Dossier d’œuvre architecture IA06001317 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie dite fort Giaura
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Tende
  • Commune Tende
  • Lieu-dit col de Tende

Pas d'indices de la présence d'un édifice antérieur sur le site

I. Généralités

Des cinq "ouvrages" d'appoint du fort de barrage de Colle Alto, c'est celui de Giaura qui s'apparente de plus près au plan-type préconisé en Italie vers 1880 pour les batteries de protection. Ce plan-type théorique, lui-même inspiré du fort ou batterie d'artillerie type Séré de Rivière (1874), est caractérisé par un front d'attaque (opposé au front de gorge) long et formé de deux pans égaux réunis par un angle obtus, mais aussi par une recherche de symétrie de part et d'autre de l'axe défini par la porte d'entrée. Ces caractères réunis à Giaura, sont absents des quatre autres batteries de protection du camp retranché du Col de Tende. L'ouvrage de Giaura n'avait pas plus que les quatre autres le statut de "fort" à sa conception, mais l'appellation a été consacrée par l'usage. Son emprise au sol globale, fossés compris, dépasse celle de l'ouvrage de Margheria, c'est donc de ce point de vue le plus grand des cinq ouvrages du barrage, mais Margheria l'emporte par le nombre de ses casemates et la capacité d'accueil de ses casernements.

Il s'élève à la cote 2253m, et coiffe une des éminences de la ligne de crête des alpes, dans la position la plus occidentale du camp retranché du col de Tende, et du fort de Colle Alto. Cette situation topographique rappelle celle de l'ouvrage de Pernante, que dessert en amont la route d'accès à Giaura.

Il est laissé à l'abandon par l'administration militaire, et n'a pas d'affectataire.

Son état sanitaire général est moyen, mais aucune partie ne menace vraiment ruine.

Route d'accès au fort de Giaure : à gauche, l'éminence portant le fort.Route d'accès au fort de Giaure : à gauche, l'éminence portant le fort.

II. Historique

La construction de cet ouvrage, confiée par contrat du 10 juillet 1883 à l'entrepreneur Giuseppe Maggia, adjudicataire du marché pour la continuation des ouvrages du barrage de Tende, est estimée alors à 674.292 lires, ce qui en fait -de loin- l'ouvrage le plus coûteux de l'ensemble. Ce prix dépasse de près de 180.000 livres celui correspondant à l'ouvrage de Margheria, il est vrai plus facile d'accès. Le temps de mise en oeuvre prévu au contrat est le même pour ces deux ouvrages importants: 400 jours, soit cinquante jours de plus que pour les trois autres batteries.

L'ouvrage était conçu pour une garnison de 170 hommes.

L'armement prévu au projet initial de la batterie comporte 10 pièces d'artillerie réparties en 6 sections d'artillerie à barbette, dont la majeure partie est au front sud, pourvu de 4 sections doubles de chacune deux emplacements pour canon de calibre 12 en fonte rayée cerclée. Le flanc est comporte deux emplacements de tir pour un canon de 9 en fonte rayée cerclée.

Ainsi armé, cet ouvrage particulièrement bien placé au plan stratégique pouvait battre à la fois la vallée de La Roya, et le vallon de Casterino, entre la Bassa de Peirafica et la bassa de Barsenzana.

Le flanc ouest n'est pas aménagé pour l'artillerie.

Secteur sud-est du panorama découvert par le fort de Giaure, vers la vallée de la Roya.Secteur sud-est du panorama découvert par le fort de Giaure, vers la vallée de la Roya. Secteur sud du même panorama, vers le vallon de Peyrefique.Secteur sud du même panorama, vers le vallon de Peyrefique. Secteur sud-ouest du même panorama.Secteur sud-ouest du même panorama.

Le projet initial de 1881 comportait la construction d'un important ouvrage annexe de Giaura, destiné à fermer l'aile droite du camp retranché, ouvrage dont le plan figure dans l'Atlas du barrage de Tende. Ce retranchement non réalisé, prévu un peu en contrebas à l'ouest, sur les pentes de Pra Giordano, aurait comporté un rempart sur trois côtés, une caserne défensive de 150 hommes sur la quatrième, une citerne, le tout ceint d'un fossé.

