Dossier d’œuvre architecture IA04000009 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
caserne (casernement) dite casernement de Restefond, de l'organisation défensive de l'Ubaye.
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-de-Haute-Provence
  • Commune Jausiers
  • Lieu-dit Restefond
  • Cadastre 1975 C10 1531  ; 1532  ; 1533
  • Dénominations
    caserne
  • Précision dénomination
    casernement
  • Appellations
    casernement de Restefond, de l'organisation défensive de l'Ubaye
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    caserne, enceinte, édifice logistique, infirmerie

Intérêt stratégique, historique

L'occupation militaire de ce site remonte aux années 1890-1900, au moment où la VIIIe armée (armée des Alpes) en raison de la tension politique avec l'Italie, a été progressivement portée à plus de 200.000 hommes à effectifs de guerre. Sous l'impulsion des généraux Davoust d'Auerstaedt (1884-89), Berge (89-93), puis Zedé, cette force bien rodée développe une stratégie tendant à pousser, dès le temps de paix, son dispositif de sûreté le plus en avant et le plus haut possible vers la crête frontière, avec l'intention d'en occuper les passages, et même quelques positions importantes du versant italien, dès la première alerte.

Précédée par l'aménagement de la route, prolongée par le col de Restefond jusqu'aux Fourches (mais pas au-delà pour éviter son utilisation par les Italiens en cas de remontée de la Tinée) la construction d'un baraquement défensif pour trois compagnies est envisagée le 8 avril 1901 par la chefferie du Génie de Gap. Mais le projet est réduit et, finalement, on construit : Le site et une partie des bâtiments vus de l'est depuis la route du col. De gauche à droite, écuries g, j, i, cuisine k, casernement défensif et cuisine l.Le site et une partie des bâtiments vus de l'est depuis la route du col. De gauche à droite, écuries g, j, i, cuisine k, casernement défensif et cuisine l.

- de 1901 à 1906, le casernement défensif proprement dit (bâtiments a, b, c, d) pour une compagnie

- en 1912-1913, les écuries g, h, i, pour 65 mulets chacune, l'écurie j, pour 20 chevaux, le pavillon f, pour les officiers, l'infirmerie 1, la cuisine k : c'est-à-dire-une véritable agglomération militaire, avec extension possible, en été, sur une aire de cantonnement sous tentes à proximité immédiate. Parmi les unités qui participent aux travaux, on note les 14e, 28e et 50e bataillons de chasseurs à pied (le 50e, de réserve, probablement à l'occasion d'une convocation verticale à des manœuvres d'été) et de détachements du 4e régiment du Génie.

Le site est alimenté en eau, par conduite enterrée, depuis le captage d'une source extérieure située au pied sud-ouest du Mourre-Haut, il est également relié à Jausiers par une ligne téléphonique, tandis que, grâce à sa position, rien ne s'oppose à une liaison optique avec le signal de la Condamine.

La grande guerre vide la région au profit des théâtres d'opérations du nord-est et ce n'est que vers 1924 que l'activité reprend avec la tension entre la France et l'Italie fasciste. Le site est particulièrement actif à partir de 1931 avec la mise en chantier des ouvrages Maginot de Restefond, de la Moutière, des Granges Communes et de l'Abri du Col, qui attire sur place, à l'occasion des campagnes d'été, le personnel et le matériel des entreprises de construction, qui resteront jusqu'en 1939. On construit une chambre de coupure du réseau téléphonique enterré de forteresse.

A cette occasion 5.417.400 F sont consacrés aux travaux d'amélioration de la route Jausiers-Restefond, exécutés par l'entreprise Zinani-Imbert-Faudon (projet approuvé par DM 592.2/4 du 19 mai 1931). L'édition 1933 de la carte l/50.000e type 1922, révisée en 1930-31, indique encore la route à l'état de chemin muletier entre Prégonde et le Piz, soit sur près de 3 km. Des baraquements provisoires sont construits le long de la route autour du col de Restefond, dont ceux destinés au stockage du ciment. L'infirmerie k est aménagée en bureau du Génie (fortifications). Un téléphérique - disparu - sera installé entre Prégonde et le casernement.

L'armistice de 1940 entraîne à nouveau l'évacuation de la zone, qui ne connaîtra qu'une activation périodique pendant l'hiver 44-45, lors des combats de la libération puis, après 1945, comme zone de bivouac d'unités en manœuvres d'été.

En 1976, le casernement est utilisé comme poste temporaire par la gendarmerie de montagne (abandonné depuis). A la date de l'enquête, la zone reste en domaniabilité militaire, en raison d'un champ de tir fréquenté par le C.I.E. C.M. de Barcelonnette, mais les bâtiments laissés à l'abandon, ni surveillés ni entretenus, se dégradent sous la double action du vandalisme et des intempéries.

Description Vue aérienne prise du sud.Vue aérienne prise du sud.

