Dossier d’œuvre architecture IA06000062 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
blockhaus dit casemate du Golf de Sospel, de la ligne fortifiée des ouvrages d'avant-poste, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Sospel
  • Commune Sospel
  • Lieu-dit près de Sospel
  • Dénominations
    blockhaus
  • Appellations
    casemate du Golf de Sospel, de la ligne fortifiée des ouvrages d'avant-poste
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Intérêt stratégique

L'ouvrage ne figurait pas explicitement dans les propositions du rapport du 12 février 1929 de la C.D.F., ni dans le programme restreint de la C.O.R.F. du 31 janvier 1931, schémas directeurs des « nouvelles fortifications » à réaliser sur les frontières. Réalisé tardivement, il est cependant l'aboutissement d'une longue genèse.

Le 21 mars 1934, par lettre 184/DA le général Moyrand, commandant la 29e D.I. (qui a le S.F.A.M1. dans sa compétence territoriale) demande au colonel directeur des travaux de fortification de Nice d'étudier le projet d'un ouvrage, destiné aux missions exposées ci-dessus, abritant 1 mitrailleuse, 3 FM servis par une garnison d'1 officier, 2 sous-officiers, 20 caporaux et soldats et à le mettre en chantier en 1934. On pourra y mettre 2 maréchaux de logis d'artillerie, observateurs, et le relier au réseau téléphonique et, par optique, à l'avant-poste de Castes Ruines et à l'ouvrage de Saint-Roch.

Genèse et chronologie des travaux

Le projet (n° 16) du colonel André (D.T.F. de Nice) est daté du 5 avril 1934 et prévoit une casemate traitée en protection 3, représentant 1305 m3 de béton pour une estimation de 320.000 F. Transmis le 16 avril par la 29e DI au général commandant le XVe corps d'armée, il est approuvé en principe le 19, mais il y a lieu de réduire la protection de 3 à 1 compte tenu des faibles dimensions et d'en confier l'exécution à la main-d’œuvre militaire. L'implantation dans une maison existante présente des difficultés : une reconnaissance nouvelle est à faire, elle aura lieu le 27 avril, et les résultats sont transmis le 7 mai (n° 313/DA) par la 29e DI au XVe corps d'armée.

Entre temps, le général Belhague, président de la C.O.R.F., fait savoir par lettre 449/ORF du 1er mai 1934 qu'il faut réduire l'importance du projet.

La XVe région donne son accord à la C.O.R.F. (n° 306/SD3). Le 14 mai, le général Belhague (489/ORF) prescrit à la D.T.F. de Nice de traiter le projet sur type des avant-postes. Le 24, le colonel André demande au général commandant la 29e DI le plan de feux élaboré à la suite de la reconnaissance du 27 avril. Puis le projet technique est arrêté le 16 juin 1934 sous forme de deux variantes:

1) avec cloche GFM P.M. et trémie de mitrailleuse type« Bizerte » : 560.000 F

2) sans cloche GFM P.M. et trémie de mitrailleuse type« Bizerte »: 490.000 F.

(La trémie, du type étudié pour les blockhaus de la ceinture de Bizerte, aurait un champ de tir de 35 grades et, en hauteur, de + 7 à - 5 g 6 ou de + 10 à - 10 grades).

La 29e D.I. le transmet (479/DA) le 21 juin à la XVe RM : pour diminuer le coût, on pourrait utiliser une cloche rebutée : le 23 juillet, le général Belhague répond qu'on possède bien une cloche à 3 créneaux rebutée valant environ 8.000 F. En ajoutant 10.000 F de mécanisme intérieur, on arrive à 18.000 F, alors qu'une cloche neuve en coûte 24.000 (un tableau des évaluations des cuirassements du 25 novembre 1931 donne, pour une cloche GFM «A» petit modèle n° 1 à 4 créneaux 75.000 F, plus 12.000 F de transport: on ne s'explique pas cette différence de chiffres), selon les derniers marchés: l'économie de 6.000 F est négligeable. En fait, la cloche rebutée ne présente qu'une résistance aléatoire alors qu'elle rendra plus de services comme cible d'expérience aux essais en polygone : un remploi n'est pas admissible.

Le troisième projet, daté du 4 août 1934 est approuvé par la 15e RM cinq mois après la première impulsion, mais l'affaire retombe ensuite dans le silence : nos rapports se sont améliorés avec l'Italie et les travaux de fortification sont arrêtés en 1936 sur ordre de Laval, président du Conseil, non sans, certainement, des arrière-pensées financières et les années 37 et 38 seront ponctuées des alertes provoquées par les évènements politiques et les coups de force de Hitler. La C.O.R.F. est dissoute fin 1935.

En juin 1938, le général Mittelhauser, au moment de quitter le commandement de l'armée des Alpes qu'il exerce passionnément depuis 1931, mentionne explicitement dans son « testament » - en fait l'état des travaux restant à exécuter - l'avant-poste du Golf de Sospel.

Devant la montée de la tension politique, le projet est relancé le 5 juin 1939 (n° 628 BF/S) par le commandant Galeron, chef du génie de Nice, auprès du général commandant la 29e DI. Suite à quoi (n° 333/D3) la XVe RM donne l'ordre à la division de commencer immédiatement les travaux (notification 643/DA du 9 juin).

Le dernier projet d'exécution, établi par le bureau d'études de la chefferie de Nice est daté du 19 juin 1936, et le 29 juin (n° 755 BF/S), le commandant Galeron passe commande au S.E.M.G. d'une trémie de mitrailleuse type A 2 R avec carter équipement de créneau et dispositif d'évacuation des douilles. La trémie doit avoir comme prévu un champ de tir en direction de 35 grades et, en hauteur, de + 7 à – 5 grades.

L'ouvrage est effectivement construit, et les équipements mis en place pour l'essentiel, sauf la cloche GFM qui ne sera pas livrée, ce qui obligera à en obturer le puits par un tampon de béton.

La casemate était opérationnelle le 20 juin 1940 lors de l'entrée en guerre de l'Italie, mais, faute d'assaillants dans sa zone d'action, elle n'aura pas à intervenir.

En conclusion d'une bien longue gestation, on notera que la casemate a été réalisée avec, prévus ou effectivement mis en place, nombre d'éléments relevant du standard « C.O.R.F. » (cloche G.F.M. « A », porte blindée 2 bis A, créneaux FM de casemate, groupe électrogène CLM, ventilateur type A etc.) alors que l'armement principal devait, en principe, se réduire à une unique mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914 de campagne sous trémie A2R, du modèle utilisé pour les avant-postes de la XIVe RM : la puissance de feux était, de ce fait, bien plus faible que le JM de Reibel modèle 1931 F des casemates C.O.R.F. Or ce jumelage C.O.R.F. ne représentait qu'un surcoût de 24.000 F, plus les munitions de 7, 5 (à 1, 40 F la cartouche) en tablant sur un prix équivalent des trémies A2R ou C.O.R.F. n° 1 : économie fâcheuse.

Or, si la trémie A2R a bien été commandée, elle n'est pas en place dans l'embrasure, remplacée, semble-t-il, par une simple plaque. Par ailleurs, le 29 mai 1940, le P.R.R.E.M. (parc d'artillerie de la place de Nice) rend compte (Vincennes-S.H.A.T., carton 33 N 223) de la réalisation de l'armement suivant au Golf de Sospel : 1 JM de 7,5, 1 mortier de 50 mm. 2 FM de casemate. 1 FM de cloche. 1 FM de défense d'entrée, ce qui donnerait à penser qu'on se soit résolu, in extremis, à installer 1 JM C.O.R.F. au lieu d'une mitrailleuse de campagne. Il est regrettable que la condamnation, par comblement, de l'entrée de l'ouvrage ne permette pas d'examiner la face intérieure du créneau et d'élucider cette question.

Analyse architecturale

Situation

En bordure de la route D 93, à 500 m environ à l'est de l'ancien Hôtel du Golf de Sospel sur une hauteur bordée par la Bévéra, et dominant son confluent avec la Nieya, à l'entrée des gorges constituant la « trouée de la Bévéra ».

Ensemble de la façade.Ensemble de la façade.Casemate de mitrailleuse en béton armé, protection n° 1, réalisée par main-d'œuvre militaire pendant le deuxième semestre 1939 et restée inachevée, quoique opérationnelle, en 1940.

L'ouvrage, compte tenu de sa position, faisait partie de la position des avant-postes du SFAM, avec pour mission de surveiller et de battre les gorges de la Bévéra, la voie ferrée Nice-Coni et le sentier muletier d'Olivetta San Michele (la D 93 n'a été réalisée qu'après 1960), objectifs mal vus ou battus en tir trop fichant par les ouvrages de la position de résistance (l'ouvrage de Saint-Roch est à près de 3 km en arrière).

On notera que la casemate n'a aucune action sur la descente du col de Perus, sur sa gauche. Mission, donc, d'interdiction frontale.

Composition d'ensemble

Casemate de mitrailleuse en béton armé, protection n° 1, à deux niveaux.

Détail d'un créneau FM.Détail d'un créneau FM.Plan s'apparentant à un rectangle, dont un grand côté, façade active orientée face à la gorge de la Bévéra, est tracé en W et encadré de 2 orillons. L'orillon de gauche abrite le créneau FM n° 1 flanquant la façade, l'aile gauche le créneau FM 2, l'aile droite le créneau de mitrailleuse fermé à l'intérieur par une simple plaque d'embrasure et à ébrasement extérieur gradiné. L'orillon droit contient le puits de la cloche GFM du type A, petit modèle n° 1 à 5 créneaux normaux (non posée). Au-dessus, cette façade est protégée par une visière tracée en tenaille s'appuyant, latéralement, aux orillons.

L'entrée directe, située à l'angle arrière gauche, était prévue pour être fermée par une porte blindée étanche n° 2 bis A (normalement prévue pour les entrées d'abris avec fossé) doublée intérieurement par porte étanche non blindée. Il n'existe aucun fossé diamant, mais simplement des fosses à étuis vides extérieures au pied des créneaux des armes de la façade active.

Intérieurement, le volume est divisé en deux par un refend transversal. A l'étage supérieur - en rez-de-chaussée - sont prévus : la ventilation (type A), le groupe électrogène CLM 1 PJ 65 8 cv, les réservoirs d'eau potable (6500 1), de refroidissement (1000 l) et de gasole (400 l), le pied du puits de la cloche GFM et les deux chambres de tir avec leurs réserves de munitions.

A l'étage inférieur, en sous-sol, sont ménagés : une chambre pour 15 hommes, en lits à 3 étages, une chambre pour 3 sous-officiers, la chambre-PC de l'officier chef de casemate, le lavabo et la latrine. Le sous-sol du puits de la cloche est utilisé comme magasin aux vivres de réserve (HSP : 3, 20 m).

On ne trouve pas de point de cuisson, le règlement de service des casemates prévoyant qu'en temps normal, les repas chauds étaient apportés de l'arrière.

Conclusion

L'ouvrage - même dépourvu de sa cloche - était en excellent état avant son rachat par la commune de Sospel qui a comblé l'entrée et utilisé l'ouvrage comme quai de déchargement de conteneurs à déchets.

1Secteur fortifié des Alpes-Maritimes

L'ouvrage fait partie des avant-postes. Sa mission consiste à surveiller et à battre les gorges de la Bevera. L'ouvrage est mis à l'étude en 1934. Les projets trainent et sont finalement abandonnés. Ils sont repris en juin 1939. L'ouvrage est construit et est opérationnel en juin 1940, bien que dépourvu de la cloche prévue initialement.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle

Le blockhaus est une casemate, monolithique, en béton armé, élevée sur deux niveaux : un rez-de-chaussée et un sous-sol destiné au logement.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Étages
    en rez-de-chaussée, sous-sol
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Ouvrage reconnu, mais non visité lors de l'enquête en 1994 (entrée comblée).

Date d'enquête 1994 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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