Dossier d’œuvre objet IM04001867 | Réalisé par
Buffa Géraud
Buffa Géraud

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.

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  • inventaire topographique
Décor d'architecture (décor intérieur) : ais d'entrevous (closoirs), frise, présentation de la commune de Castellane
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Castellane
  • Commune Castellane

D'après l'analyse formelle des blocs mais aussi le traitement de leur iconographie, deux hypothèses d'utilisation peuvent être formulées.

Leur forme est trapézoïdale avec des épaisseurs variables, entre les blocs mais aussi, sur un même bloc, entre le bas et le haut du bloc. On observe parfois la marque en creux dans le plâtre du bois de support. Leur iconographie, sans entrer dans le détail, est historiée : pas de formes géométriques ou purement ornementales qui peuvent être vues d'en-dessous, perpendiculairement (comme pour les entrevous), mais un récit qui nécessite une lecture linéaire, continue éventuellement.

Deux hypothèses d'utilisation peuvent être formulées. La première est celle de leur utilisation comme ais d'entrevous ou closoirs, c'est-à-dire placés entre les solives apparentes d'un plafond dit "à la française", mais perpendiculairement à celui-ci ou légèrement incliné ; la seconde est celle de l'insertion en frise murale continue, au sommet du mur, à la manière d'une "sablière" sans fonction structurelle cependant.

1. L'emploi comme ais d'entrevous (closoirs)

Précisons simplement le vocabulaire : l'ais d'entrevous est ici entendu au sens de closoir, et non comme synonyme d'entrevous. Les closoirs désignent les petits panneaux placés de façon légèrement oblique entre les solives des charpentes.

L'hypothèse selon laquelle les blocs de gypserie étaient utilisés comme ais entrevous, entres les solives apparentes du plancher, peut être confirmée par la comparaison avec la disposition de décors peints de la fin du Moyen Age : celui du cloître de Fréjus ou encore ceux, bien étudiés, des plafonds peints de Languedoc-Roussillon.

Le décor du cloître de Fréjus a été réalisé (datation par dendrochronologie) au 2e quart du 14e siècle ; cependant la disposition choisie et l'emplacement du décor peint semblent pouvoir être transposés avec pertinence à celui de Castellane, sous une forme simplifiée.

Les galeries du cloître de Fréjus sont exceptionnelles par leur double encorbellement : espacées de vingt-cinq centimètres, les solives transversales prennent appui sur deux corbeaux en bois superposés créant trois registres de décor.

Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie nord.Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie nord.

Le principe de décorations des entrevous reste cependant similaire à celui de Castellane : l'espace compris entre deux solives (ou ici entre deux corbeaux pour les deux premiers registres) est fermé par une plaque de bois peinte polychrome.

Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie est, frise est.Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie est, frise est.

Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie sud, frise sud, détail d'un entrevous.Ensemble canonial de Fréjus (83) : plafond du cloître, galerie sud, frise sud, détail d'un entrevous.

En simplifiant ce schéma on peut avoir une idée de ce que pouvait donner le décor d'une pièce d'apparat de la maison de Castellane : les solives sont placées perpendiculairement aux murs et reposent sur des poutres de rives, placées longitudinalement contre le mur, éventuellement en débord, portées par des corbelets. L'espace compris entre les deux solives à leur extrémité, l'entrevous, est fermé par un bloc de gypserie. Schéma de proposition d'emplacement pour les entrevous simples (une seule face ornée)Schéma de proposition d'emplacement pour les entrevous simples (une seule face ornée)

Schéma de proposition d'emplacement pour les entrevous bifaces (deux faces ornées)Schéma de proposition d'emplacement pour les entrevous bifaces (deux faces ornées)

2. L'emploi en frise murale

L'emploi en frise murale est une autre hypothèse de placement des blocs de gypseries : à l'emplacement d'une "sablière" (sans fonction porteuse ici), les blocs pourraient être insérés dans la maçonnerie, en haut du mur des pièces d'apparat, et placés toujours de manière oblique, peut-être reposant sur une poutre de rive.

Cette hypothèse dont aucun exemple n'a, à notre connaissance, été retrouvé in situ pourrait trouver une illustration dans le décor d'une livrée cardinalice en Avignon (84) Détail du décor peint de l'ancienne livrée de Viviers, Avignon (84).Détail du décor peint de l'ancienne livrée de Viviers, Avignon (84). : la livrée de Viviers. Dans une vaste pièce du premier étage, se trouve un plafond à solives apparentes avec décor peint mais aussi, et surtout pour notre propos, juste en dessous de ce plafond, une frise historiée figurant une scène de chasse avec lévriers. Ce décor présente le double intérêt d’être assez bien daté par les armoiries peintes du cardinal d’Aigrefeuille (mort en 1369) et de figurer une scène dont le thème iconographique rejoint celui de nos ensembles de gypseries. Le dossier et les photographies ont été réalisés par la Conservation régionale des Monuments historiques pour parties en 1980 et en 1990, il était alors déjà en assez mauvais état de conservation.