L'installation des lignes téléphoniques et télégraphiques reliant cet ouvrage à l'ensemble du dispositif date d'octobre 1892, et le colonel Stabia, directeur territorial du génie de Cuneo, en confirma le bon fonctionnement un an plus tard.

Le rapport confidentiel du service des renseignements militaires français rédigé en 1895, et mis à jour en 1898, 1899, 1907, 1909, 1914, produit un plan schématique assez bien documenté de l'ouvrage, et le crédite par conjecture de douze pièces de 12, ce qui est un peu optimisé, mais assez proche de l'armement initial. Toujours d'après ces renseignements, deux pièces de 15 provenant du fort de Colle Alto auraient été placé en 1898 dans le "fort Giaura".

Comme les autres, l'ouvrage de Giaura a été désarmé durant la première guerre mondiale, ce dont ne fait pas état la mise à jour pour 1933 du rapport des renseignements militaires français.

A une date inconnue, dans les années 1930, un ouvrage d'infanterie a été aménagé en liaison avec le fort, pour améliorer la défense rapprochée des abords ouest/ sud-ouest, rééditant la logique stratégique qui avait fait prévoir en 1881 le "retranchement de Giaura", non réalisé.

III. Description

Comme au proche fort Pernante, dans les matériaux de construction en majeure partie puisés sur place, domine la pierre calcaire dure blanche, employée tant pour des parements courants, en blocage de gros moellons et cailloux, que pour les rares parties mises en oeuvre en pierres de taille (encadrement de la porte, arche du pont). Les pierre taillées en dalles (bandeaux-larmiers, tablettes d'arases, dalles de pavement, d'escaliers) appartiennent à une autre veine, gris-vert, ici comme dans les autres ouvrages et bâtiments du camp retranché. On ne sait si les briques employées dans la construction (en encoignures, en encadrement ou couvrement de baies) ont été produites dans un four créé sur place, ou apportées par l'entrepreneur. La mise en oeuvre des matériaux et des enduits est traditionnelle, et n'emploie à l'origine que le mortier de chaux. L'ensemble des parements intérieurs (murs et voûtes), était revêtu d'un enduit couvrant blanc, actuellement assez mal conservé. Il ne semble pas en revanche que les façades extérieures aient jamais été enduites.

Dans l'état actuel des lieux, presque tous les aménagements de second œuvre, ou mobiliers : menuiseries, huisseries, planchers, grilles et garde-corps en fer forgé, affûts des pièces, ont été systématiquement pillés et n'existent plus, à l'exception notable des vantaux de la porte principale.

Le panonceau en bois au dessus de la porte qui portait l'inscription peinte presque effacée "Forte Giaura" a disparu récemment (années 1990)

Cet ouvrage est l'un des mieux conservé de l'ensemble.

A. Plan

Etabli sur une plate-forme naturelle formant une excroissance au sud-est de la ligne de crête, l'ouvrage n'est dominé, à distance, que sur son flanc ouest et commande par ailleurs les pentes escarpées qui règnent au sud à l'est et au nord. La plate-forme était suffisamment étendue pour permettre la réalisation d'un ouvrage ample de plan pentagonal symétrique, ceint d'un fossé continu creusé dans le banc rocheux, avec contrescarpe revêtue et fond plan à l'horizontale.

Toutefois, il a été nécessaire d'utiliser en remblai, au revers de la contrescarpe, au sud et au nord-ouest, les déchets de matériaux produits par les travaux de terrassement pour recharger les manques du terrain naturel, unifier les escarpements en glacis, et assurer le défilement de l'ouvrage depuis la vallée au sud.

Ce procédé de remblai a aussi permis d'élargir le passage d'accès, qui s'étranglait au droit de l'angle nord-ouest avant d'aborder le front d'entrée.

Le front de gorge, au nord, est précédé d'une étroite esplanade sur laquelle s'élève une fontaine (bassin en forme d'évier et mur-écran de fond), au bord du chemin d'accès à proximité de la porte du fort. Cette esplanade a été étendue artificiellement, par l'apport de remblais, autour de l'angle nord-ouest, qu'il fallait contourner en venant de l'ouest.

