Dossier collectif IA00049830 | Réalisé par
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fermes
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    ferme
  • Aires d'études
    Grave (La)

1. Total des maisons indiquées sur le cadastre de 1810.

Les chiffres obtenus par comptage sur les plans cadastraux comportent une petite marge d'erreur : la parcelle correspond généralement à l'unité d'habitation et d'exploitation mais il peut y avoir des exceptions où une même maison est divisée entre deux propriétaires. De même une "Chambre" peut avoir été comptabilisée comme maison.

2. Total des maisons indiquées sur le cadastre de 1810 et existant encore aujourd'hui.

L'ensemble du bâti ancien a été repéré.

3. Total des maisons visitées intérieurement.

4. Total des maisons étudiées.

1

2

3

4

La Grave

81

60

10

3

Le Chazelet

72

56

5

2

Les Fréaux

40

23

3

0

Les Hyères

45

31

4

1

Les Terrasses

58

42

0

0

Ventelon

44

40

0

0

Le Villar

95

88

20

10

Les Cours

44

32

3

1

Total

479

372

45

17

L'habitat permanent à la fin du XIXe siècle

Clot-Raffin

10

5

5

0

Les Clots

24

12

2

0

Le Pied du Col

31

22

4

2

Puy-Golèfre

24

0

0

0

Le Rivet

42

14

3

1

La Saulce

11

4

4

1

Valfroide

41

23

5

1

Total

183

80

23

5

Les villages habités au printemps et à l'automne

1

2

3

4

L'Alpe du Villar

21

4

3

0

La Buffe Vallon de)

40 ?

20

7

3

La Celle des Juges

5

2

1

0

Les Chazalets

?

2

0

0

La Guindaine

?

1

1

1

Valfroide (Vallon de)

?

3

0

0

Les chalets habités l'été

Problèmes généraux

A. Les problèmes de datation

Qu'on la qualifie de traditionnelle, d'ancienne, ou d'indigène, on a souvent tendance à étudier l'architecture rurale régionale en référence à un passé vague et sans épaisseur. C'est l'architecture d'autrefois. Certes, si l'on entend par là qu'il s'agit d'une architecture. sans architecte, qui reproduit avec des variantes un même modèle admis par tous et transmis non par l'écrit mais par tradition ou contagion, l'architecture de la vallée de la haute Romanche peut être qualifiée de traditionnelle. Elle n'en est pas pour autant intemporelle. Mais il est bien difficile de savoir à quelle date ces maisons furent construites et surtout quel type de construction elles ont remplacé.

Une grande partie des maisons du Villar-d'Arène et surtout de La Grave portent une ou plusieurs dates. Nous avons pu relever environ 200 chronogrammes, généralement gravés sur une pierre du mur et accompagnés d'initiales et de motifs décoratifs ou symboliques. Mais ce nombre impressionnant de pierres millésimées, comme on les appelle dans la région, est malheureusement d'un piètre secours pour dater les édifices. Certaines sont à l'évidence remployées dans des constructions postérieures : c'est le cas de la plupart des chronogrammes des XVIe et XVIIe siècles. D'autres ont été gravées à l'occasion d'un agrandissement, d'une simple transformation, voire d'un changement de propriétaire. Il est fréquent de trouver sur un même bâtiment plusieurs dates contradictoires, comme sur cette maison du Villar-d'Arène dont le linteau de la porte d'entrée est daté 1862 et le pilier de l'écurie 1871. De la même façon, au Chazelet, une maison porte la date 1771 gravée sur l'un des chaînages d'angles, et l'inscription Incendie 1858 rebâtie 1861 sur la façade principale.

Le Chazelet. Parcelles 135-136. Inscription placée dans le mur gouttereau est.Le Chazelet. Parcelles 135-136. Inscription placée dans le mur gouttereau est.

Un chronogramme ne permet donc pas de dater avec certitude l'édifice sur lequel il est inscrit. Mais une courbe de la fréquence des dates recensées peut indiquer les périodes où l'on a beaucoup construit ou transformé. Ainsi on a rencontré seulement quatre dates antérieures à 1600. Toutes étaient remployées dans des constructions postérieures. Pour la période 1600 -1750 on n'a trouvé que des inscriptions ponctuelles, dont il est difficile de dire si elles sont en place. La grande majorité des chronogrammes relevés sont relativement tardifs. La moitié s'inscrit dans la période 1780-1880, un tiers entre 1800 et 1850. On peut donc considérer qu'une très grande partie de l'architecture rurale traditionnelle de la vallée de la haute Romanche a été édifiée entre 1780 et 1880. Ces conclusions ne sont d'ailleurs pas pour nous étonner. Des enquêtes du même type ont abouti à des résultats identiques pour les vallées voisines et une grande partie des Hautes-Alpes.

Il est cependant frappant de constater que, à l'exception des bâtiments de la deuxième moitié du XIXe siècle contemporains de l'élargissement de la route, il n'existe, entre les maisons, aucune différence architecturale en fonction de leur date de construction. Il est impossible de distinguer une maison du début du XVIIIe siècle d'une autre édifiée en 1850. Elles sont bâties sur le même plan, avec les mêmes matériaux et selon les mêmes techniques et comportent à quelques détails près le même aménagement intérieur. C'est cet aspect répétitif d'un modèle strictement régionalisé qui donne à l'architecture de la vallée de la haute Romanche son caractère traditionnel.

B. La répartition socio-professionnelle

Depuis le Moyen-Age, les listes d'habitants des communautés de La Grave et du Villar indiquent, à côté des nombreux agriculteurs, la présence d'artisans de toute sorte et de négociants. Ces professions, qui ont duré jusqu'à la fin du XIXe siècle, n'ont laissé aucune trace dans l'architecture du canton. Toutes les maisons recensées sont avant tout des fermes et ne comportent pas de local réservé à des activités commerciales ou artisanales (boutique, forge, etc.). L'épicerie devait se tenir dans une cuisine ou une chambre. Les seuls témoignages d'artisanat à domicile que nous ayons trouvés sont des objets mobiles, rouet, métier à coudre les gants, forge portative, qui pouvaient se transporter dehors ou de pièce en pièce.

Il faut d'autre part noter que toutes ces maisons sont de taille sensiblement égale. Les différences vont du simple au triple, ce qui est fort peu même par comparaison avec les vallées voisines. Dans le Bas-Champsaur par exemple, la différence de volume des fermes varie de 1 à 10, parfois plus. Les maisons du canton de La Grave semblent donc avoir été construites pour abriter des réserves de foin, des récoltes et un cheptel d'importance équivalente.

La société du Haut-Oisans a hérité de son passé médiéval un caractère relativement égalitaire qu'elle a conservé jusqu'à la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce n'est qu'après que les travaux d'élargissement de la route aient fait naître d'autres activités qu'il se détache quelques notables entrepreneurs de roulage enrichis par le commerce, qui se démarquent du reste de la population par la taille et l'ostentation de leur demeure (cf. par exemple le dossier des maisons IA00049838, IA00049837, IA00049832, IA00049882 au Villar-d'Arène) .

Un habitat groupé en villages et étagé sur trois niveaux

Comme dans les autres vallées du nord des Hautes-Alpes, les maisons de La Grave et du Villar-d'Arène sont groupées en villages et hameaux. L'agglomération est la règle pour les constructions habitées en permanence comme pour celles qui ne sont occupées que de façon saisonnière. Car il faut distinguer dans la vallée de la haute Romanche différents types d'habitat, dont la fonction initiale, aujourd'hui tombée en désuétude, est difficile à saisir.

Certains sites sont habités toute l'année : l'hiver par l'ensemble des habitants, l'été par la partie de la population (personnes âgées, hommes ... ) qui n'estive pas. La commune de La Grave compte six villages habités en permanence et qui, le chef-lieu excepté, sont encore peuplés par une majorité d'agriculteurs : La Grave, Les Fréaux et les quatre villages dits "de la Traverse", à savoir Le Chazelet, Les Terrasses, Ventelon et Les Hyères. Au Villar-d'Arène, seul le chef-lieu est actuellement habité toute l'année, mais il est difficile de dire s'il a toujours été le seul site permanent. Le village des Cours a certainement été, à certaines époques, habité de façon permanente.

La Grave et Ventelon. Vue prise du sud.La Grave et Ventelon. Vue prise du sud. Les Clots. Vue prise du nord-est.Les Clots. Vue prise du nord-est.

