Dossier d’œuvre architecture IA83003169 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie dite ouvrage de la pointe ouest du Cerveau
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Sanary-sur-Mer
  • Lieu-dit Pointe du Cerveau
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    ouvrage de la pointe ouest du Cerveau
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    caserne

HISTORIQUE ET TYPOLOGIE GENERALE

Le contexte stratégique fin XIXe siècle

Au mois de mai 1867, le comité des fortifications avait défini un projet général de vaste camp retranché autour de la place forte de Toulon contribuant à mettre ses établissements maritimes à l'abri d'un bombardement. Ce programme de défense terrestre prévoyait d'occuper les hauteurs du nord-est, du Cap Brun au Faron, et celle de l'ouest : Bau de Quatre Aures, Chartreuse, Six-Fours. Sa réalisation avait été lancée avec la redoute de La Croix-Faron, conçue en 1870 et réalisée à l’échelle d’un fort à partir de 18721. Cette même année, une instruction du 30 mai 1872 instituait une commission mixte de révision de l'armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon, pour la mise aux normes des batteries de côte.

La défense terrestre éloignée de la place de Toulon fit l’objet d’un rapport rédigé en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, renouvelant complètement le précédent projet général de camp retranché de mai 1867, en intégrant les enseignements tirés, entre temps, de la guerre de 1870 qui avait révélé les faiblesses de l'artillerie française. Le rapport Le Masson préconisait d’occuper solidement les points principaux d’où (l’ennemi) pourrait opérer un bombardement, faisant en sorte d’élargir le rayon d’investissement, d’isoler et de rendre bien plus difficiles les attaques par l’est et par l’ouest… Dès le mois suivant, le comité des fortifications proposait de renforcer les défenses du Mont Faron, et d’occuper les hauteurs autours de Toulon, avec un espacement d’un ouvrage à l’autre pouvant aller jusqu’à 6 km (portée normale des canons de gros calibre de cette génération), soit, du nord à l'ouest, Mont Caume, Croupatier, Gros Cerveau et Six-Fours et, dans le secteur nord-Est, à partir de la redoute en construction à La Croix-Faron : Mont Coudon, Thouars et La Colle-Noire. La ceinture des ouvrages de défense terrestre ainsi définie couvrait d’est en ouest une amplitude de plus de 30 km.

Toujours en 1873, à l’échelle nationale, le Comité de Défense créé l’année précédente pour programmer la réorganisation défensive des frontières terrestres et maritimes de la France était placé sous la direction du général Raymond-Adolphe Séré de Rivières, commandant et grand ingénieur du génie. On lui doit une instruction datée du 9 mai 1874, fondatrice d’une nouvelle typologie de forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km).

Un nouveau plan de défense de la rade de Toulon approuvé le 4 avril 18772 et révisé le 27 août, était mis en œuvre à partir de l’année 1878, en appliquant les normes du « système Séré de Rivières », pour les batteries de côte et pour une partie des ouvrages de la défense terrestre, complétant les forts déjà réalisés ou en cours d'achèvement de la Croix-Faron et de Six-Fours. Ces réalisations terrestres concernent le secteur est, avec les forts du Coudon et de la Colle Noire, l'occupation de la hauteur intermédiaire de Thouars par un troisième fort étant finalement abandonnée. On notera que dans les deux cas, le programme comportait un fort et un ouvrage d'appui voisin fermé et resserré qualifié de "fortin", construit dans un second temps mais avant achèvement du fort : s'agissant du Coudon (1879-1882), le fortin du Bau Pointu (1882-1884), et s'agissant de la Colle-Noire, le fortin de la Gavaresse, à vocation annexe de batterie de côte.

S’agissant du secteur ouest, la décision d’implantation et la réalisation du programme avaient connu une première étape plus précoce par la construction du fort de Six-Fours, programmée en 1874 et réalisée de 1875 à 1880. Dans le cas de Six-Fours, le projet du fort fut complété de celui d’un ouvrage annexe d’appoint qui n’est pas un fortin mais une batterie de côte ouverte dite du Claffard.

La position du Gros Cerveau avait été choisie, comme celle de Six-Fours, dès le programme Le Masson de 1873, et confirmée en 1877 : le 13 février de cette dernière année, les parcelles nécessaires à l’implantation de l’ouvrage du Gros Cerveau étaient expropriés et acquises, l’une de 25 000 m² des particuliers Elzeard et Soleillet de Saint Nazaire (Sanary), l’autre de 17 500 m² cédée par la commune d’Ollioules. Pour autant, la mise en œuvre des travaux de construction fut différée jusqu’en 1889. Il s’agissait dès lors d’équiper le site de deux ouvrages d’artillerie distincts, en principe d’importance égale, échelonnés d’est en ouest à 3 km de distance sur le même rebord nord en falaise du massif du Cerveau jusqu’à son extrémité, l’un désigné sous le toponyme du Gros Cerveau, l’autre sous celui de La Pointe Ouest. A la différence des dispositions réalisées au Coudon, à La Colle-Noire et à Six-Fours, aucun des deux ouvrages du Cerveau n’a le statut d’un fort, et aucun n’est une simple annexe de l’autre, fortin ou batterie d'appui. L’un et l’autre sont conçus comme des batteries fermées accueillant un nombre important de plates-formes ou sections d’artillerie, adaptées à des canons de 155 mm (modèle 1877), de 120mm (modèle 1878) et de 95mm.

Au Gros Cerveau, premier des deux ouvrages desservis par la route militaire, la batterie fermée fut projetée et réalisée pour dix plates-formes d’artillerie, d’action nord, nord-est et est, dans un champ d'action compris entre Le Castellet et le Mont Caume, susceptibles de recevoir quatre canons de 155 mm, quatre de 120 mm et deux mortiers de 15cm.

Outre ces deux batteries fermées, le projet d'ensemble comportait la mise en place d'une série de huit petites batteries intermédiaire ouvertes jalonnant la route militaire et ses abords entre les deux ouvrages et au-delà de l'ouvrage de la pointe Ouest. Très sommaires, ces petites batteries semblent toutes avoir été réalisées, mais il est difficile de dire si tout ou partie a été occasionnellement armé.