Le plan de l'ouvrage, conforme au modèle type de la batterie de protection mis au point peu avant 1880, se définit clairement, contrairement aux autres ouvrages du camp retranché, par deux fronts opposés et deux flancs. Au sud, le front d'attaque, à deux pans, sommet du pentagone, est plus long que le front de gorge nord, dont le développement (plus de 90m), dépasse cependant nettement celui des autres batteries du camp retranché de Tende. Les flancs est et ouest, symétriques, se distinguent nettement des fronts par leur moindre développement, le distinguo typologique entre front et flanc n'étant pas significatif dans le parti architectural des quatre autres batteries du barrage de Tende.

Les casemates du casernement sont concentrées sur le front de gorge, mais leur répartition à Giaure se distingue par la quasi-absence de casemates au rez-de-chaussée. Le chemin d'accès approche le fort à niveau par le nord-ouest plusieurs dizaines de mètres avant d'atteindre l'esplanade qui précède le fossé.

Seule entorse apparente à la conception symétrique de son plan, le fort est pourvu d'un unique organe de flanquement saillant sur l'escarpe du front nord à l'angle nord-ouest, de type caponnière, dont le plan en trapèze et l'implantation sont conformes à un modèle courant largement représenté dans les ouvrages Séré de Rivières.

Le fossé et sa contrescarpe forment une excroissance en ellipse presque demi-circulaire pour contourner cette caponnière ; c'est cette excroissance atteignant les limites de la plate-forme naturelle, qui a imposé de créer un remblai au revers de la contrescarpe pour porter le chemin d'accès en ce point.

Le flanquement du fossé est assuré en outre par de deux galeries de contrescarpe crénelées à feux de revers disposées selon une rigoureuse symétrie, dans les angles sud-est et sud-ouest du fossé: deux organes de flanquement sont en effet nécessaires pour battre le front sud puisqu'il s'infléchit en angle obtus au milieu de son développement, formant les deux pans de tête du pentagone.

L'adoption des galeries défensives de contrescarpe desservies par des souterrains franchissant le fossé, a été généralement préféré à la mise en œuvre de caponnières, dans l'évolution de la conception des ouvrages défensifs italiens des années 1880.

Les quatre angles des murs d'escarpe du fort sont vifs, tandis que l'angle nord-est de la contrescarpe est arrondi, sur un assez large rayon, comparable à celui du segment de fossé qui enveloppe la caponnière nord-ouest.

Vue lointaine au sud-ouest depuis Peyrefique.Vue lointaine au sud-ouest depuis Peyrefique. Abord ouest du fort, chemin, corps de garde, remblai de contrescarpe et front nord du fort.Abord ouest du fort, chemin, corps de garde, remblai de contrescarpe et front nord du fort. Angle nord-ouest du fort avec sa caponnière, fossé et façade nord.Angle nord-ouest du fort avec sa caponnière, fossé et façade nord.

B. Économie défensive générale : remparts et batteries

Conformément au type de la batterie de protection, l'ouvrage présente un front d'attaque et deux flancs constitués d'un rempart avec revêtement d'escarpe bas en glacis couronné d'une tablette saillant en cordon-larmier. Le parapet en terre et le terre-plein à l'arrière sont destinés à porter les pièces d'artillerie de moyen calibre (canons de 12) pour le tir à barbette, dont les emplacements sont défilés par des traverses. Ici, le flanc ouest, sans utilité stratégique au sein du dispositif, n'est pas armé et n'a donc pas de traverse.

Le front de gorge, au nord, au milieu duquel est ménagée la porte d'entrée, est le seul qui soit occupé, dans la quasi-totalité de son développement, par un bâtiment de casernement.

A la différence des quatre autres ouvrages, ce bâtiment avec façade extérieure percée d'une fenêtre par travée, ne comporte véritablement qu'un niveau de casemates voûtées à l'épreuve, dont le sol correspond à celui du fossé. A la place du niveau correspondant au rez-de-chaussée, dans l'axe du front nord, n'existe qu'une petite portion de façade au milieu de laquelle est percée la porte du fort.

Outre le passage d'entrée, cette portion de bâtiment abrite quatre travées de casemates réparties symétriquement de part et d'autre . Les deux travées immédiatement attenantes à la porte, celle de gauche servant de cage à l'escalier desservant les casemates basses, celle de droite de corps de garde, sont percées d'une fenêtre superposée à celle de la travée correspondante du niveau bas. Les deux travées extérieures, en revanche, n'ont en façade qu'un créneau de fusillade largement ébrasé à l'extérieur, où il forme une baie plus large que haute, couverte d'un arc segmentaire, adaptée à la défense rapprochée.

