Dossier collectif IA00124712 | Réalisé par
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

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    église
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    Aiguilles

Le Queyras est la seule vallée des Hautes-Alpes à avoir suscité autant d'intérêt que les Alpes du Nord. Dès les premières décennies du XXe siècle, géographes, ethnologues et érudits locaux apportèrent leur contribution à la connaissance de cette région. Cependant la description de l'économie rurale, des modes de vie, de l'habitat, du mobilier ou des coutumes passionna beaucoup plus les chercheurs que les domaines patrimoniaux plus traditionnels. Ainsi, le patrimoine religieux catholique, remarquable en quantité comme en qualité, n'a longtemps été étudié que sous J'angle des dévotions et des rituels, et non pas du point de vue de l'histoire de l'art. Il est encore fort mal connu et insuffisamment protégé et mis en valeur, ce qui s'explique à la fois par sa profusion, très caractéristique du Briançonnais, et par les faibles ressources des municipalités. La seule commune de Château-Ville-Vieille, qui compte aujourd'hui moins de 300 habitants, a hérité d'un passé plus brillant trois églises paroissiales et dix chapelles. Celle d'Arvieux, où ne vivent que 350 personnes, deux églises paroissiales, six chapelles et deux temples protestants, sans compter les oratoires et les croix de chemin.

I. Les vestiges du Moyen Age

Les sept paroisses médiévales relevèrent du diocèse de Maurienne avant de passer, au début du XIe siècle, sous l'autorité du diocèse d'Embrun. On ignore tout des églises primitives. Celles du XIIIe siècle, qui reflétaient sans doute la prospérité de leur époque, ont été ruinées pendant la grande dépression de la fin du Moyen Age. Il est d'ailleurs difficile de s'expliquer pourquoi cette région où la crise des XIVe et XVe siècles semble avoir été moins sévère que dans le bas pays n'a conservé aucun édifice roman, alors que la haute Provence ou les pays du Buëch en comptent de très nombreux exemples. Faut-il imaginer que les sept églises du Queyras étaient, au XIIIe siècle, construites en matériaux légers, en bois sans doute, ce qui expliquerait leur totale disparition ?

Des églises reconstruites à la fin du XVe siècle et au début du XVIe cinq nous sont parvenues : celles d'Abriès, Arvieux, Ville-Vieille, Molines et Saint-Véran. Construites en maçonnerie, constituées d'une nef à deux travées d'arêtes et d'un chœur à chevet plat, elles comportaient, à l'instar de la cathédrale du diocèse, un porche aujourd'hui disparu qui, à Abriès et Saint-Véran, était gardé par des lions stylophores à la crinière bouclée, très semblables à ceux de l'église Notre-Dame d'Aquilon de la petite ville voisine de Guillestre. Or, le prix-fait de reconstruction de l'église de Guillestre, daté de 1507, imposait aux maçons de réutiliser les deux"léopards" du porche antérieur. Il n'est pas invraisemblable de supposer que les lions d'Abriès et peut-être Saint-Véran datent comme ceux de Guillestre du XIIe ou du XIIIe siècle, époque où cette forme élaborée par les sculpteurs lombards a été adoptée à la cathédrale d'Embrun et s'est diffusée dans les paroisses du diocèse. Les lions stylophores sont-ils les seuls vestiges antérieurs au XVe siècle ? Il est bien difficile de répondre à cette question. Les archaïsmes de cette région des Alpes qui reste attachée très longtemps aux formes et à l'ornementation romanes rendent délicate la datation des éléments isolés, des chapiteaux, des remplois sculptés ou de certains objets en pierre comme les bénitiers ou les cuves baptismales.