Un ouvrage complexe à batterie annexe, variantes du projet à la réalisation

L’ouvrage de la Pointe Ouest, à l'extrémité de la route militaire, fut conçu dès le stade du projet sur une plus grande échelle que celui du Gros Cerveau, en surface, en nombre de sections d'artillerie et -en principe- en capacité de casernement. Il devait comporter douze plates-formes d’artillerie, quatre pour canons de 155mm face au nord/nord-ouest, encadrées de quatre de 120mm face à l’ouest et quatre de 95mm face au nord. Les batteries de 155 et de 120, établies au-dessus de souterrains casematés taillés dans le roc, étaient prévues renfermées dans une enceinte principale retranchée sur trois côtés (et adossé à la falaise sur le quatrième), avec redan sur le front de gorge et bastionnets aux angles du front ouest, tandis que la batterie de 95, bien que placée dans la continuité de celle de 155, devait en être séparée par un fossé intermédiaire et incluse dans une enceinte annexe contiguë à l'est, séparée de l'enceinte principale. Deux bâtiments de casernement d'importance égale étaient projetés, un dans chacune des deux enceintes, donc non mitoyens et désalignés, parallèles au mur d'enceinte du front de gorge, et logés dans une réservation du socle rocheux en front de taille sous la batterie, donc défilés par celle-ci. L'enceinte annexe était prévue sans souterrains. Dans ce projet bipartite, il fallait d'abord entrer dans l'enceinte principale par sa porte à pont levis franchissant le fossé de gorge commun aux deux enceintes pour accéder ensuite à l'enceinte annexe en passant par une seconde porte à pont-levis franchissant le fossé intermédiaire. Les batteries fermées devaient être complétées d'une batterie latérale extérieure de quatre plates-formes ou sections d'artillerie, complétée d'un "emplacement éventuel" pour quatre autres, séparées par des magasins de combat (calibre des pièces non précisé sur le plan du projet) le tout au sud-ouest de la batterie fermée, avec tirs orientés à l'ouest.Cerveau. Ouvrage de la pointe ouest. Projet. [Plan général de l'ouvrage]. [1889].Cerveau. Ouvrage de la pointe ouest. Projet. [Plan général de l'ouvrage]. [1889].

La capacité de chacun des deux casernement (cotés a et b) bâti sur une citerne de 160m33, était de 108 hommes et un officier en temps de paix, 154 hommes au maximum en temps de guerre, soit 308 hommes au total , effectif important adapté à la desserte cumulée de la double batterie fermée et de la batterie latérale, voire de petites batteries annexes ouvertes prévues en divers points de la route militaire d'accès à l'ouvrage.

Chaque bâtiment de casernement avait sa cuisine, logée dans une niche creusée dans le front de taille à l'arrière (bâtiment b) ou sur le côté, à l'entrée du souterrain-caverne (bâtiment a); une autre niche analogue (à l'arrière du bâtiment b) était dévolue au local du télégraphe. Des lavoirs étaient ménagés dans le front de taille à l'arrière des bâtiments. Ces dispositions sont en tous points semblables à celles des casernements de l'ouvrage du Gros Cerveau.

Le souterrain-caverne, muni symétriquement, de part et d'autre du bâtiment ouest (a) d'une entrée et d'une issue desservant perpendiculairement la galerie principale, celle-ci parallèle au casernement, abritait classiquement, desservies par cette galerie principale, trois casemates refermées de murs d'isolement formant sas, affectées aux magasins à poudres, à projectiles et de chargement. Le projet comportait en outre, dans le secteur ouest du souterrain-caverne trois autres casemates desservies par deux galeries annexes partant de la galerie d'entrée, permettant de loger à l'abri des obus une véritable garnison de 120 hommes, une niche étant dévolue à un magasin à vivres, les chambres des officiers et des sous-officiers étant à bâtir dans l'emprise de la galerie principale. Deux branches de galeries annexes prolongeant la galerie principale à l'est et à l'ouest devaient déboucher en poterne dans les fossés, dans le flanc de deux bastionnets de l'enceinte; celle prévue dans le fossé intermédiaire était associée à une trémie de monte-charge.Plan des dessous. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau : plan des souterrains-caverne et du bâtiment de casernement] [1889].Plan des dessous. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau : plan des souterrains-caverne et du bâtiment de casernement] [1889].

La batterie principale ouest (huit sections, quatre de 120 et quatre de 155) était accessible à son extrémité droite par une rampe principale partant de la cour d'entrée, formant deux branches, l'une remontant à gauche pour desservir la batterie de 155, l'autre desservant le pont-levis prévu pour communiquer à la batterie Est (quatre sections de 95) ; une rampe secondaire, piétonne, commençant par un escalier, montait à gauche de la porte d'entrée de l'ouvrage et de la cour pour desservir les trois premières plates-formes. La conception des plates-formes d'artillerie est sensiblement identique, quel que soit le calibre des pièces : elles sont taillées dans le roc en réservant des traverses intermédiaires à profiler, et, sur le plan du projet, celles de 155 sont reliées entre elles, et à la plate-forme de 120 attenante, par d'étroites galeries voûtées casematées forées dans ces traverses et maçonnées, desservant des niches à munitions.

Lancés simultanément sur les deux ouvrages l’été 1889, les travaux furent réalisés par une entreprise adjudicataire, sous la direction du capitaine du génie Honoré Pierrugues, en commençant par le déroctage de la cour d'entrée (emplacement du bâtiment a) des plates-formes de la batterie de 155mm et 120mm, puis se continuant par celui des emplacements de l'ensemble des plates-formes d'artillerie.