Situation

Casernement défensif situé à 9,5 km à vol d'oiseau au sud-est de Jausiers, à 2580 m d'altitude, sur un replat du versant ouest de la crête Mourre-Haut-Restefond, à proximité des sources du torrent de Clapouse et le long de la route Barcelonnette-Nice, à 20 km de Jausiers.

Composition

Ensemble de 3 bâtiments disposés en fer à cheval autour d'une cour centrale, et dont les murs de fond constituent une enceinte défensive crénelée fermée, sur le quatrième côté (sud) par une courtine, le tout formant une sorte de "bordj" carré de 40 m de côté.

Le casernement défensif vu de l'est, de la route du col. Au premier plan à droite, vue arrière du pavillon d'officiers F. De face, la façade sur cour du bâtiment a, et la façade extérieure du bâtiment c, à droite, bâtiment b.Le casernement défensif vu de l'est, de la route du col. Au premier plan à droite, vue arrière du pavillon d'officiers F. De face, la façade sur cour du bâtiment a, et la façade extérieure du bâtiment c, à droite, bâtiment b.

Outre les créneaux horizontaux et verticaux alternés des courtines, l'enceinte est flanquée, au nord et à l'est par des bastionnets et au sud-ouest, par une tour d'angle rectangulaire jouxtant l'entrée. Celle-ci est constituée par un portail encadré de deux montants en pierre de taille harpée surmontés d'un linteau en grille défensive et fermé de deux vantaux pivotants en tôle.

A l'intérieur de l'enceinte, les bâtiments a et c, en vis à vis constituent les branches ouest et est de l'ensemble. Ce sont des bâtiments identiques rectangulaires de 30 x 7 m, à un simple rez-de-chaussée, divisés par quatre refends transversaux en cinq compartiments : deux grandes chambres de troupe, accolées en bout, avec deux vestibules d'extrémité et une chambre d'officiers, chaque bâtiment ayant une capacité de 90 hommes et un officier.

Le couchage était, comme à la Pelouse, aux blockhaus des Fourches et de la Planas, assuré par deux rangées à deux étages de lits de camp en bois dont l'ossature est supportée par les poteaux soutenant les poutres et une toiture plate en bois revêtue d'une feuille d'étanchéité. A chaque niveau de couchage correspond une rangée de petites fenêtres donnant sur la cour centrale. La branche nord est constituée par le bâtiment b, où l'on trouve, en particulier le four à pain (marque "Terrassier, à Tain dans la Drôme"). Le bâtiment est divisé par dix refends transversaux. La façade est précédée d'une galerie couverte en briques rouges, sans doute adjonction contre les intempéries.

Mise en oeuvre

Construction en maçonnerie de moellons, avec arêtes et chaînes d'angle en pierre de taille dressée et harpée. Encadrements de baies en briques rouges posées à plat, avec harpage et surmontés d'un arc segmentaire en briques de champ à clef passante. Encadrements de créneaux et tablettes de fenêtre en béton moulé.

Le bâtiment d’ancien corps de garde

Dans la tour touchant l'entrée et qui a été transformé en poste de transformation électrique, aboutissement de la ligne M.T. (déposée) dont les pylones sont encore visibles dans le vallon de Clapouse.

Ecuries.Ecuries. Ecurie muletière g. Pignon nord-est.Ecurie muletière g. Pignon nord-est. Ecuries : intérieur.Ecuries : intérieur.

Bâtiments extérieurs

- g, h, i : écuries pour 65 mulets chacune. Bâtiments rectangulaires de 18 x 4 m, en maçonnerie de moellons et toiture à deux pentes.

Compartimentage par six refends transversaux avec passage pour l'allée centrale. Mangeoires en béton armé le long des longs pans. Une entrée latérale, en milieu de bâtiment, plus une (ajoutée) à chaque pignon. Ecurie : intérieur.Ecurie : intérieur.

- j : écurie pour 20 chevaux : identique aux précédentes, mais longueur réduite à proportion (fig.

- f : pavillon d'officiers : bâtiment rectangulaire à deux niveaux (rez-de-chaussée + 1), toiture plate. La façade principale (sud-ouest) est encadrée à chaque extrémité d'avant-corps en légère saillie reliés au premier étage par un balcon en béton.

- k : (ancienne infirmerie, puis bureau du Génie) et l (cuisine) : pour mémoire.

Dépôt de cuirassements

Sur le terre-plein bordant les 4 écuries h, g, j, i et dans les bâtiments eux-mêmes, sont encore déposés des cuirassements livrés par les firmes métallurgiques, destinés à l'équipement des blocs des ouvrages de Restefond et des Granges Communes, et dont la déclaration de la guerre mondiale a empêché la construction des structures d'accueil. Un dépôt analogue se trouve, non loin, au col de Restefond proprement dit.

Ce dépôt regroupe :

- 2 cloches GFM grand modèle en 2 parties à 4 créneaux destinées aux blocs 1 et 2 de Restefond (fig. 19-20)

- 1 cloche L. G. grand modèle en deux parties destinée au bloc 1 de Restefond

- les embases de ces cloches

- 4 trémies de 81 mm de casemate, pour les blocs 2 de Restefond et 1 des Granges Communes

- 1 caisson d'embrasure et 2 plaques d'embrasure de 75-32 de casemate pour le bloc 5 de Restefond avec 2 écrans à douille

- 3 plateformes intérieures pour cloche GFM

- 2 colonnes intérieures de cloche lance-grenades grand modèle.

Cloches cuirassées en dépôt sur le terre-plein des écuries. Au centre, debout, cloche GFM A. A gauche, la même couchée. A droite, couchée, cloche lance-grenades.Cloches cuirassées en dépôt sur le terre-plein des écuries. Au centre, debout, cloche GFM A. A gauche, la même couchée. A droite, couchée, cloche lance-grenades.

Poste de la "Cabane noire" : petit bâtiment, à usage inconnu, le long de la route Jausiers-Restefond.

Conclusion

Au terme de la longue montée depuis Jausiers, la découverte de cette curieuse agglomération militaire constitue une surprise, au milieu de la grandiose solitude de ce paysage de haute montagne, à la végétation raréfiée. Il s'agit là plus d'habitat que de fortification.

Bien qu'en bien meilleur état, et constitué de manière analogue en ce qui concerne la maçonnerie, le casernement défensif, avec sa toiture plate, n'a pas du tout l'élégance architecturale de son homologue de Viraysse. Il en est de même du bâtiment f, à la silhouette banale d'immeuble de rapport, ou du bâtiment k. A la limite, les édifices les mieux proportionnés et les mieux adaptés au paysage sont les quatre écuries, avec leur terre-plein en bord de terrain.

D'un autre point de vue, la conjonction d'un potentiel appréciable en surfaces couvertes, d'une bonne desserte routière - ouverte du 1er juin au 1er octobre en moyenne - de la possibilité de rétablir électricité et téléphone et l'existence de ressources en eau devrait inciter à réactiver cette sorte de hameau bien construit, et à l'entrée même du Parc National du Mercantour. Ce pourrait être dans le sens d'une réutilisation fonctionnelle respectant à la fois l'aspect extérieur des bâtiments - bâtiments qui témoignent, en quelque sorte, d'une avancée victorieuse de l'homme sur la nature - et l'aspect désolé de l'environnement. Cette perspective ne deviendra possible qu'une fois levée la servitude du champ de tir et l'appartenance du domaine militaire.

L'occupation militaire de ce site remonte aux années 1890-1900. En 1901, la chefferie du Génie de Gap envisage la construction d'un baraquement défensif pour trois compagnies. De 1901 à 1906, on construit les quatre bâtiments du casernement défensif proprement dit. De 1912 à 1913, on édifie sept bâtiments logistiques : quatre écuries, un pavillon d'officiers, une infirmerie et une cuisine. Par la suite, on édifie des baraquements provisoires, parmi lesquels celui appellé poste de la Cabane noire.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 20e siècle

Trois bâtiments de casernement sont disposés en U autour d'une cour centrale, le quatrième côté étant fermé par une courtine. Les murs de fond des bâtiments constituent une enceinte crénelée, flanquée de bastionnets. Les trois bâtiments, rectangulaires, à simple rez-de-chaussée, maçonnés en mellons, sont couverts d'un toit en très léger appentis. La façade du bâtiment de fond est précédée d'une galerie construite en briques rouges. A côté de l'entrée se trouve l'édifice carré du corps de garde, constituant le quatrième bâtiment. A l'extérieur, le pavillon d'officier est élevé sur deux niveaux ; il est couvert d'un toit de tôles en appentis. Les autres édifices logistiques (les trois écuries et la cuisine) sont en rez-de-chaussée, maçonnés en moellons et couverts d'un toit de tôles à deux pans. Seule l'infirmerie est couverte d'un appentis. A proximité de l'ensemble se trouve un édifice en bois, en rez-de-chaussée surélevé et couvert d'un toit de tôles à deux pans.

  • Murs
    • pierre moellon
    • bois
  • Toits
    tôle ondulée
  • Étages
    en rez-de-chaussée, 1 étage carré
  • Couvertures
    • appentis
    • toit à longs pans pignon couvert
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Camp de Restefond. (Alt. 2. 400 m.) / Carte postale, sd.

  • Les Alpes. Camp de Restefonds (2550m). Pavillon des Officiers. / Carte postale, sd.

  • Les Alpes pittoresques. Camp de Restefond. Les casernements. / Carte postale, sd., Richaud éditeur à Barcelonnette. Collection particulière.

  • Les Alpes pittoresques. Restefond. Les blockhaus. / Carte postale, sd. Collection particulière.

Date d'enquête 1992 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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