Parmi les autres traits distinctifs des églises de la fin du Moyen Age, on relève les clochers-tours ornés d'arcatures lombardes, et les portails en plein-cintre qui se caractérisent par une alternance de colonnettes et de voussures, interrompue par de faux-chapiteaux continus. A Molines, Saint-Véran, et Ville-Vieille, ces impostes étaient sculptées de masques assez frustes. A Abriès au contraire elles s'apparentent à l'ornementation plus moderne du portail de l'église Notre-Dame-d'Aquilon de Guillestre (vers 1507) et encadrent un linteau sculpté d'entrelacs flamboyants. Il serait sans doute imprudent d'attribuer le portail d'Abriès à Jean Rostollan, le tailleur de pierre de Guillestre que Gérard Giordanengo considère comme l'auteur de plusieurs des portails construits au début du XVIe siècle dans le diocèse. Mais l'église Notre-Dame-d'Aquilon semble tout au moins avoir servi de modèle. L'église Saint-Marcellin de Ristolas aurait eu un portail semblable.

II. Les ravages des guerres de religion et la reconstruction du XVIIe siècle

Les édifices de culte rebâtis à la fin du XVe ou au début du XVIe ne durèrent pas plus d'un siècle. Mis à mal par les troupes protestantes vers 1574-1585, ils furent de nouveau reconstruits, apparemment en deux temps. Aux premières décennies du XVIIe siècle, avant 1640, semble correspondre une première campagne de restauration hâtive et économique, alors que les travaux des années 1680, qui s'amplifient après la révocation de l’Édit de Nantes, paraissent plus importants et plus coûteux.

La reconstruction du XVIIe siècle n'est pas exempte d'archaïsmes. Le clocher de l'église d'Abriès, daté de 1620, ou celui d'Aiguilles probablement contemporain, ont conservé la silhouette romane de leurs ancêtres d'Arvieux et Ville-Vieille. En 1637, la nef de l'église de Molines fut voûtée d'un berceau en maçonnerie de blocage. L'église Saint-Romain est apparemment la seule à être dotée à cette époque d'une structure aussi solide. Des mentions de travaux postérieurs nous indiquent que les autres églises du canton étaient alors couvertes d'un simple lambris. La seule église du Queyras à avoir conservé un tel couvrement est la chapelle Notre-Dame-de-l'Assomption, appelée la chapelle du cimetière, qui se dresse au pied de Fort-Queyras. D'autres édifices de la région, en particulier la chapelle des pénitents de La Grave et l'église des Hyères sur la même commune, ont été couvertes à la même période de berceaux lambrissés, ornés de toiles peintes marouflées. Faut-il rattacher à ces lambris du XVIIe la coupole en planches au décor peint très italianisant de l'église d'Abriès, jusqu'ici datée du XIXe ?

III. Au XVIIIe siècle. embellissement des églises paroissiales et construction des chapelles de pénitents

Les églises construites au XVIIIe siècle ont été fort malmenées. Celle du Roux d'Abriès, élevée en 1729 lors de la création de la paroisse, a été détruite en 1945. Celle du Veyer a été restaurée en 1825, après le grand incendie qui détruisit le hameau ; celles d'Aiguilles et de La Monta (Ristolas), déjà représentées sur lecadastre de 1827, sont probablement XVIIIe, mais ont été entièrement redécorées le siècle suivant. L'église paroissiale de Château-Queyras, dédiée à sainte Marie Salomé, daterait de 1722 et se caractérise, comme la chapelle des pénitents d'Abriès qui porte les dates 1752 et 1777, par un transept à coupole sur pendentifs et un chœur circulaire à voûtains rayonnants. Les chœurs de ce type ont été fréquemment utilisés pour les chapelles de hameau reconstruites à cette période et pour les chapelles de pénitents.

C'est en effet au XVIIIe siècle que furent construites la plupart des chapelles de pénitents. Auparavant, les confréries occupaient les tribunes des églises paroissiales et continuèrent à le faire à Monbardon et dans les petits hameaux. La chapelle des pénitents blancs de Ville-Vieille, dédiée à saint Sébastien, fut édifiée en 1742-43. Elle est construite sur le même modèle que celles de Château-Queyras et d'Aiguilles qui en sont probablement contemporaines.