Les blocs de gypseries pourraient ainsi avoir été placés au même endroit, contre le plafond, non plus entre les solives mais entre les poutres, non plus divisés en closoirs mais présentés en frise continue (la notion de bloc devient alors conjoncturelle liée à la démolition du mur portant la frise) et la face sans doute légèrement inclinée vers le sol pour une meilleure visibilité. Le photomontage suivant propose une restitution de ce qu’aurait pu être la frise de Castellane.Proposition de restitution de la frise murale, montage photographique.Proposition de restitution de la frise murale, montage photographique.

Cette utilisation en frise continue explique, nous semble-t-il, l’état des blocs aujourd’hui : ils ont été conçus en un seul morceau, moulé sur un seul pan de mur, d’où la taille aujourd’hui si hétérogène des différentes parties, la frise ayant été détruite au moment où le mur qui la portait est tombé.

La majorité des blocs (24 d'entre eux) provient d'une maison de la rue du Mazeau à Castellane, maison qui a été détruite pour raisons de sécurité car elle menaçai ruine. Deux autres blocs ont été trouvés à proximité immédiate, dans une autre maison de la même rue, ils ont été déposés lors de la restauration de cet édifice.

Dans les deux cas, les blocs n'étaient pas à leur emplacement d'origine mais utilisés en remploi dans la maçonnerie d'un mur. Certains ont été collectés directement sur le chantier de démolition, d'autres à la décharge et sont donc en plus mauvais état. Dans la mesure où ils n'ont pas été trouvés in situ, on ne peut qu'émettre des hypothèses quant à l'emplacement initial des blocs de gypserie : comme ais d'entrevous ou frise murale (cf. hypothèses).

Le gypse provient sans doute des environs immédiats de Castellane, "ce sont des collines entières d'où on le détache sans beaucoup de travail" d'après Laurensi ou encore, d'après Gras : "le gypse est très fréquent dans le terrain liassique des environs de Castellane. On en voit des bancs épais sur les bords du Verdon, tout près d'un rocher prismatique, qui supporte l'oratoire de Notre-Dame-du-Roc". Ainsi, comme souvent, dans la mise en oeuvre, la proximité semble être un critère déterminant pour le choix de ce matériau.

La datation de ces blocs est relative : l'iconographie et le mode d'utilisation des blocs pourraient porter leur réalisation au 15e siècle. Cette datation est confirmée par la datation probable de la maison. Il est à noter que des décors de gypseries, dont la datation est attestée, et plus particulièrement des entrevous, existaient à Riez au 15e siècle.

  • Période(s)
    • Principale : 15e siècle , (incertitude)
  • Lieu d'exécution
    Commune : Castellane

Il s'agit d'un ensemble de 26 blocs de gypserie, moulés, avec un décor en bas relief.

Le matériau du bloc est hétérogène : à l'arrière du bloc, dans la partie invisible prise dans la maçonnerie, on observe du plâtre assez grossier avec débris pierreux sur lequel le gypse, avec un décor sans doute préalablement moulé, est déposé en couche plus ou moins épaisse.

Les formes des blocs présentent trois variations :

- des blocs de faible épaisseur (en moyenne 15 cm de profondeur au bas du bloc) avec une seule face ornée (par exemple bloc n°1)

- des blocs avec une épaisseur plus importante (en moyenne entre 25 et 30 cm de profondeur, jusqu'à 63 cm pour le bloc double face)

- avec une seule face ornée

- avec deux faces ornées, bifaces (par exemple bloc n°10)

Deux hypothèses d'utilisation peuvent être formulées. La première est celle de leur utilisation comme ais d'entrevous ou closoirs, c'est-à-dire placés entre les solives apparentes d'un plafond dit "à la française", mais perpendiculairement à celui-ci ou légèrement incliné ; la seconde est celle de l'insertion en frise murale continue, au sommet du mur, à la manière d'une "sablière" sans fonction structurelle cependant (voir analyse fonctionnelle et formelle détaillée).

La forme trapézoïdale de la majorité d'entre eux (qu'ils soient de faible ou moyenne épaisseur) incite à penser qu'ils étaient contre le mur, littéralement pris dans la maçonnerie pour les plus épais, ou posés contre le mur pour les plus étroits mais leur face toujours en oblique pour être visible par en-dessous. De plus, la partie inférieure des blocs étant plate, souvent avec l'empreinte du bois, il semble qu'ils reposaient sur un support : sans doute une poutre de rive pour consolider l'ensemble (notamment pour les plus étroits).

Certains blocs sont double face, avec deux décors sur des faces opposés (bloc n°10 par exemple) : il est probable qu'ils étaient posés à cheval sur une poutre (dans la même pièce) ou une cloison, traversants dans ce dernier cas : une face dans une pièce, l'autre face dans la pièce voisine ; il pouvait alors s'agir de closoirs longs.

  • Catégories
    gypserie
  • Structures
  • Matériaux
    • plâtre, moulé, décor en bas relief
  • Précision dimensions

    Exemples de dimensions : bloc n°1 : h = 38 ; la = 53 ; pr (haut) = 9 ; pr (bas) = 16,5. Bloc n°10 : h = 23 ; la = 36 ; pr (maximale) = 63.

  • Précision représentations

    Les blocs peuvent être divisés en deux grands groupes déterminés selon des critères iconographiques.

    Le premier groupe (Référence : IM04001868) comprend des blocs sur lesquels sont figurées des scènes de chasse ou de combats. Le second groupe (Référence : IM04001869) présente un décor où sont réprésentés, dans des médaillons en entrelacs, des figures hybrides alternant avec des lettres gothiques. Ces deux groupes ont en commun les frises à rinceaux qui bordent les scènes principales dans les parties hautes et basses.

    Le bloc n°26 ne rentre pas dans cette classification : pièce unique, une accolade partiellement trilobée y est sculptée.

  • État de conservation
    • mauvais état
  • Précision état de conservation

    Les blocs sont tous dans un état fragmentaire, le décor plus ou moins érodé.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune (incertitude)
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

Décors de gypseries conservés par l'association Petra Castellana au titre du dépôt de fouilles de la commune de Castellane.

Bibliographie

  • BERNARDI, Philippe, BOURIN, Monique. Plafonds peints médiévaux en Languedoc : actes du colloque de Capestang, Narbonne, Lagrasse, 21-23 février 2008. Perpignan : Presses universitaires de Perpignan, 2009.

    p. 59 notamment.
  • CHAFFAUT, Suzanne du. Gypserie en Haute-Provence, cheminées et escaliers, 16e-17e siècles. Turriers : Naturalia publications, 1995.

    p. 28-31
  • GRAS, Joseph Scipion. Statistique minéralogique du département des Basses-Alpes. Grenoble : Prudhomme, 1840.

    p. 71-72 : "Le gypse est très fréquent dans le terrain liassique des environs de Castellane. On en voit des bancs épais sur les bords du Verdon." Mentions de divers lieux d'exploitations puis "Ces différents amas gypseux ne sont exploités que par intervalles, et lorsque les travaux de la campagne n'occupent pas les ouvriers. Le plâtre est cuit dans de petits fours et pilé à bras d'hommes ; il n'a pas d'autres débouchés que le bourg de Castellane et les communes voisines".
  • LAURENSI, Joseph. Histoire de Castellane ou Connaissance exacte des changements survenus à cette ville des différentes parties qui la composent des lieux qui en dépendent des évènements qui la concernent par rapport au gouvernement ecclésiastique et séculier avec une suite chronologique et historique des évêques de Senez, 1775. - Castellane : Gauthier Imprimeur, 1898 (première édition : 1775), 555 p. : notes.

    p. 432 : "Le plâtre gris et blanc se tire de plusieurs quartiers à portée de nos maisons, et ce sont des collines entières, d'où on le détache sans beaucoup de travail".
  • LEROY, Catherine. Une découverte archéologique à Castellane : les blocs de gypserie de la rue du Mazeau. Dans Le Pays de Castellane, identité et devenir : actes du colloque de Petra Castellana, Castellane, 12 et 13 octobre 1996.

    p. 39-44
  • Ainsi sont nos maisons. catalogue de l'exposition présentée à Castellane (04) en 2011-2012 au musée des arts et traditions populaires du Moyen-Verdon par l'association Petra Castellana. La Brillane : imprimerie de Haute-Provence, 2011.

    p. 66-69
  • SOURNIA, Bernard, VAYSSETTES, Jean-Louis. Montpellier : la demeure médiévale. Paris : Imprimerie Nationale, 1991

    p. 144
  • VIOLLET-LE-DUC, Eugène. Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle. Paris : Bance, 1859.

    Article "plafond" : "Il faut observer ici que dès le XVe siècle, entre les solives des planchers, on faisait souvent des entrevous en plâtre enduits sur bardeaux, posés sur tasseaux cloués aux deux tiers de l'épaisseur de la solive, tant pour empêcher la poussière de tamiser entre les languettes des planches de recouvrement que pour éviter la sonorité des planchers entièrement en bois. Ces entrevous étaient peints et même quelquefois décorés de reliefs en plâtre."
Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2009
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Buffa Géraud
Buffa Géraud

Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.

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