arêtes et du berceau à lunettes y est général et cette utilisation s'étend à toute la Provence du XVIe siècle au XIXe siècle. Cependant nous pouvons constater une intéressante multiplicité des pièces d'habitation qui témoigne d'un habitat évolué. D'autre part les escaliers nous donnent une indication plus claire : ils dérivent des escaliers rampe sur rampe que l'on a édifiés du XVIe au début du XVIIIe siècle et en représentent une version populaire et simplifiée. Compte-tenu d'un certain retard, et de la permanence de ce type, peut-être pouvons-nous les dater du courant du XVIIIe siècle, et même du début du XIXe siècle.

La présence de 29 dates repérées sur ces maisons nous le confirmera. Il convient d'en détailler l'énumération :

- 9 dates sont inscrites sur les structures essentielles des maisons : poinçons des pignons, impostes à la retombée des voûtes, linteaux de portes, chapiteaux de colonnes.

- 2 dates ont été repeintes d'après des inscriptions anciennes disparues.

- 7 dates appartiennent à des éléments de décor rapportés (linteau de bois, impostes en fer forgé).

- 6 plaques gravées portent la date et des initiales.

- 4 cadrans solaires datés.

Le Rosier. Maison parcelle 264. Angle sud-est. Cadran solaire daté 1740 et sa réplique datée 1932.Le Rosier. Maison parcelle 264. Angle sud-est. Cadran solaire daté 1740 et sa réplique datée 1932.

- Une date peinte sur enduit après réfection (1908).

Si l'on s'en tient aux 9 dates inscrites sur des éléments de structure, on voit que ces constructions peuvent s'échelonner entre 1648 et 1874 ; mais il est vraisemblable que les dates appartenant au XVIIe siècle soient des remplois. La datation des éléments de décor confirme cette première approche, ainsi que les deux autres séries. Dans l'ensemble nous avons une majorité de dates à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, avec deux pointes extrêmes au XVIIe avec les reliquats des constructions les plus anciennes, et à la fin du XIXe avec les dernières maisons traditionnelles édifiées dans la vallée.

Le tableau récapitulatif indique un certain nombre d'initiales non datées ; 8 d'entre elles se trouvent sur des grilles du battant de portes d'entrées modernes mises en place avant la dernière guerre ; elles témoignent de la survivance d'une habitude qui se traduisait auparavant dans les impostes en fer forgé et les plaques de pierre gravées.

Lieu

Maison

Date

Inscription

Localisation

La Draye

213

1877

17..

Porte d'entrée (date repeinte)

Plaque de cheminée

Pra Premier

407

416

419

420

446

XXe s.

1843

XXe s.

1711

FE

ZCF. JR

IBVF

PR

PP

Porte d'entrée. Grille

Cadran solaire peint

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Porte d'entrée. Grille

Pignon sud. Poinçon

Le Serre

686

689

696

697

698

712

712

713

713

730

734

1002

1002

1003

XXe s.

1648

XXe s.

XXe s.

XXe s.

1760

1881

1737

1908

nul

XXe s.

1648

1658

1723

BC

IHS

AR

RH

OL

IHS - AB

nul

nul

nul

FP

MR

IHS - AM

IHS - CP

nul

Porte d'entrée. Grille

Pignon ouest. Poinçon

Porte d'entrée. Grille

Porte d'entrée. Grille

Porte d'entrée. Grille

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Cadran solaire

Porte d'entrée. Date repeinte

Porte d'entrée. Date peinte. Grille

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Porte d'entrée. Grille

Pignon est. Poteau

Pignon est. Poinçon

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Le Rosier

238

244

244

255

264

265

265

266

267

290

853

1768

1805

1813

XXe s.