En plus de leur maison permanente les agriculteurs de La Grave possédaient une ou deux "montagnes" (chalets), habitées de façon saisonnière. La plus grande partie des habitants estivaient en deux étapes : au printemps la famille quittait le village permanent pour se rendre dans un premier village de "montagnes" tels que Le Rivet, Clot-Raffin, Valfroide, Les Clots, Puy Golèfre, ou Le Pied du Col pour ceux du Villar. Elle y restait d'avril à juillet. Elle quittait ensuite ce premier site pour se rendre dans une "montagne" plus élevée ou tout au moins plus éloignée des villages permanents où elle restait jusqu'en septembre. Ces "montagnes" de plein été ne sont pas regroupées en village comme les premières. Elles sont souvent isolées ou par groupe de deux ou trois constructions. Au mois de septembre, lorsque la neige menaçait en altitude, chaque famille rejoignait le premier village d'estive avant de réemménager la maison permanente vers la Toussaint.

Vers 1930 certaines familles ne pratiquaient pas cet estivage en deux temps. Certains par exemple préféraient se rendre directement à l'Alpe du Villar sans faire étape au Pied du Col. D'autres, qui ne possédaient pas de "montagne" plus haut, passaient tout l'été à Clot-Raffin. Mais la règle générale était l'estivage en deux étapes, comme dans la Maurienne toute proche.

A. Les villages permanents

Plus que la commune, l'unité de vie est le village permanent. Les habitants de chacun d'eux forment une communauté indépendante qui possède le terroir qui l'entoure, une part des pâturages d'altitude, son groupement de chalets, parfois ses mines paysannes. Les édifices publics (la chapelle, le four à pain, les fontaines ... ) sont aujourd'hui encore qualifiés de "banaux", c'est-à-dire que juridiquement ils n'appartiennent pas à la commune mais à la communauté des habitants de chaque village. C'est au niveau du village et non de la commune que s'édictent les règlements ou se décident les pratiques collectives. A. Allix résumait bien la situation en écrivant que "Chaque commune n'était en vérité qu'un assemblage, une véritable fédération de communautés paysannes".

A l'exception de La Grave dont la fonction défensive explique le site un peu particulier au sommet d'un piton rocheux qui domine la vallée par un abrupt important, les villages permanents se sont installés sur des espaces plats et de préférence en altitude. Ils fuient le fond de la vallée, son manque de soleil et d'espace ; on n'y rencontre que Les Fréaux à l'entrée de la combe de Mallaval et à un site de confluence où se trouvait peut-être un gué ou un pont. La plupart des villages permanents occupent les épaulements glaciaires, à des altitudes très importantes pour les Hautes-Alpes, et dont on ne trouve l'équivalent que dans le Queyras. Ainsi les quatre villages de la Traverse à La Grave se sont installés vers 1800 m, sur des replats bien exposés et dont le relief est propre à la culture, au débouché des grands vallons pastoraux de La Buffe et de Valfroide dont ils semble garder l'accès.

Les villages permanents se présentent comme un groupement assez informe de maisons. Les constructions, isolées ou mitoyennes par deux ou trois, s'échelonnent sur la pente en lignes parallèles, le long de chemins de deux à cinq mètres de large, au tracé indécis. Elles semblent disposées les unes par rapport aux autres en fonction de la pente ou de l'orientation, sans plan pré-établi. A l'exception du bourg de La Grave où quelques demeures sont séparées de la rue par une cour close par un mur de pierre et fermée par un portail, les abords de la maison ne sont généralement pas privés. La façade se trouve au bord de la rue où les habitants entreposent outils et machines, mettent à sécher les blettes de fumier de mouton et laissent picorer la volaille en toute liberté. Les seuls espaces clôturés sont les jardins potagers qui s’intercalent entre les maisons dans les recoins les plus fertiles et les mieux exposés.

Les deux chefs-lieux de commune semblent s'organiser autour de la place de l'église, de construction récente, où se trouvent le monument aux morts et une fontaine monumentale. Mais dans les autres villages les édifices publics, église, chapelle de pénitents, four à pain, fontaines et lavoir, sont dispersés parmi les habitations et non regroupées dans un même lieu. Au début du siècle chaque village permanent possédait quelques boutiques, un café, une école. Mais tous les services administratifs ou commerciaux sont aujourd'hui regroupés dans les deux chefs-lieux de commune. Dans les autres villages on ne trouve dans le meilleur des cas qu'un café, généralement fermé en dehors de la saison touristique.

B. Les villages habités de façon saisonnière

Vue prise de l'est. Ce hameau est le seul de la commune à occuper un site de fond de vallée.Vue prise de l'est. Ce hameau est le seul de la commune à occuper un site de fond de vallée.

Les villages habités de façon saisonnière sont généralement formés de quinze à vingt maisons. Leur aspect n'est pas très différent de celui des villages permanents, mais leur structure est moins dense. La distance entre les maisons est en moyenne plus importante et la mitoyenneté exceptionnelle. Certains de ces villages sont même formés de plusieurs quartiers de quelques maisons distants les uns des autres d'une centaine de mètres : le hameau de Valfroide est constitué par cinq écarts, celui du Rivet par trois. Mais plus que leur aspect, ce qui distingue ces sites des villages permanents est l'absence de bâtiment collectif et en particulier de four à pain, et l'aménagement de leurs abords. Les villages permanents sont entourés de terrasses de culture, encore visibles dans le paysage, même si elles sont aujourd'hui envahies par l'herbe, sur lesquelles on cultivait autrefois des céréales d'hiver (seigle surtout). Les villages saisonniers sont aussi entourés de champs où les habitants plantaient des céréales de printemps, qu'ils récoltaient à l'automne, juste avant de quitter le village saisonnier pour réemménager dans leur maison permanente. Mais le sol n'était pas aménagé en terrasses.

Tous les hameaux habités de façon saisonnière se rencontrent dans des sites analogues. Tous commandent l'entrée des grands vallons pastoraux (la combe de Martignare et la rive gauche du vallon de La Buffe pour Le Rivet, la rive droite du vallon de La Buffe et le plateau Emparis pour Clot-Raffin, la haute vallée de la Romanche et les vallons affluents pour Le Pied du Col), et tous se trouvent à moins d'une heure de marche des villages permanents dont ils dépendent.

Il faut faire une place à part au village aujourd'hui en ruines des Balmes qui servait d'habitat temporaire aux habitants des Fréaux. C'est le seul site saisonnier de fond de vallée. Les habitants des Fréaux dont le village est très éloigné des grands pâturages d'altitude l'utilisaient au printemps et à l'automne lorsqu'on faisait paître aux troupeaux les vaines pâtures et les broussailles qui bordent la Romanche. Cet exemple, certes marginal, illustre la variété des déplacements estivaux qui peut caractériser une même région.

C. Les petits groupements de chalets

Dans les vastes auges glaciaires suspendues de Valfroide ou de La Buffe ou sur le plateau Emparis se rencontrent des petits groupes de deux ou trois chalets disséminés au milieu des pâturages d'altitude. Ils ne sont pas situés à une altitude beaucoup plus élevée que celle des villages saisonniers plus importants : on les trouve vers 1900 ou 2000 m. Mais ils sont beaucoup plus éloignés des villages permanents ; il faut deux à trois heures de marche pour s'y rendre. Autour de ces petits écarts le sol n'est pas aménagé. Ces chalets ont été construits au milieu de vastes prairies naturelles qui ont pu être fauchées en période de pléthore démographique, mais qui ont dû le plus souvent être broutées sur pied. Bien qu'ils soient groupés de façon différente, ces chalets sont du même type que les précédents. Comme eux ils sont liés à l'estivage des vaches. Contrairement aux brebis qui passent la nuit dehors tandis que le berger s'abrite dans une cabane, le troupeau de bovins rentre chaque soir au chalet pour la traite et passe la nuit à l'étable. La garde des moutons est collective, mais celle des vaches est familiale : chaque famille garde son troupeau et fabrique son fromage.

Ces petits groupements de "montagnes" ne sont pas les seules constructions de ces hauts pâturages. On rencontre aussi de simples granges appelées "baraques". En effet pour gagner du temps et de la place, une partie du foin fauché en altitude était stocké sur place. On en redescendait une partie à l'automne, à dos de mulet. Le reste était conservé tout l'hiver dans les baraques. Au printemps lorsque les réserves des maisons permanentes s'épuisaient, on allait chercher avec un traîneau (une ramasse) le foin des granges d'altitude.

Nous avons donc été amenés à distinguer différents types de sites. Mais nous avons été étonnés de ne pas pouvoir différencier les constructions en fonction de leur utilisation. Qu'elles soient habitées de façon permanente ou temporaire toutes les maisons de La Grave et du Villar-d'Arène sont construites de la même façon, avec les mêmes matériaux et sur le même plan. A quelques détails près dans l'aménagement intérieur, il n'y a aucune différence entre les maisons habitées l'hiver et celles occupées du printemps à l'automne, non plus qu'entre les maisons du Villar-d'Arène et celles des plus petits hameaux de La Grave. L'architecture de la vallée de la haute Romanche se caractérise par une très grande homogénéité.