IV. Au XIXe siècle, création de paroisses et construction de chapelles de pèlerinage

Jusqu'au XIXe siècle, la carte ecclésiastique héritée de la reconstruction du Moyen-Age resta immuable. Une seule paroisse fut créée au XVIIIe siècle, celle du Roux d'Abriès qui desservait bon nombre de hameaux éloignés du chef-lieu. Au XIXe siècle, pour répondre à la pression démographique, les créations de paroisse se multiplièrent. En 1820, L'Echalp, hameau de Ristolas, fut érigé en paroisse ; La Monta en 1844. L'année suivante, ce fut le tour de La Chalp-Sainte-Agathe, dépendant de Saint-Véran, et en 1846, celui de Monbardon. Ces créations s'accompagnèrent parfois d'un agrandissement des chapelles déjà existantes jugées trop exigües.

Si les chapelles de pénitents caractérisent le XVIIIe siècle, le XIXe se consacra à la construction de chapelles de pèlerinage. Deux d'entre elles se dressent dans des lieux isolés et dominants, sans doute pour profiter des qualités de pureté et d'élévation de l'âme dont on pare alors la montagne. La chapelle Saint-Simon, attestée au XVIe, reconstruite en 1865 au sommet Bûcher, donnait lieu à un pèlerinage inter-communal très suivi. Celui de la chapelle Notre-Dame-du-Mont-Carmel de Clausis, construite en 1846 et 1847 à l'initiative du curé de Saint-Véran, rassemblait le 16 juillet des fidèles du Queyras et des Italiens de l'ancien escarton de Château-Dauphin.

Plus proches des villages, les chapelles à chemin de croix eurent aussi un certain succès. Dominant l'Adroit d'Abriès, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs et la série d'oratoires qui y mènent furent édifiées en 1838 ; le chemin de croix qui fut ajouté en 1895 à la chapelle Sainte-Marie-Madeleine du Forest, élevée en 1889 au-dessus de Saint-Véran, s'en inspira très certainement.

V. Le mobilier

Les églises et chapelles du Queyras ont conservé en abondance le mobilier et le décor des XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant toutes les catégories d'objets n'ont pas été également conservées. L'orfèvrerie ancienne, dont on trouve de si beaux exemples dans les vallées briançonnaises voisines, a disparu. La sculpture n'est pas très abondante et de qualité médiocre. A l'exception de deux bustes reliquaires du XVIIe conservés au Veyer, de quelques Vierges à l'Enfant du XVIIIe siècle et de quelques statues de procession, la statuaire en bois se limite au décor des retables. Les tableaux sont par contre très nombreux. L'église d'Abriès en compte huit ; la petite chapelle Saint-Jacques-et-Saint-Philippe de Meyriès, six ; l'église Sainte-Marie-Salomé de Château-Queyras douze sur toile et sept sur bois. Il faut en effet noter, dans le canton, un goût pour la peinture sur bois qui perdure jusqu'au XVIIIe siècle. Objets de procession et vêtements sacerdotaux constituent également des séries importantes. Tous ces objets cultuels, ces éléments du décor liturgique ne sont bien sûr pas spécifiques du Queyras. Ils sont à étudier en référence à un cadre géographique beaucoup plus vaste : le diocèse d'Embrun ou même l'ensemble des Alpes du Sud. Il était fréquent de charger les migrants saisonniers de ramener de Lyon, de Grenoble, d'Italie, et plus tard de Marseille, les pièces d'orfèvrerie ou les livres liturgiques que décidait d'acquérir telle paroisse ou telle chapelle. Le passage d'artisans italiens, peintres de chevalet ou de décors muraux, sculpteurs comme Etienne Cardinetti et Denis Conti qui auraient réalisé, en 1684, une partie au moins du retable de l'église de Saint-Véran, est attesté dans les archives communales. Ces contacts avec l'extérieur expliquent que le mobilier religieux du Queyras ne présente aucun décalage chronologique avec les productions plus riches et plus savantes des régions alentour.