1740

1818

1822

1645

1644

1805

1826

VX

WILV

nul

RF

nul

WJLF - PJF

WJLF - DJF

nul

IHS-MA.LA

JD

nul

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Pierre gravée

Cadran solaire gravé

Porte d'entrée. Grille

Cadran solaire peint

Pierre gravée

Pierre gravée

Linteau bois. Porte de grange

Pierre gravée

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Etable. Colonne

La Vachette

312

334

341

341

342

347

387

470

472-473

473

1697

1702

1720

1721

1810

1874

183 3

1852

nul

1836

FR-IHS

PF (?) F

PB

PB

nul

GV-CB-LG

nul

AC

IMF-IMF

JM

Pierre gravée

Pierre gravée

Etable. Imposte

Etable. Imposte

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Porte de l'étable. Linteau

Porte d'entrée. Imposte en fer forgé

Etable. Colonne

Façade sud. Sofite du faîtage

Etable. Chapiteau de la colonne

Tableau récapitulatif des inscriptions

Les vantaux de portes

La commune de Val-des-Prés possède, du fait de la bonne conservation de son habitat traditionnel, un grand nombre de menuiseries de portes intéressantes dont la variété et la qualité ont incité à établir l'analyse qui suit. Celle-ci devrait faire référence pour tout le canton de Briançon où l'on a pu observer des menuiseries de même nature et de caractéristiques identiques mais d'une richesse moindre selon les villages ; ce sont en effet les types les plus ordinaires que l'on y trouve et la commune de Val-des-Prés apparaît à cet égard comme une sorte d'exception.

N'ont été prises en compte pratiquement que les menuiseries extérieures (portes de courts, portes de granges, portes secondaires) dont l'observation n'est pas limitée ; des sondages effectués dans les maisons étudiées donnent une idée assez claire des menuiseries dans la distribution intérieure de cet habitat.

Dès à présent nous pouvons faire une distinction d'ordre général entre les portes extérieures, le plus souvent à deux battants, et les portes intérieures à un seul battant. Mais il est plus utile et plus clair d'établir une typologie d'ordre technique qui regroupe l'ensemble des menuiseries et qui correspond à peu près, on le verra, à leur répartition fonctionnelle. Trois types ont ainsi été dénombrés :

- Les portes à panneaux, les plus soignées et les seules à présenter une recherche esthétique qui ait suivi l'évolution des styles ; ces portes sont celles de la court, entrée principale de la maison, et quelques portes intérieures à un battant.

Pra Premier, ferme 446. Porte d'entrée de la court.Pra Premier, ferme 446. Porte d'entrée de la court.

- Les portes à faux panneaux sont essentiellement celles des granges.

- Les portes en planches clouées ont été indifféremment utilisées, en un ou deux battants, pour toutes les parties de la maison. Toutes les portes sont rectangulaires.

Les portes à panneaux ont toutes la même structure : panneaux embrevés dans un châssis constitué de montants et de traverses assemblés à tenons et mortaises et chevillés. Seul le détail varie avec les différentes localisations des menuiseries : - portes des courts à deux battants : ces menuiseries possèdent en général des panneaux supérieurs assemblés par des coupes mixtes avec des raccords d'assemblage classiques (moulures petit cadre, plate-bandes inclinées) et des panneaux inférieurs saillants affleurant le châssis assemblé par des coupes carrées. Sur les 11 portes de ce type seulement deux font exception.

Le revers est parfois doublé par des planches embrevées clouées. Le décor se répartit en deux catégories principales : portes à trois panneaux superposés ; portes à deux panneaux superposés.

Les premières semblent se rattacher à un courant stylistique remontant à la première partie du XVIIIe siècle : lourdes modénatures, panneaux à angles concaves, ou incurvés, courbes simples. On peut juger du retard de ces décors au regard des dates qui les accompagnent : 1768 (le Rosier 238), 1760 (le Serre, 712).

Seules deux portes de cette catégorie ont un décor plus pauvre et plus sec de panneaux rectangulaires sans caractéristiques intéressantes. L'une d'elles s'accompagne de la date 1877.

Les secondes ont une structure identique mais on différencie plus facilement la nature de leur décor : les deux premières se rattachent au milieu du XVIIIe siècle, avec leurs découpes chantournées un peu mesquines, mais toujours avec le même retard : l'une (le Rosier, 290) est accompagnée de la date 1805. Les deux autres appartiennent plus nettement au XIXe siècle : abandon des détails stylistiques passés, présence des losanges dans les panneaux inférieurs, jeu de cannelures horizontales qui les apparentent à des portes du versant italien (vallée de Susa, par exemple). On notera la dissymétrie des battants de ces deux dernières portes.

- Les portes intérieures à un battant

Ne varie que la forme de leur décor, et contrairement aux précédentes, celui-ci peut aussi orner le revers, plus simplement.