Dans l'état réalisé, la batterie fermée tient dans une enceinte unique cumulant la surface et conservant le plan des deux enceintes du projet, en supprimant le fossé intermédiaire. Ce changement intervenu dès 1889, d'après les plans en cours d'exécution, a permit de ne pas recouper la continuité de la série des plates-formes d'artillerie entre la batterie de 155 et celle de 95 en gagnant la place d'une plate-forme, cette batterie étant en outre rallongée à droite de trois plates-formes, en sorte que l'ensemble de la batterie fermée réalisée comporte seize plates-formes d'artillerie au lieu des douze initialement prévues. Les trois dernières plates-formes ajoutées au bout de la batterie de 95, dont deux dans une direction de tir différente4 , semblent avoir été prévues pour des pièces de 155, car le plan d'exécution montre qu'elles étaient pourvues d'une galerie casematée les reliant entre elles, galerie absente entre les plates-formes de 955 . Plates-Formes d'artillerie. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau, croquis d'exécution pour déroctage des plates-formes], octobre 1889.Plates-Formes d'artillerie. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau, croquis d'exécution pour déroctage des plates-formes], octobre 1889.

Les batteries latérales extérieures sud-ouest ont été réalisées en totalité, y compris la partie "éventuelle" du projet, soit 8 sections d'artillerie en tout. Cette partie de la fortification de la Pointe Ouest n'est pratiquement pas documentée.

En 1890, un plan d'état des lieux du souterrain-caverne et du corps de caserne (a), montre que le souterrain réalisé était moins développé que dans le projet s'agissant des abris pour la garnison et les provisions, deux simples casemates plus profondes que les autres à l'ouest, non encore aménagées, étant réservées à ces usages. De plus, les galeries latérales débouchant en poterne dans le fossé ou desservant un monte-charge n'étaient pas réalisées. Le monte-charge était aménagé à une extrémité de la galerie principale, entre l'entrée de l'atelier de chargement et celui du magasin à projectiles. Les finitions de ce souterrain par des revêtements maçonnées à voûte, plafond en voutains brique et métal, étaient sans doute les mêmes que celles de l'ouvrage du Gros Cerveau.

[Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Plan des souterrains et magasins en caverne et du casernement ouest. Etat des lieux], 1890.[Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Plan des souterrains et magasins en caverne et du casernement ouest. Etat des lieux], 1890.

Les bâtiments militaires étaient complétés de trois petits édicules desservis par les rampes entre les deux casernements, à usage de lampisterie, de magasin à pétrole et de latrines. La construction s'est achevée en 1891, comme l'indique un millésime gravé au portail d'entrée.

Petit atlas des bâtiments militaires. Casernement de la pointe ouest du Cerveau. [plans], vers 1900.Petit atlas des bâtiments militaires. Casernement de la pointe ouest du Cerveau. [plans], vers 1900.

En 1897, la garnison à mobiliser en cas de guerre sur l'ensemble des deux ouvrages du massif du Cerveau s'élevait à 510 hommes, dont 260 artilleurs de la 7e batterie du 13e bataillon à pied territorial d’artillerie, et 250 fantassins du 22e bataillon du 115e régiment territorial d'infanterie.

Le XXe siècle

L'évolution de l'ouvrage après son déclassement n'est pas connue.

La couverture photographique verticale IGN donne quelques informations à partir de 1950 : à cette date sur l'ouvrage, déclassé de longue date et abandonné : les plates-formes de tir de la batterie y apparaissent illisibles, parce que ruinées et couvertes d'une végétation parasite de garrigue ; en revanche, les casernements ont encore leur toit en 1950 et 1955, seul le bâtiment (b) est encore couvert en 1959, mais il est ruiné à son tour en 1964.

Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Vue aérienne. 1959.Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Vue aérienne. 1959.

DESCRIPTION

Site et implantation générale

L'ouvrage de la Pointe Ouest est situé à la cote moyenne de 305 m d'altitude, dans les hauteurs du massif du Cerveau, long de 5 km d'est en ouest, qui domine au sud la plaine de Sanary et se termine abruptement au nord par une arête sommitale en falaise longue de 3km au tracé presque rectiligne. L'ouvrage occupe l'extrémité ouest de cet escarpement en falaise, comme l'indique clairement le toponyme de La Pointe Ouest, il est dominé à distance par l'ouvrage du Gros Cerveau, situé au point culminant et à l'extrémité Est de la falaise. On accède aux deux ouvrages par une longue route militaire en lacets montant du sud-est depuis le bourg d'Ollioules, puis longeant de près l'arête sommitale du massif, ancien chemin stratégique n°10 devenu chemin départemental n° 2020 et 2220, qui se terminait à l'ouvrage de la pointe Ouest. Un chemin secondaire en cul-de-sac qui s'y branchait au sud pour desservir deux batteries annexes est aujourd'hui prolongé et redescend dans la vallée en direction de Sanary.

L'emprise de l'ouvrage, de plan grossièrement en arc de cercle, plus étirée en longueur que celle du Gros Cerveau occupe au mieux les contours du socle rocheux retranché naturellement en falaise abrupte sur le front nord et sur le petit front ouest, et en pente raide sur le front est. Le front de gorge rectiligne, face au sud et l'esplanade en terrasse sur remblai en pierre sèche qui le borde, élargissant l'extrémité de la route d'accès (Fig. 7) et desservant la porte d'entrée, sont nivelés à une cote d'altitude variant de 298, 50m à 296,20m. Le souterrain-caverne est creusé à la plus haute de ces deux cotes, et le point le plus haut de la batterie, une traverse à son angle nord-ouest, culminait à la cote 314m. La batterie de 120, face à l'ouest, était décrochée en crémaillière, soit formée de deux sections ou plates-formes hautes à 310-312m, et de deux sections basses, en contrebas au sud, à 305m. Ensemble des abords du front de gorge de l'ouvrage, route d'accès (à droite) et chemin secondaire.Ensemble des abords du front de gorge de l'ouvrage, route d'accès (à droite) et chemin secondaire.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre

L'enceinte de l'ouvrage de la Pointe Ouest, constituée de trois fronts continus se refermant au nord sur la falaise, enveloppe la batterie dans une aire intérieure beaucoup plus étroite et serrée contre la falaise que n'est celle de l'ouvrage du Gros Cerveau, d'où des proportions étirées d'est en ouest. Le front de gorge adopte un plan en chevron qui répercute l'arc de cercle obtus du plan de la batterie. Long de 220 m, il est composé de deux segments d'une longueur équivalente reliés en angle rentrant : le segment ouest accueille la porte d'entrée, très décentrée dans ce front de gorge et théoriquement flanquée à sa gauche par un redan en saillie de l'enceinte qui se terminait à l'angle sud-ouest par un bastionnet habillant un rocher naturel saillant. Le petit front ouest, entre ce bastionnet et un demi-bastionnet au nord-ouest, en bord de falaise, fait face à une crevasse rentrante du socle rocheux naturel en partie remblayée pour forme une terrasse artificielle faite de déblais de déroctage en pierres sèches avec talus en pierres coulantes. A l'opposé, le front est, après un angle sud-est au tracé tenaillé, avait aussi un plan infléchi d'un angle rentrant obtus et se terminait par un demi-bastionnet en bord de falaise.

L'ensemble de ces trois fronts était matérialisé par un simple mur parapet maigre parementé en moellons sommairement équarris, couvert d'une tablette, bordé d'un fossé étroit très grossièrement taillé dans le roc, sans revêtement. Dans l'état actuel, cette enceinte est très incomplète et mal conservée, en sorte qu'il est difficile d'apprécier le degré d'achèvement dont elle avait fait l'objet en 1890, notamment pour les fronts latéraux. Le petit front ouest, en particulier, n'a plus ni mur, ni revêtement, ni fossé, et l'on y reconnait que les contours irréguliers de l'affleurement rocheux au-dessus de la terrasse en remblai, et le rocher qui devait être enveloppé d'un bastionnet. Au front Est, seul le fossé reste reconnaissable. Le mur-parapet et le fossé du front de gorge sont mieux conservés (Fig. 8), mais certaines parties du mur ont été réduites en hauteur, d'autres, comme le redan ou flanc à gauche de la porte, réparées et nivelées lors d'une restauration non documentée du XXe siècle.

Alignement du front de gorge de l'enceinte et de son fossé, avec la porte de l'ouvrage, vus de l'est du chemin de ronde.Alignement du front de gorge de l'enceinte et de son fossé, avec la porte de l'ouvrage, vus de l'est du chemin de ronde.Mur-parapet du front de gorge greffé sur le rocher dans le secteur ouest, fossé.Mur-parapet du front de gorge greffé sur le rocher dans le secteur ouest, fossé.

La porte de l'ouvrage, identique à celle du Gros-Cerveau mais mieux conservée, se limitait à un simple portail charretier entre deux piliers carrés de pierre de taille de moyen appareil couronnés d'un chapeau monolithe. Les millésimes 1889 et 1891 sont gravés sur la face extérieure des chapeaux. Ces piliers étaient jadis équipés d'une grille métallique à deux vantaux et le portail précédé d'un pont dormant de planches en double épaisseur portant sur des poutrelles d'acier (IPN). Les vantaux ont disparu, remplacés par un mur de remplage en blocage réservant en son centre une porte piétonne, mais deux éléments de grille de défense subsistent entre les piliers en partie supérieure, le plus haut à double rangée de pointes opposées disposé sur un plan oblique; celui au-dessus, à pointes verticales, surmontait immédiatement les vantaux. De chaque côté des piliers, le mur-parapet, sur une largeur de 2m, est couvert d'une tablette plus soignée formant deux "ailes" latérales dans lesquelles sont ménagés symétriquement deux créneaux jumeaux d'action frontale, à ébrasement intérieur plongeant vers l'extérieur, qui assuraient la défense rapprochée de la porte par le tir d'infanterie. On observera que le reste du mur parapet du front d'entrée n'est nullement crénelé. L'escarpe du fossé taillée dans le roc n'est revêtue de maçonnerie, en blocage de moellons, sous cette porte et sous les "ailes" crénelées du mur de part et d'autre. La porte actuelle est desservie par 'une passerelle piétonne en bois, reposant tant sous la porte que dans la maçonnerie de contrescarpe, sur des corbeaux de pierre, en réemploi (sans doute déposés et replacés) de ceux qui recevaient la tête des poutrelles de l'ancien pont. Front de gorge de l'enceinte : détail de la porte de l'ouvrage avec créneaux, vue de l'extérieur.Front de gorge de l'enceinte : détail de la porte de l'ouvrage avec créneaux, vue de l'extérieur. Mur-parapet du front de gorge, détail des créneaux encadrant la porte, vus de l'intérieur.Mur-parapet du front de gorge, détail des créneaux encadrant la porte, vus de l'intérieur.

Le portail débouche dans la cour d'entrée occupée à droite par le premier bâtiment de casernement (a) implanté obliquement par rapport au mur d'enceinte, pour élargir la cour et y ménager le passage de l'ancien chemin de ronde parallèle à l'enceinte et le départ de la rampe de roulage qui montait aux batteries. Les deux bâtiments de casernement, identiques mais espacés et sans co-visibilité l'un de l'autre, sont construits - comme ceux du Gros Cerveau- en enclave dans une réservation du socle rocheux naturel, déroctée en front de taille sur une profondeur de 11 m et une largeur supérieure de plusieurs mètres à la longueur du bâtiment, variable du bâtiment (a) au bâtiment (b). Cette réservation dégageant l'espace nécessaire à l'emprise des bâtiments augmentée en profondeur de celle d'un corridor d'isolement les détachant des fronts de taille. Dans le cas du bâtiment (a) les fronts de taille latéraux dégageaient un espace plus important devant les murs-pignons, lié à l'aménagement, dans le front de taille du fond, de l'entrée -face au portail- et de la sortie -derrière la rampe- du souterrain-caverne. Cour d'entrée, entrée murée du souterrain, et mur-pignon ouest du casernement (a) et de son couloir d'isolement.Cour d'entrée, entrée murée du souterrain, et mur-pignon ouest du casernement (a) et de son couloir d'isolement. Mur-pignon est du casernement (a) et de son couloir d'isolement, et issue murée du souterrain-caverne.Mur-pignon est du casernement (a) et de son couloir d'isolement, et issue murée du souterrain-caverne.