Le reste de l'élévation du rez-de-chaussée, de part et d'autre de cette portion de bâtiment formant ouvrage d'entrée ou porterie, se limite à un parapet d'infanterie en maçonnerie maigre percé de créneaux de fusillade identiques à ceux observés dans les deux casemates latérales, donc différents de ceux, en forme de fente, qui équipent le parapet du troisième niveau de façade du front nord des quatre autres ouvrages.

Le nombre de ces créneaux larges reste donc moindre, à développement égal, que celui des créneaux-fente; toutefois, à Giaure, il double celui des fenêtres du niveau inférieur, à raison d'un rythme régulièrement alterné.

Les murs d'escarpe des flancs est et ouest ne sont percés d'aucune fenêtre, mais d'une série des créneaux de jour ou de fusillade à l'usage de coffres aménagés sous le rempart, et une baie à chaque extrémité du corridor qui dessert les casemates basses du casernement nord.

Le mur d'escarpe des deux flancs n'est pas aveugle, mais percé d'une importante série (22 par flanc) de créneaux de jour ou de fusillade correspondant aux locaux souterrains adossés.

Vue du nord-est : parados, cour intérieure, emplacement de tirs et traverses creuses.Vue du nord-est : parados, cour intérieure, emplacement de tirs et traverses creuses. Vue du nord-est : parados, ouvrage d'entrée du fort, rempart nord et son chemin coudé à parapet crénelé.Vue du nord-est : parados, ouvrage d'entrée du fort, rempart nord et son chemin coudé à parapet crénelé.

Les six emplacements de tir à barbette du font d'attaque et du flanc est ne conservent pas, dans leur état actuel, la trace lisible de l'assiette pavée des affûts rotatifs.

Le défilement de ces emplacement de tir est assuré par six traverses creuses, dont cinq réparties à intervalle régulier sur le seul rempart sud, et une au milieu du flanc est. Les traverses creuses (abritant des réserves de munitions à double fond) communiquent en sous-œuvre, par des escaliers coudés, avec une galerie souterraine qui part du corridor de desserte des casemates basses du front nord.

En outre, un large massif isolé remparé de même hauteur que l'ouvrage d'entrée du fort, avec façade maçonnée au nord et cinq travées de magasins voûtés à l'intérieur, s'élève au milieu de la cour. Il s'apparente à un cavalier, et servait de parados pour les emplacements de tir du front sud, tout en pour contraignant le passage d'entrée du fort débouchant dans la cour à former une chicane tournant à 45°, symétriquement à gauche ou à droite. La façade de ce massif, percée d'une porte dans l'axe et d'une fenêtre par travée est d'ailleurs légèrement déformée par un angle rentrant médian très obtus qui répercute l'alignement brisé du front sud.

Le sol de la cour intérieure (rez-de-chaussée) est très faiblement dénivelé de celui les emplacements de tir, lui-même délimité du parapet des remparts des trois fronts d'attaque par un mur d'appui intérieur sur lequel les traverses font saillie.

C. Circulations, aménagements, bâtiments, locaux internes et coffres

La porte du fort constitue l'axe de symétrie du front nord, et en particulier de la longue façade du bâtiment de casernement qui occupe la majeure partie ce front de gorge, encadrée de part et d'autre par l'épaulement des remparts est et ouest. La transition entre la partie "façade" et les courts épaulements latéraux n'est matérialisée que par les retours d'angle du parapet à créneaux de fusillade, au delà desquels le mur d'escarpe se prolonge jusqu'aux angles, son arase rampante couronnée d'une tablette saillante suivant la pente du versant extérieur du parapet en terre des flancs est et ouest.

La position de la caponnière à l'angle nord-ouest, sans aucune saillie sur le flanc ouest, lui donne en revanche une emprise sur le front nord qui dépasse celle réservée aux épaulements latéraux. Cet élément crée une dissymétrie en plan qui se répercute sur la façade.

En effet, cette façade comporte, au niveau bas, huit travées de fenêtres (donc de casemates) à gauche de la travée de la porte, pour sept travées à droite, et, au rez-de-chaussée, une fenêtre et treize créneaux de fusillade à gauche de la porte, pour une fenêtre et onze créneaux à droite. Le retour d'angle du parapet est toutefois plus éloigné du dernier créneau à droite (ouest), au dessus de la caponnière, qu'à gauche .