Généralement les panneaux sont rectangulaires, à coupes carrées et chanfreins arrêtés, avec des tables saillantes à un ou deux ressauts parfois très saillants et débordant le châssis ; quelquefois, même structure (panneau central allongé et deux panneaux verticaux au-dessus et au-dessous), mais à petit cadre, avec coupes mixtes.

Notons toutefois quelques portes dont le décor présente une particularité due à la maladresse des découpes (le Serre, 689) ou à leur archaïsme (accolade à la maison 2120, à Ville Basse, Névache)

Le Rosier. Ferme parcelle 255. Façade nord. Porte charretière de la grange. Le battant droit est en deux parties.Le Rosier. Ferme parcelle 255. Façade nord. Porte charretière de la grange. Le battant droit est en deux parties.

- Les portes à faux panneaux ont une structure propre : un cadre, simulant un ou plusieurs panneaux à petit cadre, avec coupes mixtes, est en fait assemblé à joints vifs et cloué sur des planches verticales embrevées. Les planches dépassent ou non du cadre créant ainsi suivant les battants des sortes de feuillures.

Généralement chaque battant a deux faux panneaux ; mais deux exceptions ont été repérées : trois faux panneaux sur les battants d'une porte de la Vachette ; huit faux panneaux séparés par des cache-joints assemblés au cadre (Pra Premier, 420-421).

Une variante est figurée par les portes à trois battants dont le rôle est avant tout utilitaire : éclairer de manière satisfaisante le premier plan de la grange sans ouvrir complètement la porte. Une seule porte à un battant a pu être photographiée.

Ce type de porte continue à être utilisé et même fabriqué pour certaines maisons traditionnelles dont on a respecté les dispositions (par exemple, la maison 1003 au Serre).

- Les portes en planches clouées : deux épaisseurs de planches embrevées les unes verticales, les autres horizontales, sont clouées ou chevillées. Les planches du revers peuvent dépasser de quelques centimètres de manière à former une feuillure. Une variante de moindre qualité ne possède qu'une épaisseur de planches verticales maintenues par trois planches horizontales clouées et au revers desquelles sont fixées les pentures. Une seule porte de court (Pra-Premier 430-1015) relevant de cette technique possède deux battants inégaux, celui de droite doté d'une porte guichet.

Pra Premier, ferme 430-1015. Porte d'entrée de la court. Deux battants à planches clouées, guichet.Pra Premier, ferme 430-1015. Porte d'entrée de la court. Deux battants à planches clouées, guichet.

- Les portes modernes : deux types de menuiseries datant du début du XXe siècle doivent être mentionnées.

- Les portes intérieures ouvrant sur la grange. Elles ont un battant constitué de plaques de tôle épaisse vissée sur un châssis de fer. Ces portes furent imposées par les assureurs à la suite des incendies.

- Les portes à un battant à panneaux inférieurs et vitrage dans la moitié supérieure barré d'une grille en fer forgé. Ces portes sont notées dans le tableau des dates et inscriptions car elles possèdent les initiales des propriétaires.

Toutes ces menuiseries présentent un certain nombre de garnitures de bois ou de métal qu'il convient de mentionner.

- Garnitures métalliques : de gros clous forgés à tête ronde ou carrée maintiennent les pentures du revers et les serrures. On a parfois joué sur l'alternance des têtes rondes et carrées (le Serre, 689). Presque toutes les portes ont un loquet à poucier sur platine en tôle découpée et repercée, parfois dentelée pouvant atteindre 42 cm de diamètre.

Heurtoirs et poignées, en boucle, parfois torsadés, possèdent des platines en forme de cœur ou de trèfle à quatre feuilles, ou à quatre lobes alternant avec des fleurons (le Serre, 689).

Les clous forgés qui maintiennent les planches embrevées en deux épaisseurs sont disposés en quinconces sur un tracé au crayon ou gravé.

- Les garnitures en bois équipent le plus souvent les portes de granges et constituent l'essentiel des éléments de blocage des battants.

- Loquets glissant entre deux pièces verticales clouées ou chevillées.

Chalets de Granon. Chalet parcelle 77. Porte de la grange. Revers et système de fermeture.Chalets de Granon. Chalet parcelle 77. Porte de la grange. Revers et système de fermeture.

- Barre transversale bloquant toute la porte, maintenue dans des passants métalliques fixés aux piédroits du chambranle.

- Trou percé dans une des traverses médianes bloquant une barre transversale de la longueur de l'embrasure.