Cette position en renfoncement des deux bâtiments permettait de les placer sous la protection passive de la gorge de la batterie qui surplombait leur toit en bâtière à faible pente et assurait leur défilement au nord à l'est et au sud.

Les deux bâtiments du casernement sont de plan rectangulaire de 32 m X 8,20m hors œuvre , en simple rez-de-chaussée, divisés intérieurement en huit travées régulières percées chacune d'une fenêtre axée dans les murs gouttereaux. Le volume intérieur de chaque bâtiment est recoupé de deux murs diaphragmes (séparant les 2 travées médianes des 6 autres travées) largement ajourés de trois arcades, deux latérales larges et couvertes en anse de panier, correspondant aux chambrées, et une centrale deux fois plus étroite, couverte en plein cintre, correspondant au corridor de distribution longitudinal médian. Au dessus de cette arcade centrale, le pignon du mur diaphragme est percé d'une baie également en plein-cintre, qui correspondait à un comble sous plafond non aménagé. Les rampants des deux versants du toit sont conservés dans ces murs diaphragme et dans les murs-pignons, eux-mêmes percés de trois baies équidistantes, porte centrale et fenêtres, et d'une fenêtre centrée dans le pignon pour ceux donnant sur la cour d'entrée, correspondant à la même tripartition interne. Mur-pignon ouest et mur gouttereau sud  du casernement (a), donnant sur le chemin de ronde du front de gorge.Mur-pignon ouest et mur gouttereau sud du casernement (a), donnant sur le chemin de ronde du front de gorge. Bâtiment de casernement (b) encaissé dans une réservation du socle rocheux entre front de gorge et "dessus" (batterie).Bâtiment de casernement (b) encaissé dans une réservation du socle rocheux entre front de gorge et "dessus" (batterie). Bâtiment de casernement (a), vue intérieure, murs gouttereaux et murs-diaphragmes à arcades.Bâtiment de casernement (a), vue intérieure, murs gouttereaux et murs-diaphragmes à arcades.

Toutes les structures charpentées ont complètement disparu dans l'état actuel, ainsi que la couverture en tuiles-canal mais les plans des années 1890-1900 indiquent que les fermes de charpente entre les travées (hors murs-diaphragme) s'articulaient à deux poteaux verticaux correspondant à la largeur du corridor central. Ces plans n'indiquent pas de cloison longitudinale isolant le corridor, sauf dans les travées attenantes au mur-pignon du bâtiment (a) donnant sur la cour d'entrée, soit sur deux travées du côté de l'entrée de la cour entre portail et entrée du souterrain, et sur une travée du côté opposé (côté sortie du souterrain). Il s'agissait d'une part des cloisonnements pérennes délimitant les quatre pièces du logement du gardien de batterie, d'autre part de ceux du corps de garde. Le bâtiment (b) ne contenait en revanche que des chambrées de soldats. La différence de statut des travées du logement du gardien s'exprime aussi par la dimension des fenêtres des murs gouttereaux : si toutes les baies des gouttereaux des murs-pignons, fenêtre et portes, ont la même largeur et le même encadrement en pierre de taille dure formant chambranle couvert d'un arc surbaissé extradossé, celles des chambrées sont de petites fenêtres à appui surélevé, moins hautes que larges, tandis que celles des travées dévolues au gardien de batterie et au corps de garde ont des proportions normales dans les travées correspondantes des murs gouttereaux, deux fois plus hautes entre appui et arc, dimensions appliquées aussi dans les murs-pignons des deux bâtiments.

Dans la mise en œuvre des parements extérieurs, la pierre de taille est employée aux encadrement des baies, mais aussi pour les assises de plinthe et les chaines d'angle en besace. En haut des murs gouttereaux ouest, une génoise, toujours en place à la différence du toit, tient lieu de corniche. Le parement ordinaire des murs est en blocage revêtu d'un enduit couvrant. A l'intérieur, la pierre de taille n'est employée et apparente que pour l'encadrement des baies des murs-diaphragmes. L'aménagement des chambrées était très sommaire : on le voit à l'absence de cloisons pérenne isolant le corridor, mais aussi au fait que les soldats y dormaient dans des hamacs, comme le montrent les nombreux crochets du suspension en fer encore scellés dans les murs gouttereaux.

Le couloir d'isolement étroit réservé entre le mur gouttereau des bâtiments et le front de taille était couvert d'un toit en appentis, avec chéneau encaissé entre deux versants sur la tête du mur, comme le montre le prolongement des façades ou murs-pignon sur la cour d'entrée, avec demi-pignon, refermant ce couloir, et porte. La cuisine du bâtiment (a) était creusée en caverne dans le roc de la paroi latérale gauche (ouest) du front de taille, à gauche de l'entrée du souterrain, la porte de cette cuisine dans un revêtement maçonné, étant semblable et en strict vis-à-vis de celle desservant le couloir d'isolement. Cette petite cuisine en casemate, couverte d'une voûte maçonnée en berceau surbaissé, est conservée aujourd'hui avec un enduit couvrant lissé peint en blanc, qui témoigne d'une réutilisation à un autre usage au cours du XXe siècle. La cuisine du bâtiment (b) également creusée dans le front de taille, y est disposée exactement comme celles des deux bâtiments de casernement du Gros Cerveau, c'est à dire à l'extrémité postérieure du couloir d'isolement et du front de taille parallèle au couloir, près de l'angle rentrant de ce front de taille. Cette cuisine disposait de deux portes, l'une donnant dans le couloir couvert, l'autre sortant dans le dégagement à ciel ouvert entre mur-pignon du bâtiment et front de taille latéral (Fig. 18). Une casemate ménagée symétriquement à celle de la cuisine à l'extrémité antérieure du couloir du même bâtiment, de dimensions identiques, également à deux portes, était affectée au bureau des télégraphes.Intérieur de la cuisine du casernement (a) donnant sur la cour d'entrée en face de la porte du couloir d'isolement du bâtiment (a).Intérieur de la cuisine du casernement (a) donnant sur la cour d'entrée en face de la porte du couloir d'isolement du bâtiment (a). Détail du mur-pignon est du bâtiment de casernement (b), avec portes de son couloir d'isolement et de sa cuisine.Détail du mur-pignon est du bâtiment de casernement (b), avec portes de son couloir d'isolement et de sa cuisine.