Des créneaux sont percés dans ce retour d'angle: un semblable aux autres à l'est, deux créneaux-fente jumeaux à l'ouest.

Le rythme des travées de fenêtres n'est pas parfaitement régulier, car elles correspondent à des travées de casemates dont la largeur n'est pas constante. Les deux travées de casemates, seules superposées sur deux niveaux, qui flanquent immédiatement la travée de la porte (dont celle de l'escalier), sont plus étroites que la moyenne; les six travées suivantes à droite (ouest) ont des dimensions normales, tandis que sur les sept travées suivantes à gauche (est), deux (la première et la septième) sont plus étroites. Ces subtiles variations font que, finalement, la porte du fort se trouve bien géométriquement au centre de ce front nord.

Le cordon-larmier horizontal qui sépare les deux niveaux de la façade, est directement prolongé par la tablette saillante qui couvre l'arase rampante des épaulements latéraux.

Trait commun à tous les ouvrages du camp retranché de Tende, les fenêtres du front nord (aux jambages chaînés en briques) sont inscrites dans une feuillure d'encastrement pour les contrevents qui vient délarder en réserve du nu du parement l'emprise de rabattement de ces contrevents de part et d'autre (ce qui les protégeait des intempéries).

On remarque ici une variante d'exécution qu'on ne retrouve qu'à Pernante : le couvrement des fenêtres forme en parement une plate-bande en briques qui s'étend sur l'emprise des feuillures de rabattement des contrevents. Autre trait distinctif, celui-ci propre à la façade de Giaura : les arcs de décharge en moellons, dans le parement courant, qui surplombent chacune de ces plates-bandes en briques.

La brique est aussi employée pour les créneaux de fusillade du modèle large qui caractérise Giaure : elle ne concerne que l'arc segmentaire de couvrement et l'appui, les jambages participant du parement courant en moellons.

Les dalles minces en pierre composant la tablette qui protégeait l'arase de ce parapet sont en grande partie encore en place, surtout sur la moitié ouest, tandis que les tablettes qui couvraient les arases rampantes et horizontales de la façade de l'ouvrage d'entrée ont toutes (à une près) été enlevées.

La porte est précédée d'un pont à unique arche dormante attenante à la contrescarpe (arc et encoignures de la pile en pierres de taille à queues irrégulières), que complétait un tablier de pont-levis à bascule (complètement détruit) dont le contrepoids était assuré par deux fléaux lestés qui passaient par des saignées au sol du passage, pour s'abîmer dans une fosse voûtée, prise sur la partie antérieure de la travée de casemate basse régnant sous le passage d'entrée.

Le seuil monolithe sur lequel jouait l'axe de rotation du tablier basculant est encore en place. L'encadrement de la porte est en pierre de taille blanche (calcaire) avec arc segmentaire à voussoirs passants un sur deux et clef passant à l'intrados, le tout inscrivant en retrait un sous-arc en pierre de taille extradossé, contre lequel venait s'appuyer, inscrit dans l'arcade d'encadrement, le tablier du pont-levis en position fermée .

Le passage d'entrée, qui suit immédiatement les vantaux de la porte et forme un large couloir rectiligne voûté en berceau surbaissé (volume équivalent à celui d'une casemate) abrite une chaussée qui comporte deux bandes de dalles en pierre dure, correspondant au passage des roues des convois, avec dans l'intervalle une calade de cailloux. Au débouché de ce passage dans la cour, cette chaussée se divise en deux branches latérales dont le pavement décrit un arc de cercle, comme l'évasement des murs de terrasse latéraux à ciel ouvert, au bas de la pente du rempart qui habille le revers de l'ouvrage d'entrée.

Enfilade du front de gorge et de son fossé, vu de l'angle nord-est ; fenêtre et parapet crénelé.Enfilade du front de gorge et de son fossé, vu de l'angle nord-est ; fenêtre et parapet crénelé. Détail de la façade, centré dans l'axe sur la porte du fort.Détail de la façade, centré dans l'axe sur la porte du fort.Couloir d'entrée du fort vu de l'intérieur, les deux branches divergentes de la chaussée.Couloir d'entrée du fort vu de l'intérieur, les deux branches divergentes de la chaussée.