- Système rudimentaire à glissière constitué d'une barre cylindrique passant dans des pièces de bois fixées au revers des battants.

Dans leur ensemble, les menuiseries témoignent d'un artisanat local parfois de qualité utilisant correctement des méthodes classiques d'assemblage et certains éléments de décor provenant de modèles parisiens avec un certain retard, mais nourri avant tout par des schémas régionaux traditionnels qui se manifestent dans l'étendue géographique et la fixité de leurs formes.

B. Habitat temporaire

Les chalets de Granon

1. Situation

Sur le versant méridional de la vallée, le hameau des chalets de Granon occupe une position centrale, sur un axe est-ouest dominant le village de Val-des-Prés, dans une clairière à la limite de croissance des mélèzes.

On y accède par un chemin de terre qui part de la Draye, devant la chapelle Saint-Hippolyte et débouche dans le site en aval du torrent de Granon qui borde l'ensemble, d'0uest en est.

Le hameau, sur la rive sud, se compose de deux groupes séparés d'une douzaine de maisons ; en amont Granon, avec sa chapelle ; en aval, la Caro.

Le site de Seitaron n'est actuellement occupé que par une seule maison ancienne.

Toutes les constructions s'élèvent à mi-pente, la pente descendant vers le nord ou le nord-est, en bordure d'un chemin secondaire leur donnant accès.

2. Matériaux et leur mise en œuvre

Ce qui fait l'originalité de ce hameau est la présence des trois techniques employées dans la vallée : la maçonnerie, le pan de bois avec garandule et l'empilage ou chapila

Chalets de Granon. Chalet129. Edifice entièrement en chapila. Pignon est avec entrée de grange.Chalets de Granon. Chalet129. Edifice entièrement en chapila. Pignon est avec entrée de grange.

- La maçonnerie est identique à celle de Val-des-Prés. A noter la présence d'une ouverture d'aération triangulaire dont les côtés, au lieu d'être faits de planches, sont constitués de plaques de schiste ou d'ardoise

- La maçonnerie est la technique utilisée pour les soubassements et les caves dont une partie est enterrée ; certaines maisons sont entièrement en maçonnerie, quelques-unes n'ont qu'un mur ou un pignon. Il semble que cela soit d'origine et non une reprise après détérioration d'une paroi de bois.

- Les pans de bois sont concurremment employés pour les cloisons et les pignons (charpentes). La technique en est la même qu'à Val-des-Prés, aussi rudimentaire.

Les remplissages sont également coffrés et maintenus contre les pièces de bois, les poteaux en particulier, par des chevilles. Peu de trous (ronds) d'aération des granges existent ici.

Il convient de noter la fréquence du débordement de 20 à 30 cm des abouts de sablières, solives ou faîtages avec un profil découpé. Les sablières basses des rez-de-chaussée servent de linteaux aux portes des caves.

Les empilages sont de même type qu'à Névache, et sont ici utilisés comme pour les pans de bois, tant dans les cloisons que dans les pignons, ceux-ci étant les plus nombreux. On trouve deux techniques :

- l'empilage de poutres non équarries, coupées en deux dans le sens de la longueur, assemblées aux angles à mi-bois. Des poteaux de travées, des poteaux corniers ou les poinçons des pignons possèdent des rainures latérales dans lesquelles viennent se loger les extrémités effilées de certaines de ces poutres empilées.

- l'empilage de planches, technique plus légère, utilisée surtout pour les pignons.

- Les baies sont elles aussi rudimentaires ; un chambranle de bois creusé de feuillures, barré d'une grille pour les fenêtres, est inclus dans la maçonnerie, ou fait corps avec l'ossature de bois. Des vantaux de fenêtres à petits bois se trouvent encore çà et là. Quant aux portes, leur technique est identique à celles de la vallée.

- Il est important de noter l'importance du nombre des bois de remploi creusés d'échancrures, de mortaises, de rainures inutiles. Certaines poutres taillées pour un assemblage à mi-bois ont été effilées pour passer dans la rainure d'un poteau à huisserie (maison 77). Il est d'ailleurs remarquable que les parties les plus soignées et les mieux construites soient celles en maçonnerie ou en garandule ; les empilages n'ont, semble-t-il, pas été faits pour être hermétiques.

Enfin, notons la fréquence des traces de coffrages (portes) où des bardeaux ont été récupérés, y compris dans des coffrages récents de béton.

3. Parti général

Il semble que toutes les maisons composant ce hameau aient eu, au moins à leur origine, le même parti, comparable à celui des chalets du Vallon : corps de bâtiment rectangulaire simple en profondeur, isolé, comprenant une cave ouvrant en contrebas d'un rez-de-chaussée de plain-pied à un niveau plus élevé. Au-dessus le comble, ou trappon.

- La cave connaît plusieurs utilisations : la plus grande partie est occupée par des étables qui conservent quelques mangeoires, des cuisines occupent de petites pièces, séparées par une cloison en pans de bois ou partiellement en empilages ; on n'y trouve plus qu'une cheminée au manteau assemblé en trois parties soutenant une hotte en maçonnerie ou en garandule.

Il est fréquent que la cuisine ouvre sur une véritable cave, parfois voûtée en berceau, située sous un remblai à l'extérieur de la maison.

- Le rez-de-chaussée, situé au-dessus, comprend une grange, avec une porte charretière à deux battants et une cuisine dont la disposition est la même qu'à l'étage inférieur. Certaines maisons plus importantes peuvent avoir une chambre, ce qui semble peu fréquent ; la cuisine servait de chambre (aux parents, par exemple), le reste de la famille couchant dans la grange ou dans le comble.

Dans des constructions aussi simples, on ne trouve guère que des échelles ou des échelles de meunier pour passer d'un étage à l'autre mais souvent ces étages sont indépendants.

4. Combles et couverture

Les charpentes sont traditionnelles, parfois constituées de tous les éléments classiques, mais grossièrement taillés.

Les couvertures sont en bardeaux.

Chalets de Granon ; la Caro. Chalet parcelle 180. Vue de situation de l'ensemble des toitures prise du sud-ouest.Chalets de Granon ; la Caro. Chalet parcelle 180. Vue de situation de l'ensemble des toitures prise du sud-ouest.

Tous les égouts étaient dotés d'une gouttière en bois.

5. Inscriptions

Deux maisons seulement portent une inscription, taillée dans le bois.

- Maison 107. Pignon est. Poinçon. Inscription peu lisible car taillée superficiellement (1728 ?).

- Maison 196. Pignon est. La tête du faîtage porte la date 1913.

Le Vallon

Situation

Ce hameau se compose actuellement de cinq maisons en ruines ou abandonnées, d'une maison remise en état (berger) et d'une chapelle en ruines.

Établi à flanc de montagne dans une clairière, orienté à l'est, il domine le Ravin du Vallon, dans lequel se jette, au sud, celui de Capadaygue.

Les maisons sont alignées sur les deux côtés du chemin de Pré Longet de l'Alp qui descend au nord vers la route de Briançon au Montgenèvre ; trois maisons le bordent à l'est, deux à l'ouest ; la maison du berger est à l'écart, à l'est. Le cadastre indique la trace de quatre maisons démolies.

L'habitat

Ces maisons sont des habitats temporaires construits pour l'été, sans grande recherche d'isolation ; de construction légère, elles présentent certaines des techniques utilisées dans la vallée.

Parti général

Toutes ces maisons assez petites sont isolées sauf les n° 756 et 757 qui sont mitoyennes. Construites à mi-pente, elles comprennent un étage de cave ou d'étable de plain-pied à l'ouest, un rez-de-chaussée de plain-pied à l'est et un grenier dans le comble.

Elles ont une ou deux pièces par étage, séparées par une cloison en pans de bois ; seule la cuisine est reconnaissable à sa cheminée à hotte suspendue, soit à l'étage de cave soit au-dessus.

Il n'y a pas de voûtes ; les caves sont couvertes par les planchers de l'étage, portés par des poutres.

Matériaux et leur mise en œuvre

Le Vallon. Chalet 790. Vue de volume prise du nord-est. Noter la juxtaposition des trois techniques : maçonnerie, pans de bois et empilage de planches.Le Vallon. Chalet 790. Vue de volume prise du nord-est. Noter la juxtaposition des trois techniques : maçonnerie, pans de bois et empilage de planches.

Deux techniques sont concurremment utilisées : la maçonnerie et le pan de bois avec garandule.

- La maçonnerie occupe le niveau inférieur à demi enterré des maisons ; c'est un blocage de moellons de pierres locales (schiste) dans un mortier de sable assez grossier. Parfois un des murs ferme un côté de l'étage (maisons 756-757 et 590).