L'entrée et la sortie du souterrain-caverne, dans le revêtement maçonné en blocage du front de taille du bâtiment (a), de part et d'autre de ses murs-pignons, ont été condamnée par murage en ménageant une porte métallique elle-même verrouillée6 . Ces deux issues forment une grande arcade couverte d'un arc en plein-cintre en pierre de taille non extradossé, dont l'ouverture correspondant au gabarit de la galerie principale. On notera que la mise en œuvre tout en pierre diffère de celle des issues du souterrain-caverne du Gros Cerveau, dont l'arcade et partie du voûtement est en briques. Ici, tout le voûtement des galeries semble être réalisé en pierre.

Deux petits édifices de plan carré bâtis en blocage enduit, annexes détachées des bâtiments militaires, subsistent, délabrés, en bordure de la rampe d'accès à la batterie, en direction des plates-formes de l'aile droite (est), au-dessus du bâtiment (b). Il s'agit du local de la lampisterie important, au nord du casernement et en bordure supérieure du chemin de ronde, jadis couvert en appentis (toit disparu), percé d'une porte en façade et d'une fenêtre dans le mur postérieur, et de l'ancien magasin à pétrole, plus petit."Dessus" de l'ouvrage: petits bâtiments de lampisterie et magasin au pétrole, en haut de la rampe d'accès à la batterie, au-dessus du casernement (b)."Dessus" de l'ouvrage: petits bâtiments de lampisterie et magasin au pétrole, en haut de la rampe d'accès à la batterie, au-dessus du casernement (b).

Les plates-formes d'artillerie de la batterie, taillées en réserve dans le roc et en partie maçonnées sont en ruines, très érodées et en partie obstruées de décombres et de végétation. Cependant la structure caractéristique des galeries casematées maçonnées qui reliaient entre elles latéralement celles dévolues aux canons de 155mm reste reconnaissable pour plusieurs d'entre elles. Ces galeries et les murs latéraux des plates-formes dans lesquelles elles s'ouvrent sont parementés en moellons équarris, avec emploi ponctuel de pierre de taille à finition rustique pour les arcs et les tablettes de couvrement. Les galeries sont voûtées en berceau surbaissé et desservent latéralement au passage des niches à munitions peu profondes voûtées de même.Batterie, détail de l'entrée d'un segment de galerie casematée reliant deux plates-formes.Batterie, détail de l'entrée d'un segment de galerie casematée reliant deux plates-formes. Batterie, détail de l'intérieur d'un segment de galerie casematée reliant deux plates-formes, avec niches latérales.Batterie, détail de l'intérieur d'un segment de galerie casematée reliant deux plates-formes, avec niches latérales.

Les vestiges de la batterie latérale extérieure sud-ouest sont aujourd'hui très largement détruits, par érosion naturelle ou par prélèvement de matériaux. Il n'en reste que des segments d'épaulements en pierre sèche qui font penser que les plates-formes et leurs traverses, constituées par apport de matériaux et non par déroctage, n'ont jamais reçu l'état de finition de celles de la batterie fermée.

Epaulement en pierre sèche, vestige de la batterie latérale extérieure sud-ouest.Epaulement en pierre sèche, vestige de la batterie latérale extérieure sud-ouest.

1Instruction destinée à guider les Commissions mixtes d’officiers de l’artillerie, du génie et de la marine qui devront, dans chaque arrondissement maritime, procéder à la révision de l’armement du littoral., Commission de défense des côtes. SHDV ancien article 13 (cote précise non notée)2Rapport de la commission … sur un nouveau plan d’ensemble de la défense du port de Toulon. Vincennes, SHM DD² 10453D'après la légende d'un plan de détail du souterrain-caverne et du bâtiment a, datant de 1890 (SHD Toulon)4Le plan de projet initial indique toutefois à cet emplacement et dans cette orientation trois plates-formes sommaires sans traverses ni indications de pièces d'artillerie.5Le plan d'exécution de 1889 exprime les vides (plates-formes, galeries casematées) et non les pleins (traverses) par une trame hachurée, ce qui correspond à l'emprise des zones d'action des pionniers et maçons, mais peut prêter à confusion.6Il n'a pas été possible d'accéder à ce souterrain.

L'occupation des hauteurs du massif du Cerveau par un ouvrage comportant une batterie d'artillerie était intégrée au programme de défense terrestre éloignée de la place de Toulon défini en mars 1873 par le colonel Le Masson, directeur des fortifications, et soutenu dans le principe par le comité des fortifications. Ce dernier proposait de renforcer les défenses du Mont Faron et d’occuper les hauteurs autour de Toulon, sur une amplitude de plus de 30 km d’est en ouest avec un espacement d’un ouvrage à l’autre pouvant aller jusqu’à 6 km (portée normale des canons de gros calibre de cette génération). L'objectif était d’occuper solidement les points principaux d’où (l’ennemi) pourrait opérer un bombardement. La typologie des ouvrages projetés bénéficia très vite des normes redéfinies à l'échelle nationale par le général Raymond-Adolphe Séré de Rivières dans une instruction datée du 9 mai 1874, fondatrice d’une nouvelle typologie de forts et batteries détachés à distance des places fortes, armés de canons permettant des tirs à longue portée (6-9km).