Dans l'axe du passage, au milieu du mur de façade-écran du cavalier ou parados, est percée une porte piétonne qui, à partir de la travée centrale, distribue symétriquement les quatre autres travées de magasins enterrées dans ce cavalier. Ces magasins sont pourvus d'un sous-sol affecté à la citerne souterraine du fort, d'une contenance de 300 m3. Au fond de la travée centrale de magasin, un puits en briques à margelle de pierre permettait de puiser l'eau de cette citerne, alimentée par un aqueduc.

Les quatre travées de casemates du R-C, encadrant le passage d'entrée, y communiquent directement et se commandent mutuellement sans corridor; les deux plus extérieures, plus étroites que celles qu'elle surplombent, donnent de plain-pied par une porte latérale sur le chemin de ronde qui dessert les créneaux de fusillade du parapet d'infanterie du front nord.

La travée de l'escalier dessert classiquement le grand corridor est-ouest qui distribue les 15 casemates du niveau bas, affectées en majeure partie à des dortoirs de garnison, mais -fait plus particulier- elle se prolonge en sous-sol pour desservir un souterrain qui traverse le fossé et dessert le magasin à poudres du fort, implanté au delà de la contrescarpe, immédiatement à l'est de l'axe d'entrée du fort. Ce magasin voûté à l'épreuve, d'une capacité de 40.000 kg, est ceinturé de son couloir d'isolement voûté.

La casemate sous le passage d'entrée est divisée par un mur de refend; la moitié antérieure, voûtée en partie en briques dans un axe perpendiculaire à celui des autres casemates, est la fosse de rabattement des fléaux du pont-levis; son mur de front forme sur le fossé un léger avant-corps . Cette fosse communique avec l'escalier, mais pas avec la partie postérieure de la travée qu'elle occupe sans doute affectée ici comme ailleurs à la "chambre mortuaire" du fort.

Vue d'axe nord de la travée centrale du magasin du parados, au fond, le débouché d'entrée du fort.Vue d'axe nord de la travée centrale du magasin du parados, au fond, le débouché d'entrée du fort. Le puits de la citerne au fond magasin d'axe du parados, dans la cour.Le puits de la citerne au fond magasin d'axe du parados, dans la cour. Vue zénithale du puits et de l'oculus en brique de la citerne.Vue zénithale du puits et de l'oculus en brique de la citerne.

Au delà des deux dernières casemates est et ouest, le corridor voûté en demi-berceau descend symétriquement de quelques marches, et débouche en baie d'éclairage (est) ou en poterne (ouest) dans l'escarpe des flancs.

Côté nord, ces derniers mètres de corridor desservent des coffres logés dans les angles du front de gorge et percés, seulement dans l'escarpe des flancs, de créneaux de fusillade.

A l'ouest, un couloir longeant la dernière casemate dessert en outre la casemate active de la caponnière, de plan trapézoïdal, voûtée en berceau, et percée de créneaux de fusillade (six vers l'est, assurant le flanquement du fossé nord, et un, large, vers le nord)

Une galerie souterraine aveugle trois fois coudée qui suit le contour des flancs et du front sud de la cour intérieure du fort, se raccorde par les deux bouts au corridor des casemates basses du front nord. L'une de ses fonctions est de communiquer par des escaliers étroits, avec les abris-réserves des six traverses du rempart .

Cette galerie dessert aussi symétriquement des locaux étroits logés dans les flancs est et ouest du fort, prenant jour sur les fossés par de nombreux créneaux.

Ces "coffres" étaient au moins en partie affectés à la confection de munitions, et pouvaient servir d'organes de défense active en fond de fossé. ou à la communique aussi du côté ouest, par un escalier descendant quelques marches, avec celle qui dessert la casemate de contrescarpe à feu de revers du sud-ouest.

Après ces trois travées de locaux souterrains, la galerie continue donne accès latéralement à deux branches de galeries secondaires absolument symétriques, qui descendent en escalier en longeant l'escarpe dans laquelle elles prennent jour par des créneaux, traversent le fossé et desservent chacune une des deux galeries ou casemates de contrescarpe à feu de revers, voûtées en berceau, qui enveloppent les angles du fossé sud.