L'inventaire du mobilier des églises a également permis de découvrir une série de meubles proches du mobilier domestique : bancs, fauteuils de célébrant, coffres et armoires de sacristie. Sans doute fabriqués par des artisans du cru, ils s'apparentent étroitement à ceux rencontrés dans les maisons. Plus faciles à dater et à attribuer que le mobilier civil, ces objets viennent enrichir et renouveler un corpus déjà important sur lequel s'est jusqu'à présent davantage focalisé l'intérêt du public, les productions"populaires" que sont la maison et son mobilier étant à l'origine de l'engouement pour le Queyras.

Les églises du canton d'Aiguilles, attestées dès le 12e ou le 13e siècle, ont été reconstruites après la grande dépression de la fin du Moyen Age, dans la 2e moitié du 15e siècle ou au début du 16e siècle. Détruites pendant les troubles religieux, elles furent reconstruites dans le courant du 17e siècle, souvent en plusieurs campagnes, et constamment embellies pendant les 2 siècles suivants. Dans la 2e moitié du 18e siècle, construction de chapelles de pénitents. Dans la 1ère moitié du 19e siècle, création de nouvelles paroisses avec agrandissement des chapelles existantes en églises. Les chapelles de hameau sont généralement du 17e ou du 18e siècle mais ont remplacé des fondations plus anciennes. Les chapelles de pèlerinage sont du 19e siècle. Seule exception, Sainte-Marie-Madeleine des Escoyères (commune d'Arvieux) est une ancienne chapelle de prieuré attestée dès le 12e siècle

  • Période(s)
    • Principale : 12e siècle
    • Principale : 2e moitié 15e siècle
    • Principale : 1er quart 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
  • Typologies
    clocher tour ; clocher mur à une baie ; porche
  • Toits
    bardeau, pierre en couverture, tôle ondulée
  • Murs
    • pierre
    • enduit
    • moellon
    • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • Décompte des œuvres
    • étudiées 57
    • repérées 73

Bibliographie

  • AIMES, P. Guide bibliographique des Hautes-Alpes. Gap : Archives départementales, 1959.

  • ALBERT, Aristide. Biographie-bibliographie du Briançonnais, vallée du Queyras, canton d'Aiguilles. Gap : Imp. Jouglard, 1889. 53 p.

  • ALBERT, Antoine. Histoire géographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d'Embrun. Embrun : Pierre-François Moyse, 1783 [1786], 2 tomes, VI-501 p. Edition 1959.

  • BERGE, abbé Pierre. Monographie de Saint-Véran (Hautes-Alpes). Gap : 1928, épuisé ; Marseille : Laffitte reprints, 1980. 362 p. ill.

  • DAVID-ROY, Marguerite. Les lions stylophores des églises du Haut-Dauphiné. Dans Archeologia, n° 176, mars 1983.

  • GUILLAUME, Paul abbé. Collection des Inventaires des archives départementales antérieures à 1790. Gap, 1895. Série G, tome II.

  • JACQUES, Louis (chanoine). Chapelles rurales des Hautes-Alpes. 1956. t.1 et t.2.

  • LANTIER, Andrée. Vivre dans la plus haute commune d'Europe : Saint-Véran, 2040 m. Editions Serre, 1983.

  • ROMAN, Joseph. Répertoire archéologique du département des Hautes-Alpes. Paris : Imprimerie nationale, 1888.

  • ROMAN, Joseph. Tableau historique du département des Hautes-Alpes. Paris : Imprimerie Nationale, 1887-1890. 2 vol.

  • ROQUES, M. Les architectes et les sculpteurs lombards dans le sud-est de la France entre 1400 et 1500. Dans Arte e artisti dei laghi lombardi. I Architetti e sculttori del quatrocento. Côme, 1959.

  • TIVOLLIER, Jean, ISNEL, Pierre. Le Queyras (Hautes-Alpes), 2 vol. Marseille : Laffitte Reprints, 1985.

  • TIVOLLIER, Jean. Molines-en-Queyras. Marseille : Laffitte Reprints, 1981. Réimp. de l'édition de Lyon, 1913.

Annexes

  • Liste des églises et chapelles recensées dans le canton.
  • Liste des édifices documentés disparus.
Date d'enquête 1986 ; Date(s) de rédaction 1995
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