L'occupation de la position du Gros Cerveau fut confirmée par le nouveau plan de défense de la rade de Toulon de 1877, mais les premiers travaux réalisés à partir de 1878 ne concernèrent pas les positions ouest distantes, mais l'achèvement des forts de la Croix-Faron et de Six-Fours, et la construction, dans le secteur est, des forts du Coudon et de la Colle Noire. Si les acquisitions des parcelles de terrain nécessaires à l'implantation de l'ouvrage du Gros Cerveau étaient lancées dès 1877, la mise en œuvre des travaux de construction fut différée jusqu’en 1889. Il s’agissait dès lors d’équiper le site de deux ouvrages d’artillerie distincts, en principe d’importance égale, échelonnés d’est en ouest à 3km de distance sur le même rebord nord en falaise du massif du Cerveau jusqu’à son extrémité, l’un désigné sous le toponyme du Gros Cerveau, l’autre sous celui de La Pointe Ouest. A la différence des réalisations du Coudon, de La Colle-Noire ou de Six-Fours, aucun des deux ouvrages du Cerveau n’a le statut d’un fort, et aucun n’est une simple annexe de l’autre, fortin ou batterie d'appui. Il s'agit de batteries fermées accueillant un nombre important de plates-formes ou sections d’artillerie, adaptées à des canons de 155 mm (modèle 1877), de 120mm (modèle 1878) et de 95mm, complétées de huit petites batteries intermédiaires ouvertes jalonnant la route militaire et ses abords entre les deux ouvrages et au-delà.

L’ouvrage de la Pointe Ouest, à l'extrémité de la route militaire, fut conçu dès le stade du projet sur une plus grande échelle que celui du Gros Cerveau, en surface, en nombre de sections d'artillerie et -en principe- en capacité de casernement. Il devait comporter douze plates-formes d’artillerie, quatre pour canons de 155mm face au nord/nord-ouest, encadrées de quatre de 120mm face à l’ouest et quatre de 95mm face au nord. Les batteries de 155 et de 120, établies au-dessus de souterrains casematés taillés dans le roc, étaient prévues dans une enceinte principale, tandis que la batterie de 95, bien que placée dans la continuité de celle de 155, devait en être séparée par un fossé intermédiaire et incluse dans une enceinte annexe contiguë à l'est. Dans l'état réalisé, la batterie fermée tient dans une enceinte unique cumulant la surface et conservant le plan des deux enceintes du projet, en supprimant le fossé intermédiaire. Ce changement permit de ne pas recouper la continuité des plates-formes d'artillerie entre la batterie de 155 et celle de 95 en gagnant la place d'une plate-forme, cette dernière étant en outre rallongée à droite de trois plates-formes, en sorte que l'ensemble de la batterie fermée réalisée comporte seize plates-formes d'artillerie au lieu des douze initialement prévues.

Lancés simultanément sur les deux ouvrages du massif du Cerveau l’été 1889 sous la direction du capitaine du génie Honoré Pierrugues, réalisés par une entreprise adjudicataire, les travaux commencèrent par le déroctage de la cour d'entrée puis, pour celui de la Pointe ouest, par les plates-formes de la batterie de 155mm et 120mm, enfin par celle de 95mm. En 1890, un plan d'état des lieux du souterrain-caverne montre qu'il a été réalisé moins développé que dans le projet. La construction s'est achevée en 1891, comme l'indique un millésime gravé au portail d'entrée.

La capacité de chacun des deux casernements (cotés a et b) était de 108 hommes et un officier en temps de paix, 154 hommes au maximum en temps de guerre, soit 308 hommes au total, effectif important adapté à la desserte cumulée de la double batterie fermée et d'une batterie latérale extérieure, voire des petites batteries annexes ouvertes prévues en divers points de la route militaire d'accès à l'ouvrage.

L'évolution de l'ouvrage après son déclassement n'est pas connue. Les bâtiments de casernement étaient encore couverts dans les années 1950.

L'ouvrage de la Pointe Ouest du Cerveau est situé à la cote moyenne de 305 m d'altitude, dans les hauteurs du massif du Cerveau, qui domine au sud la plaine de Sanary et se termine abruptement au nord en falaise. Il est dominé à distance par l'ouvrage du Gros Cerveau.

De plan grossièrement en arc de cercle, plus étirée en longueur que celle du Gros Cerveau, l'enceinte de l'ouvrage de la Pointe Ouest est constituée de trois fronts continus se refermant au nord sur la falaise, enveloppant la batterie dans une aire intérieure beaucoup plus étroite et serrée contre la falaise que n'est celle de l'ouvrage du Gros Cerveau. Le front de gorge adopte un plan en chevron qui répercute l'arc de cercle obtus du plan de la batterie. Long de 220 m, il est composé de deux segments reliés en angle rentrant : le segment ouest accueille la porte d'entrée, très décentrée dans ce front et théoriquement flanquée à sa gauche par un redan en saillie de l'enceinte qui se terminait à l'angle sud-ouest par un bastionnet habillant un rocher naturel saillant. Le petit front ouest, entre ce bastionnet et un demi-bastionnet au nord-ouest, en bord de falaise, fait face à une crevasse rentrante en partie remblayée pour former une terrasse artificielle de déblais en pierres sèches avec talus en pierres coulantes. A l'opposé, le front est, après un angle sud-est au tracé tenaillé, avait aussi un plan infléchi d'un angle rentrant obtus et se terminait par un demi-bastionnet en bord de falaise.

Actuellement incomplète (peut-être inachevée en 1891) et mal conservée, l'enceinte consiste en un simple mur parapet maigre parementé en moellons sommairement équarris, bordé d'un fossé étroit très grossièrement taillé dans le roc. Le petit front ouest n'a plus ni mur, ni fossé, l'on y reconnait que les contours irréguliers de l'affleurement rocheux et le rocher qui devait être enveloppé d'un bastionnet. Au front Est, seul le fossé reste reconnaissable. Le mur-parapet et le fossé du front de gorge sont mieux conservés.

La porte de l'ouvrage, identique à celle du Gros-Cerveau mais mieux conservée, se limitait à un portail charretier entre deux piliers carrés de pierre de taille de moyen appareil couronnés d'un chapiteau monolithe millésimé 1889 et 1891 sur la face extérieure. Ces piliers étaient jadis équipés d'une grille métallique à deux vantaux et le portail précédé d'un pont dormant de planches sur poutrelles d'acier (IPN). Les vantaux ont disparu, remplacés par un mur de remplage en blocage réservant en son centre une porte piétonne, mais deux éléments de grille de défense subsistent entre les piliers en partie supérieure. De chaque côté des piliers, le mur-parapet, forme deux "ailes" latérales percées symétriquement de deux créneaux jumeaux d'action frontale.

Le portail débouche dans la cour d'entrée occupée à droite par le premier bâtiment de casernement (a) implanté obliquement par rapport au mur d'enceinte, pour élargir la cour et y ménager le passage de l'ancien chemin de ronde parallèle à l'enceinte et le départ de la rampe de roulage qui montait aux batteries. Les deux bâtiments de casernement, identiques mais non mitoyens et désalignés, et sans co-visibilité, le second (b) parallèle au mur d'enceinte du front de gorge, et logés dans une réservation du socle rocheux déroctée en front de taille sous la batterie, donc défilés par celle-ci. Dégageant l'espace nécessaire à l'emprise des bâtiments cette réservation est augmentée en profondeur de celle d'un corridor d'isolement les détachant des fronts de taille. Dans le cas du bâtiment (a) les fronts de taille latéraux dégageaient un espace plus important devant les murs-pignons, lié à l'aménagement, dans le front de taille du fond, de l'entrée (face au portail) et de la sortie (derrière la rampe) du souterrain-caverne. Leur position en renfoncement plaçait les deux bâtiments sous la protection passive de la gorge de la batterie qui surplombait leur toit en bâtière à faible pente et assurait leur défilement au nord à l'est et au sud.

Le volume intérieur de chaque bâtiment est recoupé de deux murs diaphragmes largement ajourés de trois arcades, deux latérales larges et couvertes en anse de panier, correspondant aux chambrées, et une centrale deux fois plus étroite, couverte en plein cintre, correspondant au corridor de distribution longitudinal médian. Toutes les structures charpentées ont disparu dans l'état actuel mais les rampants des deux versants du toit sont conservés dans les murs diaphragmes et dans les murs-pignons, eux-mêmes percés de trois baies équidistantes, porte centrale et fenêtres.

Le volume intérieur de chaque bâtiment est recoupé de deux murs diaphragmes largement ajourés de trois arcades, deux latérales larges et couvertes en anse de panier, correspondant aux chambrées, et une centrale deux fois plus étroite, couverte en plein cintre, correspondant au corridor de distribution longitudinal médian. Toutes les structures charpentées ont disparu dans l'état actuel mais les rampants des deux versants du toit sont conservés dans les murs diaphragmes et dans les murs-pignons, eux-mêmes percés de trois baies équidistantes, porte centrale et fenêtres. Chaque bâtiment avait sa cuisine, logée dans une niche creusée dans le front de taille à l'arrière (bâtiment b) ou sur le côté, à l'entrée du souterrain-caverne (bâtiment a). Des lavoirs étaient ménagés dans le front de taille à l'arrière des bâtiments.

L'entrée et la sortie du souterrain-caverne, dans le revêtement maçonné en blocage du front de taille du bâtiment (a), de part et d'autre de ses murs-pignons, ont été condamnée par murage en ménageant une porte métallique elle-même verrouillée. Ces deux issues forment une grande arcade couverte d'un arc en plein-cintre en pierre de taille non extradossé, dont l'ouverture correspondant au gabarit de la galerie principale. On notera que la mise en œuvre tout en pierre diffère de celle des issues du souterrain-caverne du Gros Cerveau et que tout le voûtement des galeries semble être réalisé en pierre.

Les plates-formes d'artillerie de la batterie, taillées en réserve dans le roc et en partie maçonnées sont en ruines, très érodées et en partie obstruées de décombres et de végétation. Les galeries casematées maçonnées voûtées en berceau surbaissé qui reliaient entre elles latéralement celles dévolues aux canons de 155mm restent en partie reconnaissables avec leurs niches à munitions peu profondes voûtées de même.

  • Couvrements
    • voûte en berceau segmentaire
  • Typologies
    batterie fermée
  • État de conservation
    mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune (incertitude)
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

Documents d'archives

  • Rapport de la Commission de révision de l'armement du littoral du 5e arrondissement sur un nouveau plan d'ensemble de la défense du port de Toulon. 28 novembre 1876. Service Historique de la Défense, Vincennes : DD2 1045.

Documents figurés

  • [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Plan d'exécution]. / Dessin plume et encre, par Honoré Pierrugues, 1889. Service Historique de la Défense, Toulon

  • Cerveau. Ouvrage de la pointe ouest. Projet. [Plan général de l'ouvrage]. Dessin, plume et encre, sd [1889]. Service Historique de la Défense, Toulon

  • Plan des dessous. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau : plan des souterrains-caverne et du bâtiment de casernement]. / Dessin plume et encre, sd [1889]. Service Historique de la Défense, Toulon

  • Plates-Formes d'artillerie. [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau, croquis d'exécution pour déroctage des plates-formes]. / Dessin plume et encre, signé Pierrugues, octobre 1889. Service Historique de la Défense, Toulon

  • [Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Plan des souterrains et magasins en caverne et du casernement ouest. Etat des lieux]. / Dessin, plume et encre, 1890. Service Historique de la Défense, Toulon

  • Petit atlas des bâtiments militaires. Casernement de la pointe ouest du Cerveau. [plans]. / Dessin plume et encre, sd, [vers 1900]. Service Historique de la Défense, Toulon

  • Ouvrage de la pointe ouest du Cerveau. Vue aérienne. / Photographie argentique noir et blanc, Institut Géographique National, 3 mai 1959. Institut Géographique National, Saint-Mandé : Mission C3246-0301_1959_CDP1447_3156.

Date d'enquête 2018 ; Date(s) de rédaction 2020
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