L'une de ces deux galeries de contrescarpe actives, celle du sud-ouest, a été remaniée dans les années 1930 par la percée d'une porte vers le fossé à la place d'un créneau, et par celle d'une branche de souterrain divergeant vers un ouvrage d'infanterie comportant un emplacement de tir sous coupole monobloc en béton.

Rempart et fossé du flanc ouest, créneaux de la galerie de contrescarpe sud-ouest.Rempart et fossé du flanc ouest, créneaux de la galerie de contrescarpe sud-ouest. Intérieur de la galerie de contrescarpe ; branche ouest, créneaux.Intérieur de la galerie de contrescarpe ; branche ouest, créneaux.

D. Ouvrages et bâtiments annexes

A droite de la route d'accès quelques dizaines de mètres avant d'atteindre le fort par l'ouest, un classique petit corps de garde de plan rectangulaire, actuellement en ruines et écrêté, est bâti sur le flanc du talus qui prolonge le versant naturel de la montagne

Un ouvrage d'infanterie composé d'une tranchée et d'une position de tir pour arme automatique, du type noyau d'arme supplémentaire (NAS) sous coupole blindée en béton a été ajouté au sud-ouest du fort. C'est probablement dans sa totalité une réalisation de la fin des années 1930. Il se raccorde au fort par la galerie de contrescarpe à feu de revers de l'angle sud-ouest, dans laquelle est percée vers l'ouest un départ de boyau accessible par un escalier de six marches, boyau dont le couvrement affleure au sol extérieur.

Cette première branche dessert dans l'axe l'emplacement de tir sous coupole béton, de petites dimensions, qui fait saillie sur le versant sud de la montagne. Revêtu d'un camouflage de pierraille à l'extérieur, ce petit abri actif est brut de décoffrage à l'intérieur et manifestement inachevé (pas de traces d'aménagement ni de l'embrasure, ni du sol).

Intérieur de la galerie de contrescarpe sud-ouest ; accès au boyau de l'ouvrage d'infanterie.Intérieur de la galerie de contrescarpe sud-ouest ; accès au boyau de l'ouvrage d'infanterie. Extérieur de l'emplacement de tir sous coupole de béton, camouflage en pierraille.Extérieur de l'emplacement de tir sous coupole de béton, camouflage en pierraille. Intérieur de l'emplacement de tir sous coupole de béton.Intérieur de l'emplacement de tir sous coupole de béton.

En amont de cet élément, le boyau dessert à droite une branche qui, montant de quelques marches, se transforme en tranchée revêtue en pierres sèches, et suit un tracé sinueux sur moins d'une centaine de mètres. Cette tranchée dessert un emplacement de tir à ciel ouvert pour fusil mitrailleur, orienté au sud, puis débouche sur une série de trois banquettes de terre échelonnées sur la pente.

Tranchée de l'ouvrage d'infanterie extérieur, à l'arrière, front sud du fort et son fossé.Tranchée de l'ouvrage d'infanterie extérieur, à l'arrière, front sud du fort et son fossé. Tir de l'ouest ; tranchée extérieure, angle sud-ouest du front et emplacement de tir sous coupole de béton.Tir de l'ouest ; tranchée extérieure, angle sud-ouest du front et emplacement de tir sous coupole de béton.

Sur la route d'accès entre Pernante et Giaura, dans le vallon qui précède au nord la montée en lacets vers le fort, est établie une fontaine (niche en pierre avec porte encadrée en brique) captant une source, combinée à une citerne. Cet aménagement fournissait un point d'eau et un abreuvoir de bord de route.

Emplacement de tir d'infanterie à ciel ouvert sur la tranchée annexe.Emplacement de tir d'infanterie à ciel ouvert sur la tranchée annexe. Route de Giaure vue de l'est ; au fond, centre droite, le fort Pernante.Route de Giaure vue de l'est ; au fond, centre droite, le fort Pernante. Fontaine couverte et citerne près de la route de Giaure.Fontaine couverte et citerne près de la route de Giaure.