Une architecture très homogène

Imaginons un voyageur passant pour la première fois le col du Lautaret et découvrant après celui de la vallée de la Guisane l'habitat traditionnel du Haut-Oisans. Il ne sentira peut-être pas de rupture nette. S'il ne retrouve pas de ce côté du col les grandes maisons cubiques à deux ou trois étages et au toit à large débord des gros bourgs du Briançonnais, il a déjà vu au Lauzet ou au Casset les mêmes maisons basses au plan rectangulaire qui ne comportent qu'un étage ou un demi-étage sous le comble. Comme dans tout le nord des Hautes-Alpes les maisons de La Grave ou du Villar sont formées d'un bâtiment unique qui regroupe sous le même toit la grange, l'étable et les pièces d'habitation. Mais le voyageur sera peut-être intrigué par des petits bâtiments isolés, disséminés parmi les autres constructions, que les uissans appellent chambres. Plusieurs détails le frapperont : la faible utilisation du bois dans la construction, les pignons à redents, les beaux loquets enfer forgé qui ferment toutes les pièces des maisons. Cependant, lorsqu'il aura parcouru les différents villages de la vallée, l'impression dominante sera certainement celle d'une très grande uniformité, de la répétition systématique d'un même modèle architectural. C'est vrai aussi bien pour les matériaux et leur mise en œuvre que pour l'aspect extérieur des maisons et leur distribution intérieure.

Le Villar d'Arène. Vue partielle. Maisons à pignons à redents.Le Villar d'Arène. Vue partielle. Maisons à pignons à redents.

A. Matériaux et modes de construction

1. Des maisons en pierre :

Les maisons de la vallée de la Haute-Romanche sont entièrement construites en pierre. On ne voit plus de ce côté du col les pignons en planches du Briançonnais qui réapparaissent pourtant en aval du lac du Chambon dans la région que les géographes appellent l'Oisans boisé. Les murs sont faits de blocs de roches locales (surtout granit, schiste et calcaire), grossièrement équarris et liés avec un mortier de chaux. Les murs des maisons permanentes sont enduits à la chaux intérieurement et extérieurement, mais les pierres des murs des chalets et des chambres ménagères ont souvent été laissées apparentes. Le tuf est réservé aux corniches et aux arcs qui déchargent les linteaux des portes et des fenêtres. En alternance avec des bancs de schiste, il intervient dans la construction des piédroits des ouvertures et des chaînages d'angle, parfois dans celle des souches de cheminée, dont le conduit est solidaire du mur-pignon.

2. Toits d'ardoises et pignons à redents

Les toits à deux pans s'arrêtent au ras des murs ou débordent faiblement sur la façade principale. Ils sont hermétiquement clos par une corniche en tuf qui couronne les murs-gouttereaux et les pignons. Un grand nombre de toits sont construits en bâtière : les pignons découverts plus hauts que le faîtage sont alors coupés de redents en ardoise. Les toits en escalier, comme on les appelle dans la région, auraient été préconisés aux XVIIIe et XIXe siècles pour limiter la propagation du feu en cas d'incendie. C'est la même crainte qui aurait poussé à l'adoption de l'ardoise comme matériau de couverture. Au XVIIIe siècle toutes les toitures étaient, dans la plus grande partie des Hautes-Alpes, couvertes en chaume. L'ardoise a peu à peu remplacé ce matériau sur les maisons permanentes d'abord, puis sur certains chalets. Mais la façon de fixer les ardoises au toit est, dans la vallée de la Haute Romanche, assez particulière. Dans les autres régions des Hautes-Alpes où l'ardoise est devenue au XIXe et au début du XXe siècle le matériau de couverture dominant, les plaques de schiste sont simplement trouées puis clouées sur des lattes de bois fixées sur les chevrons. A La Grave et au Villar d'Arène, chaque ardoise est clouée et calée par une couche de paille de trois à quatre centimètres d'épaisseur. Un contrat d'assurance contracté en 1847 par un habitant du Villar décrit une toiture de ce type et donne une explication plausible à cette façon de faire. La maison assurée est couverte "en paille et ardoises, cette dernière dominant, c'est-à-dire qu'il y a une légère couche de paille entre chaque ardoise, qui parait à peine, pour empêcher à la neige de s'introduire en passant par le vide qui reste entre les ardoises". A la même date, la maison que la même personne possède au Pied du Col, hameau qui n'était habité que du printemps à l'automne, était couverte en paille.

D'autres motivations que la peur des incendies peuvent expliquer l'abandon du chaume. La diffusion de l'emploi des explosifs a permis d'extraire l'ardoise plus facilement et en a donc fait baisser le prix. D'autre part le recul de la céréaliculture devant l'élevage a limité les quantités de paille disponibles alors que les besoins en fourrage étaient accrus. D'après A. Allix, au début du XIXe siècle, chaque agriculteur réservait un tiers de sa récolte de paille de seigle à la réfection de ses toits. Ce n'était plus envisageable cinquante ans plus tard avec des troupeaux beaucoup plus importants.

A partir des années 1930, ardoise et chaume ont été peu à peu abandonnés au profit de la tôle ondulée, qui est aujourd'hui encore le matériau de couverture dominant.

Façade d'une maison à porche. au Villar d'Arène.Façade d'une maison à porche. au Villar d'Arène. Toit d'ardoises au Chazelet.Toit d'ardoises au Chazelet.

3. Des façades austères :

Les façades des maisons de La Grave et du Villar-d'Arène sont extrêmement simples. Toujours en mur-gouttereau elles regardent vers le sud ou le sud-est et se caractérisent par leur petit nombre d'ouvertures. Elles ne comportent au rez-de-chaussée qu'une seule porte, qu'empruntent aussi bien les hommes que le troupeau, et trois ou quatre fenêtres de petite taille : deux pour l'écurie, une ou deux pour le logis. Toutes ces ouvertures sont surmontées d'un linteau en bois ou en pierre et comportent un chambranle en bois. Elles sont habituellement encadrées d'un trait de peinture blanche et ornées d'une croix blanche également tracée à la peinture. Les fenêtres sont protégées par des grilles en fer forgé, fixées dans le chambranle en bois ou dans la maçonnerie.

La porte unique du rez-de-chaussée donne dans un vestibule appelé corridor qui est l'équivalent de la court du Briançonnais. Mais on ne retrouve pas dans la vallée de la haute-Romanche les belles portes de court des vallées de la Guisane ou de la Clarée. Les portes des corridors de La Grave et du Villar-d'Arène sont beaucoup plus modestes. Par leur menuiserie, elles ne se distinguent pas des portes de grange. Elles ne comportent d'ailleurs souvent qu'un seul battant et partagent l'un des piédroits avec une petite fenêtre.

Certaines portes de corridor sont protégées par un auvent en bois ou en lauze à La Grave, par un porche (c'est-à-dire un sas de passage construit en ressaut sur la façade) au Villar-d'Arène. Auvents et porches ont disparu pour la plupart mais ont dû être la règle générale, comme en témoignent les gravures anciennes ou les cartes postales du début du siècle. On sait ainsi qu'à la fin du XIXe siècle l'hospice du Lautaret et la maison Bois, sur la place du Villar-d'Arène, comportaient chacune un porche aujourd'hui disparu. Mais le principe n'a pas été abandonné : les habitants actuels utilisent pendant l'hiver des sas mobiles en bois.

La porte de la grange, à l'étage, se trouve dans la moitié des cas environ sur la façade principale. On y accède alors par un plan incliné formé d'un remblai de pierres et de terre appelé la levée de grange. Lorsque la porte de la grange est percée dans le mur opposé à la façade ou dans l'un des murs-pignons, l'accès, c9mpte-tenu de l'enterrement des constructions dans la pente, se fait généralement de plain-pied.

Les grands balcons de grange qui dans le Briançonnais servent à faire sécher récoltes et fagots et communiquent entre eux par un système périlleux d'échelles n'existent pas dans la vallée de la haute-Romanche. Chaque maison ne comporte en façade qu'un très petit balcon sur lequel ouvre la grange et auquel permet d'accéder un petit escalier en bois. La fonction de ce balcon appelé galerie est double : d'une part il permet l'accès à la grange en façade et d'autre part le séchage des récoltes et surtout des blettes de fumier de mouton avec lesquelles les habitants se chauffent aujourd'hui encore. Les balustrades des galeries ne présentent aucune recherche décorative. Seuls quelques balcons ont des balustres plats en bois découpé.

Parcelle 461. Noter le balcon sur lequel sèchent les blettes de fumier de mouton.Parcelle 461. Noter le balcon sur lequel sèchent les blettes de fumier de mouton.

L'absence de décor est d'ailleurs sensible dans l'ensemble de la façade. Les seuls éléments décoratifs sont les très beaux loquets en fer forgé, les farouilles, que l'on rencontre en plusieurs exemplaires sur chaque construction, le trait de peinture blanche qui encadre les baies du logis, et éventuellement les pierres millésimées. Seules quelques demeures des bourgs de La Grave et du Villar ont adopté certaines des modes d'influence urbaine de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle telles que faux-appareils en trompe-l’œil, ferronneries, et chambranles de porte en pierre de taille.

Du point de vue de l'aspect extérieur, l'architecture rurale traditionnelle de la vallée de la haute-Romanche présente donc un certain nombre de traits particuliers qui la distingue de celle des vallées avoisinantes. L'explication unique fournie par les habitants actuels comme par les textes à ces particularités architecturales est d'ordre climatique. Comme le village du Lauzet, au Monêtier où les maisons sont d'ailleurs assez semblables à celles que nous venons de décrire, la vallée de la haute-Romanche est balayée l'hiver par un vent qui déboule du col du Lautaret, la tourmente, tellement violent qu'il peut arracher toitures et balcons. Les hautes demeures du Briançonnais ne pourraient pas résister à ce vent terrible. A La Grave et surtout au Villar, les maisons s'aplatissent au ras du sol et sont disposées les unes par rapport aux autres de manière à se protéger mutuellement. Les toits donnent le moins de prise possible au vent que coupent les redents du pignon. Les cheminées construites en mur-pignon dépassent à peine le faîtage. Aucune ouverture n'est prévue pour la ventilation de la grange, ce qui est exceptionnel en pays de montagne où le foin est souvent rentré avant d'être complètement.

Seuls quelques rares pignons bien exposés comportent des jours triangulaires identiques à ceux du Briançonnais. Car le vent transforme la neige en une poudre fine qui peut s'introduire par les plus petits interstices, entre les planches, les ardoises et même dans les trous de serrure. Des vacanciers nous ont raconté avoir trouvé après une absence prolongée un petit tas de neige à l'intérieur de leur maison devant la porte. La neige n'avait pu s'introduire que par le trou de serrure. Les habitants de la région ont confirmé cette information. Chaque automne, avant de quitter leur chalet, ils en colmatent avec de la bouse de vache les plus petites ouvertures : l'interstice entre le chambranle et la menuiserie de la porte, les joints entre les différentes planches de la menuiserie. Sans cette pratique la neige s'infiltrerait dans la maison et la détériorerait.

B. Des maisons d'agriculteurs de montagne :

Si les maisons de La Grave et du Villar-d'Arène se distinguent extérieurement de celles des régions voisines, elles ont par contre une distribution intérieure identique. Seule particularité : les pièces qui servent de réserve pour les provisions sont distinctes de la maison elle-même. Ce sont de petits bâtiments isolés, appelés chambres lorsqu'ils sont en pierre, greniers lorsqu'ils sont en bois. A cette différence près, les demeures de la vallée de la Haute-Romanche ont un plan semblable à celui des maisons situées à l'est du col du Lautaret. Au rez-de-chaussée se trouvent le logis et l'étable, parfois séparés par un vestibule : le corridor. La grange occupe l'étage et le comble. L'aménagement de ces trois espaces est analogue à celui des maisons des autres régions haut-alpines.

Façade d'une chambre ménagère au Chazelet. Devant la porte sèchent des blettes. Noter l'arc de décharge au-dessus du linteau de la fenêtre qui ne comporte pas de vitre. Elle est fermée par des branchages glissés entre les grilles.Façade d'une chambre ménagère au Chazelet. Devant la porte sèchent des blettes. Noter l'arc de décharge au-dessus du linteau de la fenêtre qui ne comporte pas de vitre. Elle est fermée par des branchages glissés entre les grilles.

1. L 'écurie :

Dans le nord des Hautes-Alpes, le terme d'écurie (employé au masculin) désigne la pièce unique qui abritait à la fois les vaches, les brebis, l'âne ou le mulet, le cochon voire les poules. Le même mot est employé dans Haut-Oisans.

L'étable est donc commune à l'ensemble du troupeau mais chaque catégorie d'animaux y occupe une place bien définie et est séparée des autres par de petites barrières en bois. Les vaches se tiennent généralement sur un trottoir surélevé construit le long d'un des murs et bordé par une rigole qui permet l'évacuation du purin. Chacune d'elles est attachée par une corde à la mangeoire surmontée d'un râtelier de forme triangulaire. Les veaux sont parqués dans un box, de même que le cochon et l'âne ou le mulet ; les brebis occupent le centre de la pièce. Le principe de l'étable unique commune à tous les animaux a persisté jusqu'à aujourd'hui malgré l'augmentation de la taille des troupeaux. Seules quelques grosses maisons du Villar-d'Arène, construites ou transformées dans la deuxième moitié du XIXe siècle, ont une bergerie ou une porcherie distinctes de l'étable à vaches.

L'"écurie" voûtée d'arêtes d'une maison aux Cours.L'"écurie" voûtée d'arêtes d'une maison aux Cours.

Tous les écuries de la vallée de la haute-Romanche comportent un abat-foin, ce qui est loin d'être la règle générale dans la vallée de la Guisane. C'est une sorte de placard en bois ou en maçonnerie appelé fenil ou fenière au Villar, freïde aux Hyères, qui communique avec la grange par un trou percé dans le plafond de l'écurie. La personne chargée de soigner le bétail se rend dans la grange et jette par la trappe la quantité de fourrage nécessaire à la nourriture du troupeau, puis elle descend à l'écurie et répartit le foin dans les mangeoires. L'utilisation de l'abat-foin limite donc les déplacements entre la grange et l'étable qui n'ont souvent pas de communication intérieure. Dans certaines grosses maisons du Villar-d'Arène le système est encore plus perfectionné : les trappes se trouvent directement au-dessus des râteliers des vaches. Il n'est donc plus nécessaire de transporter le foin du fenil aux mangeoires.

Dans les chalets isolés au milieu des pâturages d'altitude le sol de l'écurie est en terre battue. Dans les maisons permanentes il est pavé de galets de rivière et s'appelle alors la cala. On ne met pas ou peu de litière aux vaches pendant leur longue stabulation hivernale. Pendant tout l'hiver le fumier s'accumule sur la cala. Au printemps, lorsque le troupeau commence à quitter l'étable pour brouter les landes situées à la périphérie du village, les agriculteurs sortent une partie du fumier et l'épandent comme engrais sur les champs. Ils utilisent à cet effet une sorte de brancard en bois puis des traîneaux. Le reste du fumier est laissé dans l'écurie jusqu'au départ des vaches pour la montagne. Il est alors découpé à la pelle en blocs de 30 cm de côté, les blettes, qui finiront de sécher au soleil devant la maison ou sur la galerie. Dans ce pays déboisé, les blettes de fumier de vache ou de mouton sont aujourd'hui encore largement utilisées comme combustible aussi bien pour le chauffage que pour la cuisine. Brûlées dans le poêle ou la cheminée, elles se consument sans flammes en dégageant une grande chaleur.

Paysage d'hiver au Chazelet. Blettes de fumier de mouton entreposées près d'une porte.Paysage d'hiver au Chazelet. Blettes de fumier de mouton entreposées près d'une porte.

Tous les écuries des maisons permanentes comportent une cheminée dans laquelle les habitants de la vallée faisaient tiédir l'hiver l'eau glacée puisée à la fontaine avant de la donner à boire aux vaches. L'hiver c'est autour de la cheminée de l'étable que la famille se réunissait et que les voisins venaient la rejoindre pour passer la veillée. Mais nous n'avons recueilli aucun témoignage laissant penser que les habitants de la vallée de la haute-Romanche aient déménagé l'hiver à l'écurie, y aient fait la cuisine et dormi comme cela se fait encore dans certains villages du Briançonnais ou du Queyras.

2. La grange

Dans le nord des Hautes-Alpes on appelle grange la partie supérieure de la maison où sont stockés fourrage et récoltes. La grange contient l'aire à battre, qui dans la vallée de la Haute-Romanche est une surface dure en terre battue, limitée par des planches et située devant la porte d'entrée. Dans le Briançonnais, l'aire est bordée par une série de coffres dans lesquels est conservé le grain. Ce n'est pas le cas dans la vallée de la Haute-Romanche où les granges présentent une différence fondamentale avec celles des régions voisines : le grenier qui occupe le comble de la chambre est absolument distinct de l'espace où est stocké le fourrage.

Le second trait qui distingue les granges de La Grave ou du Villar de celles des vallées voisines est leur aspect clos. Les granges du Briançonnais ou de la vallée de la Durance sont balayées par les courants d'air qui passent à travers les jours de toutes formes, les bardages de planches, les cloisons en empilages de madriers de mélèze, les avancées de toit, ou les portes ouvertes à cet effet. Les granges de la vallée de la Haute-Romanche sont peu ventilées ce qui explique peut-être les nombreux incendies qui ont ravagé la région et le fait que les pièces à provisions soient indépendantes de la construction où se trouve la grange. La seule pièce à provisions intérieure à la maison est une cave à légumes, complètement enterrée dans le sol et voûtée en berceau.

3. Le logis

Le logis est, sauf pour quelques grosses maisons du Villar ou du bourg de La Grave, constitué par une pièce unique, divisée en deux par un meuble-cloison qui isole la fougagne ou cuisine de l'alcôve. L'alcôve contient généralement deux grands lits, l'un pour les parents, l'autre pour les enfants. Il n'y a pas d'autre chambre à coucher. La cuisine comporte toujours une cheminée qui, dans les maisons permanentes, est souvent fermée par des portes en bois, comme un placard. On ouvrait les portes pour faire du feu. Fermées, elles empêchaient la chaleur emmagasinée dans la pièce de s'échapper par le conduit. Dans la première moitié du XXe siècle, les cheminées ont souvent été abandonnées au profit du poêle à trois trous puis de la cuisinière à bois.

L'aménagement des cuisines était sommaire : les beaux meubles-cloisons qui divisent la pièce en deux sont formés de buffets, d'une horloge et parfois d'un vaisselier. Le reste du mobilier est constitué par une table, des bancs, quelques chaises, un fauteuil et parfois un buffet-vaisselier à trois corps. Les éviers sont récents : auparavant ils devaient être mobiles.

L'eau courante au robinet n'a été installée qu'en 1951. Mais un grand nombre de maisons comportaient un puits intérieur. La plupart sont bouchés, nous n'en avons retrouvé que quelques-uns, à La Grave, au Rivet, aux Cours. Lorsque la maison n'avait pas de puits il fallait, été comme hiver, aller chercher à la fontaine du village l'eau nécessaire à la consommation domestique, au ménage et aux animaux.

De l'extérieur, il n'est pas facile de distinguer une demeure permanente d'une maison habitée de façon saisonnière. Matériaux, modes de construction et décor sont identiques. Le plan et l'aménagement intérieur de ces deux types de construction est également très semblable. Certes les maisons permanentes se distinguent par leur fini : les cloisons intérieures sont en pan-de-bois ou en maçonnerie et non en planches ; l'écurie est pavée ; l'alcôve est séparée de la fougagne par un meuble-cloison et non par un simple rideau. Mais il ne s'agit que de différences de détail. Le principe est le même. Certains aménagements qui dénotent un plus grand désir de confort dans les maisons permanentes sont d'ailleurs assez récents : c'est par exemple dans les années 1930 que les murs de l'alcôve construits contre la pente et souvent très humides ont été doublés par une cloison en planches ou que les cheminées-placards ont été entourées par des ensembles mobiliers muraux. Auparavant maisons permanentes et saisonnières devaient se ressembler encore davantage.

IV. Le modèle et ses variantes.

La vallée de la haute-Romanche se caractérise donc par une architecture extrêmement homogène où l'habitat saisonnier se différencie peu de l'habitat permanent. Par comparaison avec les constructions des vallées voisines, maisons et chalets de La Grave et du Villar se distinguent par la place de la cuisine, toujours à côté de l'étable, et l'entrée unique au rez-de-chaussée qu'empruntent aussi bien les hommes que le troupeau. Cependant dans la structure et le système de circulation apparaissent des différences qui nous permettent de distinguer plusieurs variantes de ce même modèle architectural.

Le type le plus largement répandu puisqu'on le retrouve sur l'ensemble de la commune de La Grave, avec quelques exceptions au chef-lieu, se caractérise par un rez-de-chaussée plafonné, une circulation verticale extérieure et surtout un type de charpente très particulier. Par contre les maisons du bourg du Villard ainsi que quelques maisons des Cours ont un rez-de-chaussée voûté et une circulation intérieure totale comme les demeures du Briançonnais. Enfin, il faut faire une place à part aux constructions de la deuxième moitié du XIXe siècle liées au développement du trafic routier.

A. Le type dominant sur poteau : les maisons à rez-de-chaussée plafonné et charpente

Les maisons de ce type présentent un certain nombre de caractéristiques.1L'ensemble du rez-de-chaussée est couvert d'un plafond en planches à poutres apparentes. Le plafond de l'étable est recouvert d'une couche de terre d'environ 20 centimètres d'épaisseur afin que les vapeurs d'ammoniac dégagées par le fumier ne fassent pas pourrir le foin stocké dans la grange au-dessus. Compte-tenu du poids de la terre et de la portée des poutres, celles-ci sont souvent étayées dans l'écurie par des poteaux en bois. La séparation entre la cuisine et l'écurie est assurée par une cloison en pan-de-bois dans les maisons permanentes, par une cloison en planches dans les chalets d'alpage.

L'accès au rez-de-chaussée se fait par une porte commune aux hommes et aux animaux. Deux types de circulation sont alors possibles selon que la maison comporte ou non un vestibule appelé corridor. Dans les maisons sans vestibule, c'est-à-dire les chalets d'alpage les plus éloignés, il faut traverser l'écurie pour se rendre à la cuisine. Dans le cas contraire, on pénètre au rez-de-chaussée dans le corridor qui distribue d'une part la cuisine et d'autre part l'écurie. Dans les villages permanents, ce sas de passage est construit en maçonnerie. Dans les villages saisonniers il est le plus souvent en planches et parfois formé par une simple claire-voie. Mais dans tous les cas, le corridor ne commande que le rez-de-chaussée. Il n'y a pas de circulation intérieure verticale. Pour accéder à la grange à l'étage, il faut passer par l'extérieur.

L'aspect le plus original des maisons de ce type est leur charpente. Celle-ci ne comporte pas de fermes. La poutre faîtière est fixée sur les murs-pignons et sur deux ou trois longs poteaux en bois enfoncés dans le sol. La grande majorité des maisons à rez-de-chaussée plafonné ont une toiture de ce genre. Mais certaines charpentes sort plus classiques et comportent plusieurs fermes formées de deux arbalétriers unis par un poinçon et d'un entrait. Ces toitures relativement récentes ont pu remplacer une charpente traditionnelle sur poteau.

Charpente sur poteau d'une maison au Pied du Col.Charpente sur poteau d'une maison au Pied du Col. Loquet de porte de corridor aux Hyères.Loquet de porte de corridor aux Hyères.

L'aménagement intérieur des maisons permanentes à rez-de-chaussée plafonné les distingue fort peu des chalets d'alpages. Mais aux Hyères quelques maisons plus cossues comportent une pièce d'habitation supplémentaire : la cuisine est séparée par une cloison en pan-de-bois ou un ensemble mobilier de la salle où se trouve l'alcôve. Les deux pièces comportent un poêle ou une cheminée. Mais ces améliorations restent très ponctuelles. (Cf. dossier de la maison IA00049844 aux Hyères).

Description des maisons à rez-de-chaussée plafonné sélectionnées pour étude

Paramètres de description

Localisation : commune

lieu-dit

édifice : nom ou numéro de parcelle cadastrale.

Forme de la charpente : a : sur poteaux

b : à fermes.

Nature de la cloison isolant la cuisine de l'étable :

a : en pan-de-bois

b : en planches

Distribution du logis : a : formé d'une pièce unique

b : formé d'une pièce unique divisée par un lambris ou un ensemble de meubles en cuisine et alcôve comportant une cuisine distincte du séjour-chambre.

L'accès à la cuisine se fait : a : par l'étable

b : par un corridor distribuant les deux pièces.

Fonction de cette maison : a : maison permanente

b : habitat saisonnier de printemps et d'automne

c : chalet d'estive utilisé en juillet et août.

Commune

Lieu-dit

Edifice

Charpente

Séparation

cuisine/écurie

Logis

Entrée

Fonction

a b

a b

a b c

a b

a b c

La Grave

La Buffe

(Vallon de)

Baraque de la

Buffe

x

x

x

x

x

Chalet de la

Courbeille

x

x

x

x

x

Les Combettes

x

x

x

x

x

Le Chazelet

P. 227

x

x

x

x

x

Les Hyères

P. 1985

x

x

x x

x

x

Le Rivet du

Pied

P. 1853

x

x

x

x

x

Valfroide

Le Pré Rond

P. 690

x

x

x

x

x

Le Villar

d'Arène

Le Pied du

Col

P. 675

x

x

x

x

x

P. 715

x

x

x

x

x

Total sur 9 édifices

étudiés

4 5

3 6

6 3 1

6 3

2 4 3

Maisons à rez-de-chaussée plafonné

B. Les maisons à rez-de-chaussée voûté

A La Grave, les maisons à rez-de-chaussée plafonné sont la règle. Nous n'avons recensé que très peu de maisons voûtées : une à Ventelon, deux au bourg de La Grave où il en existe certainement d'autres. Par contre au chef-lieu de Villar-d'Arène toutes les maisons ont un rez-de-chaussée voûté, dans son ensemble, ou seulement en ce qui concerne l'écurie. Celle-ci est généralement couverte d'arêtes, dans deux cas seulement d'une voûte en pendentifs. Lorsque l'écurie est vaste, le voûtement retombe au centre de la pièce sur un ou deux piliers en pierre de taille dont les chapiteaux moulurés portent fréquemment une date de la deuxième moitié du XIXe siècle : 1833, 1844 ; 1860 ; 1870 ; 1871 ; 1873. Malgré ces dates tardives sur les voûtements d'écurie, tous les bâtiments en question existent déjà sur le cadastre de 1810.

Les charpentes du Villar ne sont pas sur poteaux. Elles comprennent trois ou quatre fermes formées de deux arbalétriers unis par un poinçon, d'un entrait et d'un faux-entrait. Mais les entraits ne sont pas comme dans le Briançonnais, posés sur les murs-gouttereaux qu'ils protègent d'un large débord. Ils sont fixés dans la maçonnerie du mur, dont la toiture, fermée par une corniche en tuf, déborde faiblement.

1. Le logis

Certaines de ces demeures voûtées ne comportent, comme les maisons à rez-de-chaussée plafonné, qu'une seule pièce d'habitation divisée en fougagne et alcôve par un meuble-cloison. Cette pièce d'habitation peut être couverte d'un plafond en planches à solives apparentes, ou plâtré sur un lattis de bois (parcelle 470). Mais elle est souvent voûtée, d'arêtes ou en berceau à lunettes. Le meuble-cloison qui la divise en deux épouse alors la forme de la voûte (cf. parcelle 485).

Certaines maisons du Villar-d'Arène comportent plusieurs pièces d'habitation en rez-de-chaussée, en général une cuisine et une salle de séjour qui contient, ou a contenu, une alcôve. (Une seule demeure, exceptionnelle, a quatre pièces d'habitation au rez-de-chaussée). Cette disposition qui distingue le lieu où l'on cuisine du lieu où l'on dort est identique à celle de certaines maisons des Hyères (cf. IA00049844), mais au Villar les maisons qui comportent deux pièces d'habitation au rez-de-chaussée comptent également deux ou trois chambres à coucher à l'étage. L'utilisation de ces maisons à pièces d'habitation multiples peut être différente l'été et l'hiver. Selon divers témoignages, pendant les mois les plus rigoureux de 1905, l'hiver, toute la famille se tenait dans une seule pièce, y dormait et y faisait la cuisine. A. Allix rapporte également cette pratique qui "est l'équivalent de ce que dans la plus grande partie des Alpes, on appelle le "poêle" 1. La maison 401 comporte d'ailleurs une pièce qu'aujourd'hui encore on appelle le poêle (cf. IA00049834).

2. Le système de circulation

a . Les maisons à corridor unique

Comme les maisons à rez-de-chaussée plafonné du reste du canton, la plupart des maisons voûtées du Villar-d'Arène ne comportent qu'une seule porte d'entrée qui donne dans un vestibule également voûté, le corridor, qui distribue la cuisine et l'écurie. Parfois le corridor ne commande qu'une circulation horizontale, à l'instar des maisons du reste du canton (cf. parcelle 470). Mais le plus souvent, le corridor de ces maisons voûtées est un nœud de circulation horizontal et vertical, identique à la court des maisons du Briançonnais : il commande les portes de la cuisine, de l'écurie et de la cave, et l'escalier d'accès à la grange (Cf. IA00049839 aux Cours ; IA00049833, IA00049835, IA00049836 au Villar-d'Arène). Les escaliers d'accès à la grange sont droits et en pierre.

Le "corridor" d'une maison voûtée des Cours.Le "corridor" d'une maison voûtée des Cours.

b. Les maisons à corridors multiples

Certaines maisons ne comportent pas un mais deux corridors, c'est-à-dire deux vestibules d'entrée. Différents cas de figure sont alors possibles.

A. L'un des vestibules, identique au corridor traditionnel décrit ci-dessus, distribue le logis, l'écurie, la cave et la grange.

A 1. Le second corridor ne relie que les pièces d'habitation du rez-de-chaussée à celles de l'étage (Cf. IA00049837).

A 2. Le second corridor distribue l'écurie et la seconde pièce d'habitation en rez-de-chaussée. L'escalier d'accès aux chambres à coucher se trouve dans la pièce qui contient l'alcôve (Cf. IA00049838).

B. Le premier corridor ne commande qu'une circulation horizontale. Il distribue l'écurie et le logis, l'accès à la grange se faisant par l'extérieur.

B 1. Le second corridor commande une circulation horizontale et verticale, mais limitée au logis et éventuellement aux pièces à provision.(Cf. IA00049832, avant la création de l'aile nord-sud en 1880).

Une seule demeure comporte trois corridors, mais le troisième se trouve dans une aile ajoutée en 1880 (IA00049832).

Quelques grosses demeures voûtées du Villar comprenant plusieurs pièces d'habitation réparties sur deux étages, ne comportent qu'un seul corridor. Dans ce cas, il existe un escalier intérieur faisant communiquer les chambres à coucher à l'étage avec la salle de séjour du rez-de-chaussée.

Il est difficile d'expliquer pourquoi les maisons du bourg du Villar sont différentes, par leur structure et leur distribution, de celles de l'ensemble du canton.

Le voûtement du rez-de-chaussée s'explique peut-être par le terrible incendie de 1771 qui a détruit la presque totalité du village. Après cette catastrophe, les habitants du Villar ont peut-être voulu se prémunir contre un nouveau désastre en voûtant leurs étables et parfois l'ensemble de leur rez-de-chaussée à l'instar de leurs voisins de la vallée de la Guisane. Certaines demeures (IA00049839 aux Cours, IA00049836 ou IA00049835 au Villar) sont tout à fait semblables aux constructions du Briançonnais. Mais tous les corridors du Villar ne reproduisent pas le système de la court des vallées de la Guisane ou de la Clarée. Certains corridors ne commandent qu'une circulation horizontale entre la cuisine et l'écurie, comme les maisons à rez-de-chaussée plafonné du reste du canton. La seule différence est le voûtement qui dans ce cas se limite souvent à l'écurie (ex. parcelle 470 au Villar), et la forme de la charpente.

Meuble-cloison isolant une alcôve dans une maison qui fut le siège d'une entreprise de roulage.Meuble-cloison isolant une alcôve dans une maison qui fut le siège d'une entreprise de roulage.

Les grosses demeures des entrepreneurs de roulage, voituriers, négociants, notaires, enrichis par le trafic de la deuxième moitié du XIXe siècle présentent toutes un certain nombre de points communs : création d'un étage supplémentaire ; multiplication des pièces d'habitation ; adjonction d'une remise ; voûtement du rez-de-chaussée avec des formes originales, sans doutes réalisées par des maçons italiens, telles que voûte en pendentifs et pénétrations "vallouisiennes". Elles se distinguent des autres maisons par leur importance, leur décor, l'aménagement du logis. Mais le modèle traditionnel n'est pas complètement oublié. L'une au moins des entrées reste commune aux hommes et aux animaux. La circulation par un vestibule commandant plusieurs pièces ou étages existe toujours. Les différentes parties de l'exploitation (grange, écurie, remise, logis...) restent groupées sous le même toit. Enfin si les meubles-cloisons qui divisent les pièces sont plus beaux, plus soignés et fréquemment en noyer, leur principe est le même. D'ailleurs certaines familles n'hésitaient pas l'hiver à abandonner les nombreuses chambres pour retrouver une vie commune dans une pièce d'habitation unique. Malgré la modification du décor, l'ouverture à de nouveaux modes de vie, l'attachement du modèle traditionnel d'habitat semble grand chez les "notables" de la deuxième moitié du XIXe siècle.

ANNEXES

1. Lexique des mots locaux

On a regroupé dans ce lexique aussi bien des termes dialectaux transcrits phonétiquement le plus simplement possible, que les mots français qui étaient utilisés dans une acception bien précise. On s'est limité aux mots encore employés, sans retenir ceux rencontrés dans les textes.

aïre : dans la grange, espace où l'on battait les grains (terme utilisé dans d'autres régions des Hautes-Alpes).

alpe : pâturage d'altitude.

arche : coffre où sont conservées les provisions.

bareut : dans l'écurie, rigole destinée à l'écoulement du purin (terme recueilli aux Hyères).

barraque : grange d'altitude.

blette : bloc de fumier de brebis que l'on fait sécher au soleil et que l'on utilise comme combustible.

cabane : abri de berger.

cahutte : porcherie indépendante de la maison.

cala : pavage de galets qui peut être intérieur, dans une "écurie" ou un "corridor" ou extérieur, devant la façade principale d'une maison.

couère : balai de branches de saule pour balayer l'écurie.

chalet : construction habitée de façon temporaire pendant l'estivage des vaches.

chambre (choumbra) : ce terme désigne un petit bâtiment nettement distinct de la maison d'habitation, qu'il soit isolé ou mitoyen, où l'on conservait les provisions, les grains et tous les objets précieux.

chenal : gouttière en bois.

corridor : vestibule qui dessert l'"écurie" et la cuisine et parfois l'escalier d'accès à la grange ; équivalent de la court du Briançonnais.

courleuil : entonnoir en bois.

écrin : coffre.

écurie : (employé au masculin) : terme utilisé dans l'ensemble des Hautes-Alpes pour désigner la pièce en rez-de-chaussée qui sert à la fois d'étable, de bergerie, de porcherie et souvent de poulailler.

escaliers (toit à) : pignon à redents.

farouille (masculin) : gros loquet de fer forgé qui ferme toutes les portes extérieures des maisons (celle du logis, aussi bien que celles de la grange, de l'"écurie", ou de la "chambre").

fenil ou fenière : abat-foin.

flassa : couverture (literie).

fougagne : cuisine.

freïde : abat-foin (terme recueilli aux Hyères).

galarïa : balcon.

gouérant : brancard en bois utilisé pour sortir le fumier de l'écurie.

grange : peut désigner la partie de la maison où l'on stocke le foin comme des constructions isolées dans les alpages.

grenier : au Chazelet petite construction en bois ayant la même fonction que les chambres. Dans le reste du canton, la pièce située dans le comble des chambres, où étaient conservés le grain et le pain.

lérié : râtelier.

levée : plan incliné qui permet d'accéder à la porte de la grange.

paradis : nom donné au comble du four banal où l'on fait refroidir le pain sur des étagères. Par opposition à la pièce où se trouve le four, appelée l'enfer à cause de la chaleur qui y règne.

pétri : poussière de charbon pétrie avec de la glaise et de l'eau pour former des boulets.

pontis : à La Grave, l'équivalent du rez-de-plan.

porche : sas de passage construit en ressaut sur la façade, devant la porte du "corridor".

raclou : raclette en bois utilisée pour nettoyer la cala de l'écurie.

rez-de-plan : plancher, souvent à claire-voie divisant la grange (terme entendu dans les grosses maisons du Villar-d'Arène).

torche : bouchon de racines de chiendent avec lequel on bouchait le trou du courleuil et qui filtrait les matières solides tombées dans le lait.

tourmente : vent tourbillonnant et froid venant du col du Lautaret.

treuille : petite pièce de bois qui bloque la corde qui lie la "trousse".

trousse : ballot de foin.

2. Liste des chronogrammes inscrits sur les maisons du canton

1. Dates inscrites sur un support exceptionnel

- Cadran solaire : Les Cours 1774

- Charpente : Le Pied du Col 1702

- Cloison intérieure : La Buffe (vallon de) 1777, 1779, 1789

- Décor peint intérieur : La Grave 1905

- Four à pain intérieur : Le Villar 1883

- Plaques de cheminée : Le Villar, 1698, 1702 ; Le Pied du Col, 1666

- Portail : La Grave 1634.

2. Petites séries

Les baies : linteau, piédroit, appui (les inscriptions sur impostes et poignées de porte sont soulignées)

- La Grave : 1625, 1632, 1632, 1813

- Le Chazelet : 1616, 1768

- Les Hyères : 1783, 1840

- La Saulce : 1830, 1830

- Les Terrasses : 1662, 1815, 1843, 1880, 1907

Les Terrasses. Parcelle 150. Le linteau de la porte d'entrée porte deux inscriptions : l'une sculptée en relief est datée 1662 ; la seconde, gravée 1880.Les Terrasses. Parcelle 150. Le linteau de la porte d'entrée porte deux inscriptions : l'une sculptée en relief est datée 1662 ; la seconde, gravée 1880.

- Valfroide : 1650, 1651, 1679, 1764, 1856, 1871, 1876

- Ventelon 1668, 17 [??], 1824, 1824

-Le Villar : 1664, 1862

- Les Cours : 1732, 1792

- Le Pied du Col : 1764, 1778, 1782, 1929, 1976.

On remarquera la forte proportion relative des dates du XVIIe siècle inscrites sur les linteaux de fenêtres soit 10 dates du XVIIe et 9 du XVIIIe sur un total de 35 dates.

Les piliers d'étables voûtées : La Grave : 1861

Le Villar : 1833, 1844, 1860, 1870,1871, 1873.

Les 7 dates relevées sont comprises dans une fourchette de 40 ans,1833 à 1873, qui coïncide avec la période de grands travaux sur la route du Lautaret.

3. Les dates gravées sur une pierre du mur

- Les dates du XVIe siècle :

- Les Clots : 1550 (?)

- Les Hyères : 1575, 1599

- La Saulce : 1567

4 chronogrammes au total.

- Les dates du XVIIe siècle : les chronogrammes qui sont à l'évidence remployés sont soulignés

- La Grave : 1619, 1648, 1654, 1681

- La Buffe : 1638

- Le Chazelet : 1634, 1672

- Les Clots : 1688

- Les Hyères : 1653, 1661, 1664, 1667, 1669

- Les Terrasses : 1626, 1627, 1680

- Valfroide : 1660, 1665

- Le Villar : 1625, 1667

- Les Cours : 1669

- Le Pied du Col : 1608, 1671, 1675.

Les dates du XVIIe siècle sont peu nombreuses (24 au total) mais apparaissent dans la plupart des villages. Ventelon et les Fréaux mis à part, tous les villages permanents sont représentés sur cette liste.

- Les dates du XVIIIe siècle :

- La Grave : 1763

- La Buffe : 1779, 1788

- Le Chazelet : 1750, 1755, 1771

- Les Fréaux : 1756, 1767

- Les Hyères : 1734, 1734, 1740, 1788

- Le Rivet : 1730

- La Saulce : 1726 , 1751, 1782

- Les Terrasses : 1715, 1786

- Valfroide : 1740, 1789

- Ventelon : 1764, 1774, 1785

- Le Villar : 1761

- Les Cours, : 1774

- Le Pied du Col : 1702.

Au total 25 dates du XVIIIe siècle dont 7 seulement sont antérieures à 1750.

- Les dates du XIXe siècle :

1800-1830

1831-1860

1861-1900

La Grave

1820, 1825, 1829, 1830

1844, 1851

1894, 1895

La Buffe

Vallon de la)

1846

Le Chazelet

1828

1834, 1845, 1859

1861

Les Clots

1836

1872

Les Hyères

1800, 1811, 1812, 1819, 1822

1834, 1836, 1836, 1838, 1854

1863, 1878

Le Rivet

1825

1832, 1839, 1840, 1843

Les Terrasses

1851

1896

Valfroide

1804, 1806, 1811, 1811, 1812, 1830

1843, 1846, 1857

1871, 1891

Ventelon

1805, 1810, 1811, 1814, 1821, 1824

1839, 1843, 1850, 1853, 1857, 1860

Le Villar

1821

1850

1897

La Guindaine

1862

Le Pied du Col

1825

1841

Totaux

25

28

10

Les dates du XIXe siècle sont nettement les plus nombreuses, mais disparaissent après 1860.

3. Quelques éléments sur la façon de construire au XIXe siècle d'après les archives concernant la reconstruction des édifices publics et des presbytères au XIXe siècle 2.

1. Le choix et la provenance des matériaux

D'après les devis

a. Les moellons :

Pour le presbytère des Hyères les moellons proviendront

- des démolitions de l'ancien presbytère

- de la carrière de la Casse à Valfroide.

Pour celui de La Grave : les moellons seront pris dans les carrières avoisinantes. Ils seront de nature calcaire, bien sains, non sujets à se décomposer à l'air, ni par l'action de la gelée et du dépôt.

Pour la reconstruction d'une fontaine publique à La Grave (1871), l'emploi du schiste est interdit dans la construction des maçonneries. Ils seront fortement frappés au marteau et nageront dans un bain de mortier.

b. Le sable :

Pour le presbytère des Hyères (1845), le sable proviendra de la carrière du Goléon. Il sera grenu et non terreux, lavé pour le purger de toutes matières terreuses et passé à la claie pour le débarrasser des cailloux qu'il pourrait contenir.

En 1855, le sable nécessaire à la réparation de l'église paroissiale de La Grave est extrait du lit de la Romanche.

c. La chaux :

Pour le presbytère des Hyères, la chaux sera prise aux fours du Lauzet ou de la Madeleine (commune de Monêtier). Elle sera bien cuite non pulvérisée par l'action de l'air, éteinte sur place et au fur et à mesure des besoins.

En 1871, la chaux nécessaire à la réfection d'une fontaine du bourg de La Grave provient des fours à chaux des Fréaux.

d. Le plâtre : sera pris à la carrière des Hyères, il sera cuit, non brûlé, et il n'en sera fait provision qu'au fur et à mesure des besoins.

e. Le mortier : sera composé de deux-tiers de sable et d'un tiers de chaux éteinte. Ces deux substances seront mélangées ensemble à force de bras et sans autre addition d'eau que celle qui aura servi à éteindre la chaux.

f. Le bois :

Les planches pour planchers et menuiseries seront en mélèze ; les bois pour lambourdes des plafonds proviendront des forêts du Lauzet et seront en mélèze bien sec et sans aubier et mauvais nœuds, de fil droit et non tranché.

g. Les ardoises :

Seront prises aux carrières du Dauphin. Elles auront 0, 34 de large sur 0, 48 de longueur et 0, 01 d'épaisseur.

2. Mise en œuvre des matériaux d'après le devis estimatif du presbytère des Hyères (1845).

Les contraintes de construction doivent apparaître tellement grandes aux maçons du pays que personne ne se décide à prendre le marché pendant plusieurs années. Les devis des presbytères de La Grave et du Chazelet sont identiques à celui-ci.

a. La maçonnerie

Les maçonneries seront élevées par assises réglées autant que possible. Les joints bien reliés et les moellons nageant dans un bain de mortier. Les crépis ne s'appliqueront qu'après que les maçonneries auront été grattées dans les joints lavés et dégauchis au moyen de cueillés (?) dressées à la règle, l'intervalle entre les cueillés sera rempli avec du mortier fouetté contre le mur en deux couches d'un centimètre chacune, la seconde n'étant appliquée qu'après que la première aura repris toute sa consistance, pour le crépi la seconde couche sera dressée et polie à la palette jusqu'à ce qu'il ne s'y manifeste plus de grains ?

Le blanchissage sera fait au lait de chaux on laissera bien sécher la première couche avant d'en appliquer une seconde, la dernière sera donnée tiède et préparée à la colle de gant.

b. Les planchers

Les planchers seront faits avec des planches ayant les qualités précitées. Elles seront assemblées à rainures et languettes, blanchies d'un côté seulement . Elles seront tirées d'égale épaisseur aux deux bouts, proprement travaillées au rabot et dressées à la varlope. Les rainures seront taillées de façon que les languettes y encastrent parfaitement. Les planches devront être fortement serrées l'une contre l'autre de manière que les joints soient exactement unis sans le moindre intervalle et sans inégalité et seront clouées de deux clous sur chaque gîte ou lambourde lorsque leur largeur n'excèdera pas 0, 15 et de trois clous pour les largeurs au-dessus. Les joints des extrémités suivront exactement la ligne droite. Les planches fendues seront enlevées et remplacées de suite aux frais de l'entrepreneur. Les lambourdes auront 0, 12 d'équarrissage. Elles seront espacées d'un mètre de milieu en milieu.

c. Les menuiseries de portes et contrevents

La menuiserie simple à panneaux pour portes, contrevents sera faite avec des planches ayant les qualités citées plus haut, rabotées des deux côtés, réunies à rainure et languettes, bien collées, proprement dressées et unies sur toutes leurs faces, assemblées avec emboîture de même bois de 0, 12 m de largeur bien chevillées et raccordées proprement.

Les châssis de croisées seront en bois de mélèze bien sec et les dormants, montants, traverses et reverseaux auront de 0, 06 à 0, 07 d'équarrissage. Ces bois seront proprement assemblés, unis et polis au rabot. Les croisillons à petit bois auront 0, 035 d'épaisseur sur 0, 03 de largeur. Ils seront ornés d'un tore entre deux filets. Les moulures seront poussées aux montants et traverses dudit châssis. Ces petits bois seront proprement assemblés à pointe de diamant conformément aux dessins qui seront donnés à l'entrepreneur lors de l'exécution des travaux.

d. La toiture

La toiture sera faite avec les ardoises indiquées plus haut. Elles seront posées sur des lattes de 0, 20 de largeur sur 0, 022 d'épaisseur espacées entre elles de 0, 30 de milieu en milieu. C'est sur ces lattes que seront attachées avec de forts liens d'osier les couches de paille sur lesquelles reposeront les ardoises qui seront clouées sur les lattes avec des clous de 0, 08 de longueur. Elles se recouvriront sur la moitié de leur largeur, seront proprement recoupées et exactement dressées au cordeau. La couche de paille aura de 0, 05 à 0, 06 centimètre 3.

e. Serrurerie et garnitures métalliques

Tous les ouvrages de serrurerie seront proprement travaillés, limés et brunis à la corne.

Tous les fers seront doux, liants, et non cassants ni à chaud ni à froid, façonnés et travaillés suivant les modèles qui seront donnés à l'entrepreneur lors de l'exécution des travaux.

3. Les transformations

a. Élévation :

- Les façades des presbytères sont systématiquement ordonnancées.

- Les fenêtres, agrandies, sont plus nombreuses et sont munies de volets.

- Les balcons "destinés à faire sécher le linge et combustible de Mr le Curé" sont refaits et munis de balustres.

b. Structure

Les caves sont voûtées.

Les cloisons intérieures en planches sont refaites en moellons de tufet.

Les plafonds en planches sont refaits sur liteaux et plâtrés.

1Allix, André. L'Oisans, étude géographique, p. 453.2A.D. des Hautes-Alpes, série O.3A La Grave la partie du presbytère correspondant au logis est couverte d'ardoise, celle correspondant à la grange-étable en ardoise sur paille.

4 chronogrammes remployés du 16e siècle, 35 du 17e, 33 du 18e, 75 du 19e siècle

  • Période(s)
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
  • Typologies
    maisons bloc à entrée commune aux hommes et aux animaux
  • Toits
  • Murs
    • schiste
    • tuf
    • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • Décompte des œuvres
    • étudiées 18
    • repérées 90

Bibliographie

  • ALLIX, André. L'Oisans. Etude géographique. Paris, 1929.

  • ALLIX, André. L'Oisans au Moyen-Age. Etude de géographie historique en haute montagne d'après des textes inédits. Paris, 1929.

  • RAULIN, Henri. L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Dauphiné. Paris : musée national des arts et traditions populaires, Berger-Levrault éditeur, 1977.

  • RAULIN, Henri. L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Savoie. Paris : Berger-Levrault, éditeur, 1977.

  • FRAY, François. L'habitat traditionnel dans la vallée de la Clarée (Briançonnais). Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 1-2, 1978.

  • FRAY, François. Les maisons de Puy-Saint-André et Puy-Saint-Pierre et leurs accès. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4, 1983.

  • MALLE, Marie-Pascale. L'inventaire de l'architecture rurale dans les Hautes-Alpes. Problèmes méthodologiques et premiers résultats. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4bis, 1983.

  • MALLE, Marie-Pascale. L'architecture rurale du Champsaur. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4, 1983.

  • MALLE, Marie-Pascale. Des maisons et des hommes en Haute-Romanche. Inventaire général du Patrimoine Provence-Alpes-Côte d'Azur, Parc National des Ecrins. Aurillac : Impr. moderne, 1984.

  • ROBERT, J. La maison permanente dans les Alpes françaises du nord. Tours : Ed. Album, 1939.

  • ARBOS, P. La vie pastorale dans les Alpes françaises. Paris : Armand Colin, 1921.

  • ROUSSET, P.-L. Au pays de la Meije. Grenoble : Didier-Richard, 1977.

  • DAUTIER, Yves, LOSSI, Jean-Yves. Observations sur la maison queyrassine. In Le Monde alpin et rhodanien, n° 1, 1973.

  • BONNIN, B. Quelques éléments sur les maisons rurales en Dauphiné au XVIIIe siècle. Dans Mélanges Charles Joisten, Le Monde Alpin et Rhodanien, n° 1-4, 1982.

Documents figurés

  • Le Dauphiné. Le pont du Chazelet et la Meije (3987m). [L'ancien pont en bois sur le Ga. A droite le sentier menant au plateau d'Emparis et celui menant à Clot-Raffin.]. Carte postale ancienne. L.L. Selecta.

  • La Meije (3982m) et le village du Chazelet. [L'ancien pont en bois sur le Ga. A droite le sentier menant au plateau d'Emparis.]. Carte postale ancienne.

  • [La route à l'entrée du Chazelet.]. Carte postale ancienne.

  • Dauphiné. Village du Chazelet et la Meije. [L'ancien pont en bois sur le Ga. A droite le sentier menant au plateau d'Emparis.]. Carte postale ancienne. E.R.

  • Dauphiné. La Grave. La chaîne de la Meije, vue des Terrasses. Carte postale ancienne. E.R.

Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1987
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