- Le pan de bois est le même qu'à Val-des-Prés et la Vachette. Il ferme l'étage et le comble et sert pour les cloisons de séparation.

- Les sablières inférieures servent de linteau aux portes des caves

- Les sablières hautes ceinturent l'édifice mais les assemblages à tenon et mortaise sont souvent rudimentaires et grossiers. La section des pièces de bois est faible (10, 15 cm).

- Les baies ont un chambranle de bois avec feuillure intérieure et grille fixée dans le tableau, soit intégré à la maçonnerie, soit à l'ossature des pans de bois.

- Les remplissages (garandule) sont coffrés et enduits. Ils contiennent une grande quantité de moellons.

Élévations extérieures

On n'observe aucune ordonnance ; seules les deux maisons accolées ont des portes d'étables en anse de panier coffrées avec des bardeaux, avec menuiserie rectangulaire. Les autres baies, distribuées au gré des besoins sont toutes rectangulaires, souvent grillagées ; certaines fenêtres percées dans la maçonnerie sont ébrasées extérieurement, sous un arc segmentaire.

Seule la maison 757 porte, à mi-hauteur de la façade est une plaque gravée portant l'inscription : ++ / LMF / 1819.

Combles et couverture

Les charpentes sont assez simples avec des fermes traditionnelles (pignons) ou des fermes incomplètes dépourvues de poinçon (794).

Le Vallon. Chalet 794. Charpente, ferme centrale dépourvue de poinçon ; les arbalétriers sont assemblés à mi-bois.Le Vallon. Chalet 794. Charpente, ferme centrale dépourvue de poinçon ; les arbalétriers sont assemblés à mi-bois.

La couverture est en bardeaux sur toutes les maisons sauf celle du berger récemment recouverte de tôle.

Distribution intérieure

Il ne reste pratiquement rien dans ces maisons habitées l'été. Les étables conservent quelques mangeoires. Tout le reste est vide.

Le caractère fortement fonctionnel et le dépouillement de la plupart des fermes interdit une datation précise de cet habitat. Toutefois, il est loisible de proposer pour le corpus conservé une période de construction s'étendant de la seconde moitié du 18e siècle à la fin de la première moitié du siècle suivant.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 18e siècle
    • Principale : 1ère moitié 19e siècle

La situation des maisons-fermes se résume à quelques caractéristiques : toutes les maisons en agglomération, à proximité de la route, la plupart isolées, certaines groupées (20% de maisons doubles). Maisons construites à mi-pente. Matériaux et mise en oeuvre : chapila c'est-à-dire un empilage de troncs aux angles ; garandule (remplissage des pans de bois au plâtre local, avec plusieurs qualités de hourdis) ; pans de bois. Maçonneries : schiste noirâtre et tuf ocre. Baies de même type, à ébrasement extérieur, couverte d'un arc segmentaire ou en anse-de-panier, chambranle au nu du mur. Ces maisons sont voûtées ; berceaux creusés de lunettes, voûtes d'arêtes ; un plafond unique à voûtes catalanes. On trouve des baies d'aération dans les granges, rectangulaires ou triangulaires, les plus nombreuses. Le parti général groupant sous un même toit les fonctions de logement et d'engrangement et la présence du système de distribution par court permettent d'établir quatre types : étable au fond de la court et maison double en profondeur, étable sur un côté de la court et habitation de l'autre, les autres étant des maisons doubles combinant ces deux dispositifs. La grange occupe dans la maison la majeure partie du volume. Les façades ne présentent aucune ordonnance ni décor mais leur organisation traduit la distribution intérieure, selon l'orientation et l'encadrement ; les façades principales sont centrées sur une importante porte d'entrée en anse-de-panier, complétée d'ouvertures si elle est au sud. La couverture traditionnelle est le bardeau de mélèze, généralement remplacé par de la tôle ondulée.

  • Typologies
    maison-ferme ; chapila ; rez-de-chaussée voûté ; court
  • Toits
    bardeau, tôle ondulée
  • Murs
    • maçonnerie enduit
    • bois pan de bois
  • Décompte des œuvres
    • étudiées 23
Image non communicable
Date d'enquête 1977 ; Date(s) de rédaction 2001
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Fray François
Fray François

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1968 à 2004.

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