Des cinq ouvrages d'appoint du fort de barrage de Colle Alto, c'est celui de la batterie de protection de Giaura qui s'apparente de plus près au type préconisé en Italie vers 1880 (inspirée du fort de type Séré de Rivière, 1874) . La construction de cet ouvrage est confiée à l'entrepreneur Giuseppe Maggia par adjudication du 10 juillet 1883. Il est le plus coûteux de l'ensemble et la mise en œuvre dure 400 jours. Le projet initial de 1881 comportait la construction d'un important ouvrage annexe, destiné à fermer l'aile droite du camp retranché ; non réalisé, il aurait comporté un rempart sur trois côtés et une caserne défensive de 150 hommes sur le quatrième, une citerne, le tout ceint d'un fossé. L'installation des lignes téléphoniques et télégraphiques date d'octobre 1892. Comme les autres, l'ouvrage a été désarmé durant la première guerre mondiale ; à une date inconnue, dans les années 1930, un ouvrage d'infanterie a été aménagé en liaison avec le fort, rééditant la logique stratégique qui avait fait prévoir en 1881 l'annexe non réalisée alors.

Le fort de Giaura s'élève à la cote 2253 m et coiffe l'une des éminences de la ligne de crête des Alpes. Batterie pour un armement de 10 pièces d'artillerie conçue selon un plan-type : front d'attaque opposé au front de gorge plus long et formé de deux pans égaux réunis par un angle obtus ; flancs est et ouest symétriques de moindre développement ; recherche de symétrie de part et d'autre de l'axe défini par la porte d'entrée. Ouvrage ample de plan pentagonal symétrique, ceint d'un fossé continu creusé dans le banc rocheux ; seule entorse à la symétrie : organe de flanquement saillant sur l'escarpe du front nord à l'angle nord-ouest, de type caponnière. Les matériaux de construction sont de provenance locale, gros moellons ou cailloux de granite, calcaire et schiste destinés à être enduits ; les sols des corridors sont des calades ; emploi de brique en encadrement des baies. Le front de gorge est précédé d'une étroite esplanade sur laquelle s'élève une fontaine (bassin en évier et mur-écran de fond) . Les casemates du casernement sont concentrées sur le front de gorge, au nord, percé par la porte d'entrée et installées uniquement au niveau du fossé ; sur le mur principal de la porterie, quatre travées, dont deux avec fenêtres hautes, les autres étant des créneaux de fusillade, identiques à ceux du parapet d'infanterie qui se développe de part et d'autre. Le front d'attaque au sud présente un mur polygonal flanqué de deux remparts avec revêtement d'escarpe en glacis couronné d'une tablette ; terre-plein derrière destiné à porter les pièces d'artillerie. Le mur d'escarpe sont percés de créneaux de fusillade correspondant aux locaux souterrains adossés. Dans la cour intérieure, six monticules qui sont des traverses servant d'appui aux points de tir et de réserves de munitions : une face-mur plate maçonnée (une porte, une fenêtre) , l'arrière étant en talus recouvert d'une épaisse couche de terre herbeuse ; également un large massif isolé remparé, de même hauteur que l'ouvrage d'entrée du fort, avec façade maçonnée en angle obtus au nord et cinq travées de magasins voûtés à l'intérieur (il oblige le voie d'entrée à former une chicane) . La porte est précédée d'un point à unique arche dormante attenante à la contrescarpe. Les quatre travées de casemates de l'entrée communiquent directement et se commandent mutuellement, affectés en majeure partie à des dortoirs de garnison ; en sous-sol, travée de l'escalier qui se prolonge par un souterrain qui traverse le fossé et dessert le magasin à poudre, implanté au-delà de la contrescarpe et ceinturé de son couloir d'isolement voûté. Une galerie souterraine aveugle trois fois coudée suit le contour des flancs et du front sud de la cour intérieure.

  • Murs
    • granite
    • calcaire
    • schiste
    • béton
    • enduit
    • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • Toits
    terre en couverture
  • Étages
    étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau
    • voûte en arc-de-cloître
    • voûte d'arêtes
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Escaliers
    • escalier intérieur
  • État de conservation
    mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Fascicolo contenente il piano d'insieme, la planimetria, la pianta e le sezioni delle opere che costituiscono il campo trincerato del Colle di Tenda [Document contenant le plan d'ensemble, la planimétrie, le plan et les coupes des ouvrages qui constituent le camp retranché du Col de Tende] / Dessin, vers 1887. Archivi del Genio Militare, Turin : fonds de la Sezione Staccata di Cuneo (référencé S.S.C.). Original disparu.

Date d'enquête 2001 ; Date(s) de rédaction 2002
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers