Dossier d’œuvre architecture IA04000002 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie dite batterie des Caurres
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-de-Haute-Provence
  • Commune Saint-Paul-sur-Ubaye
  • Lieu-dit les Caurres
  • Cadastre J 1025
  • Précisions oeuvre située en partie sur la commune La Condamine-Châtelard
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    batterie des Caurres
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    enceinte, fossé, mur défensif, ouvrage fortifié, édifice logistique, ouvrage d'entrée, corps de garde, abri, caserne, poudrière, tunnel

Contexte historique

Aucune trace d'édifice antérieur.

Lors des premières études de la forteresse de Tournoux, entre 1838 et 1843, il avait été admis, en principe, d'inclure le site du clos des Caurres dans le périmètre défensif, puis, devant les difficultés de toutes sortes, le projet fut limité à la contrescarpe ouest du fort supérieur, à la cote 1690, lors de l'achèvement des travaux à la veille de la guerre de 1870.

Mais le projet de Tournoux avait été établi en fonction de l'artillerie lisse dont la portée ne permettait guère de prendre d'enfilade l'Ubayette et tout au plus d'en battre le confluent avec l'Ubaye.

De plus, il avait été considéré, à l'époque, que les pentes de la forêt de la Sylve (en face de la forteresse, de l'autre côté de l'Ubaye) étaient inaccessibles à l'artillerie ennemie, et que le feu de la mousquetterie lisse était sans danger pour la place.

Or, à partir de 1858, avec le développement de l'artillerie rayée (et dès 1854 pour l'armement d'infanterie) les conditions avaient considérablement changé : dès 1874, le général Seré de Rivières, secrétaire du Comité de Défense, constatait que la forteresse de Tournoux "serait comme l'on sait, incapable d'arrêter l'ennemi" et "peut d'ailleurs être tourné". Il serait, il faut bien le reconnaître, hors d'état de soutenir une attaque vigoureuse (exposé du système défensif de la France, 20 mai 1874).

Or, conçu en 1843, le fort est achevé depuis moins de dix ans, et déjà considéré comme caduc ! La réorganisation s'impose, dans le cadre de l'oeuvre à accomplir sur l'ensemble des frontières. Compte tenu de la priorité à donner à la frontière du nord-est, et de l'obligation d'échelonner les réalisations dans le temps, Seré de Rivières se contente, dans l'immédiat, de proposer la construction d'un fort à Jausiers.

Les choses restent en l'état pendant quatre ans, et ce n'est que le 24 mai 1878 que le Comité de Défense arrêtera de façon ferme le programme de défense de l'Ubaye et des Alpes-Maritimes.

Première phase de travaux (1879-84)

Conformément à ce programme, on met en chantier, en 1879, au clos des Caurres, deux batteries permanentes, parallèles et disposées l'une derrière l'autre (batteries "supérieure" et "inférieure") orientées face à la trouée de Meyronnes, sur laquelle elles possèdent un commandement de 300 m.

Ces batteries, en raison de l'orientation des crêtes de parapet, ne craignaient pas l'enfilade, et ne comportent, de ce fait, que des traverses-abris largement espacées. Elles sont reliées aux casemates à feux de revers du fort supérieur par un large tunnel percé dans le roc, et débouchant sous le revers de la batterie basse, par une porte achevée en 1882 (attachement du 23 avril). Ce tunnel permet la circulation à l'abri du personnel et des munitions et, sur son parcours, sous le mamelon rocheux portant la batterie basse, un élargissement de la galerie abrite (1883-84) un magasin à poudre caverne parfaitement protégé, avec sortie latérale défilée au sud. Une route est construite pour relier ces positions aux forts de Tournoux.

Par contre il n'est pas prévu d'enceinte périphérique, ni d'abris sous casemate pour le personnel.

On admet que les hommes pourront se mettre à l'abri dans le tunnel, mais les positions sont très vulnérables à des infiltrations de tirailleurs la batterie basse est protégée contre les coups de revers tirés des pentes de Serre le Laut par un mur-parados.

Cette première phase de travaux est achevée en 1884, avec une dépense totale de 162.664, 38 F. Dès 1881, une Commission mixte artillerie-génie a étudié l'armement du nouvel ouvrage, et proposé (2 mai) :

Pour la batterie supérieure :

- 4 canons de 155 L modèle 1877 et 5 de 95 mm vers la trouée de Meyronnes. A l'époque, le tout nouveau canon de 155 long conçu par le colonel de Bange et adopté en 1877 peut tirer à 9000 m un obus explosif en fonte de 40 kg ou un obus à balles. Le 95 mm Lahitolle, contemporain, peut tirer à 7000 m des obus de 11 kg. Ces portées sont accrues, lorsque les pièces sont placées plus haut que l'objectif. La portée des pièces, la puissance des projectiles seront sensiblement améliorées plus tard avec les poudres B, les explosifs chimiques, les obus D en acier etc.. )

- 4 mortiers bouche de 15 cm, pour "fouiller les abords".

Pour la batterie inférieure :

- 3 canons de 155 L MIe 1877 vers Meyronnes, plus 3 pièces de 95 mm pouvant agir sur les pentes de la Silve.(L'installation d'une casemate cuirassée système Mongin a été rejetée par le général de Villemoisy, qui a remplacé Seré de Rivières en 1880).

Deuxième phase de travaux (1890-94)

Mais la situation évolue : nos rapports se tendent, à partir de 1881, avec l'Italie qui a créé des "compagnies alpines" et augmente ses forces et son organisation face à la France. La France réplique et s'oriente vers une "armée des Alpes" en partie constituée de troupes spécialisées s'appuyant sur une infrastructure de plus en plus développée.

Dès le 15 avril 1882, le Comité de Défense avait statué sur une nouvelle série d'ouvrages détachés à construire en avant de Tournoux pour augmenter la valeur d'arrêt de la position (accroissement de Vallon-Claus, batterie de Cuguret, redoute et batterie de Roche la Croix, batterie de Mallemort).

On ne pouvait, donc, laisser ouvertes et sans protection des batteries qui assumaient, depuis 1881, l'essentiel de la mission d'interdiction de la position de Tournoux. Ainsi, dès 1890 s'ouvrent les chantiers d'une nouvelle tranche de travaux comprenant :

- La construction d'une enceinte polygonale à fossé revêtu et flanqué par caponnières. La contrescarpe est achevée en 1897.

- La construction, le long du ravin bordant le parapet sud, en face du magasin à poudre, d'un bâtiment de caserne à trois niveaux, dont deux sous-sols "protégés" et un rez-de-chaussée conventionnel, le tout défilé aux vues par le massif rocheux de la batterie inférieure. D'une capacité de 80 hommes, doté d'une cuisine et d'une citerne, cet édifice offre un logement convenable en tous temps au noyau permanent de la garnison.

- La construction (1894) d'un téléphérique reliant l'ouvrage aux casernes dites « baraquements de l'Ubaye" et permettant le transport direct des matériels et approvisionnements quel que soit l'état de la route d'accès.

On ne touche pas aux positions d'artillerie.

Simultanément, on a couronné le sommet de Serre de Laut d'un ouvrage d'infanterie, ce qui réduit sérieusement les risques présentés, jusque là, par cette hauteur dangereuse. De 1890 à 1894, on a dépensé 320.786, 29 F pour transformer les deux batteries en un véritable fort, mais qui reste cependant dépourvu d'une véritable caserne de siège. Cela suppose qu'en temps de guerre, le gros de la garnison devait continuer à résider, au repos, dans les casemates ouest du fort supérieur, les mouvements de personnel s'effectuant par le tunnel dit "des Caurres".

Le prix total de l'ouvrage, pour la période 1879-94, s'établit donc à 583.450, 67 F somme relativement modeste pour un ouvrage de cette dimension, qui s'explique probablement par le faible prix des terrains à acquérir, et par l'absence de caserne-casemate, poste de loin le plus onéreux.

A titre indicatif, un fort de dimensions moyennes coûtait, en 1880, environ 1,5 MF.

Troisième phase de travaux 1913-14

Les choses sont restées en l'état jusqu'à la veille de la première guerre mondiale. Les difficultés politiques avec l'Italie se sont peu à peu aplanies pour aboutir, en 1902, à la signature d'un accord secret nous assurant la neutralité italienne en cas de conflit avec l'Allemagne. Mais, mis au courant tardivement (1909) le Haut Commandement français reste sceptique quant aux assurances d'un état connu pour ses multiples changements de camp.

Aussi, en 1913, entreprend-on de doter la batterie des Caurres de la grande caserne casematée qui lui manquait jusque là : ce sont les casemates ouest, pour 656 hommes et 8 officiers, qu'on construit le long de l'escarpe du front ouest. De plus, une "casemate de Bourges"1 pour 2 x 95 mm est construite au saillant 3 pour flanquer Vallon Claus.

Ce chantier appelle deux remarques

- Tout d'abord, il est révélateur des idées que se fait le commandement français de la situation franco-italienne en entreprenant là plusieurs centaines de milliers de francs de travaux alors qu'on a déclassé une partie des places de la frontière du nord et qu'on s'apprête à déclasser Longwy, Lille, Reims, La Fère etc faute de pouvoir les renforcer.

- Par ailleurs les casemates sont construites selon les normes de 1874 (c'est-à-dire avec des voûtes en maçonnerie de 0, 80 m surmontées d'un matelas de terre ou de rocaille de 2 à 3 m d'épaisseur) alors que, normalement, on aurait dû appliquer celles établies après la crise de l'obus-torpille c'est-à-dire une dalle de béton armé d'l m à 1, 70 m (selon le taux de protection recherché) sur piédroits en maçonnerie le fait est d'autant plus surprenant qu'à 200 m plus bas, au fort supérieur de Tournoux, on s'apprête, en même temps, à construire un abri en béton armé pour cent hommes, dont le ciment et 60 tonnes de fers sont déjà approvisionnés en gare de Prunières..

Quoiqu'il en soit la déclaration de guerre trouve les casemates aux trois-quarts faites : on se hâte précipitamment de refermer l'escarpe - très grossièrement d'ailleurs avant d'arrêter un chantier qui ne sera jamais repris. Deux caponnières ont reçu une dalle de béton armé d'1 m. L'aileron 1 est couvert à l'épreuve des éclats, mais la caponnière 2 restera à ciel ouvert.

Le plan de mobilisation, remanié au printemps 1914 (plan XVII) et effectivement mis en oeuvre fin juillet, prévoit, pour la batterie des Caurres : 4 canons de 120 long modèle 1878 et 4 canons de 95 mm en action lointaine (Meyronnes et la Silve). S'y ajoutent 5 canons révolver de défense de fossé, 2 antiques mortiers-bouche de 15 cm et les 2 x 95 mm sous casemate "de Bourges". Cet armement est indiqué comme en place sur les remparts, mais on constate qu'il a été sensiblement allégé par rapport à 1881. Peu importe, en fin de compte, puisque les hostilités ne s'ouvriront pas sur les Alpes, et qu'en 1915, l'Italie rentrera en guerre à nos côtés.

Dernière période (1918-1940)

Lors de la réactivation progressive de la frontière des Alpes, la batterie des Caurres est évidemment techniquement surclassée par l'évolution de l'artillerie et aucune amélioration majeure n'y est prévue dans le cadre de la construction du système Maginot (1930-40).

Mais les locaux sont utiles et la position reste intéressante. Aussi les casemates ouest - même inachevées sont utilisées pour le stockage des munitions de l'artillerie de position gérée, par temps de paix, par la 3e batterie du 154e R.A.P., jusqu'à leur dispersion dans les dépôts de campagne en mai 1940. La "casemate de Bourges" 1a est réaménagée pour 2 canons de 75 mm sur affût de casemate (selon toute vraisemblance, les pièces et les affûts spéciaux de forteresse ont été prélevés après 1918 dans une des 46 véritables casemates de Bourges des forts bétonnés du nord ou de l'est) et est dotée d'un petit observatoire bétonné accolé, réalisé par main d'oeuvre militaire (En 1940, batterie K 15, commandée par l'adjudant-chef Montmasson).

Quant aux anciennes positions de batterie de 1880, elles sont réarmées en 1940 avec 4 pièces de 155 L modèle 1877 (indice K 24) de la 6e batterie du 162e RAP (capitaine Cronier) relevant du groupement A3 d'action d'ensemble.

Ce sera la dernière utilisation de l'ouvrage, pratiquement abandonné à partir de l'armistice de 1940, jusqu'à son aliénation par le service des Domaines.

Description

Situation Vue aérienne prise du sud-ouest.Vue aérienne prise du sud-ouest.

Immédiatement au-dessus du fort supérieur de Tournoux, auquel elle est rattachée par un mur de jonction. Malgré l'indépendance des enceintes respectives, elle peut être considérée comme une extension complémentaire de Tournoux.

L'ouvrage est implanté sur un replat - ou, plutôt, sur une zone de terrain à pente plus douce, à une altitude moyenne de 1745 m - de l'arête rocheuse portant la forteresse principale, bordée à l'est par une falaise verticale tombant sur un profond ravin. Il s'échelonne sur un peu plus de 30 m de dénivelée, entre les cotes 1728, à l'est, et 1762 à l'ouest. Le site, appuyé à l'ouest à la pente de la montagne est dominé, de ce côté, de près de 250 m par le sommet de Serre de Laut qui, de ce fait, sera lui-même couronné en 1890 par un ouvrage d'infanterie couronnant le sommet et constituant "l'ouvrage de surveillance" de l'ensemble de la position.

S'inscrivant dans un rectangle de 270 m de long par 200 de large, orienté ouest-est, l'enceinte dessine un polygone irrégulier à 5 saillants principaux de 750 m de développement.

Cette enceinte, en système polygonal simplifié, est constituée sur les faces ouest, nord et est, par un fossé de 7 m de large, à escarpe et contrescarpe attachées, et revêtues, flanqué de 4 caponnières (2 simples et 2 doubles) le tout en maçonnerie de moellons avec tablettes de couronnement en pierre et surtout en béton ou pierre reconstituée. Enceinte. Front est : fossé. A droite, la contrescarpe.Enceinte. Front est : fossé. A droite, la contrescarpe.

Au sud, l'ouvrage est adossé à un ravin profond et le parapet réduit à un simple mur à bahut couronne l'escarpement rocheux. De ce front on découvre de très belles vues plongeantes sur la vallée de l'Ubaye et, en s'éloignant un peu, sur la face sud-ouest du fort supérieur transféré sur Tournoux.

Au milieu du front est, le fossé s'interrompt et débouche dans le vide : la trouée est fermée par une grille défensive. A partir de ce point, l'escarpe, tracée en crémaillère à deux crochets, se relie au bastionnet du saillant 5, avant de rejoindre la falaise du frond sud, au niveau de la porte inférieure.

En outre, au niveau de la trouée du fossé, vient se raccorder à l'enceinte le mur de jonction reliant, suivant la ligne de plus grande pente, la batterie au fort supérieur de Tournoux, et concrétisant la continuité du système défensif. Couronné d'un chaperon en béton, ce mur, construit en moellons tirés sur place est percé de créneaux de fusillade (type archère) et, à l'entrée de la route venant de Tournoux, d'un portail constituant, donc, une défense avancée, une avant-porte de la porte inférieure de la batterie. Ce portail est encadré de deux piliers en moellons surmontés d'une tablette couronnée en pointe de diamant et portant deux vantaux en ferronnerie, à plaque de tôle en partie basse et grille au-dessus.

En profil, selon le grand axe, l'ouvrage est construit sur une arête montagneuse entre les cotes inférieure 1730 et supérieure 1762 (pied des pentes de Serre de Laut). Mais cette pente n'est pas rectiligne : à l'est, un mamelon rocheux culminant à 1745 m porte la batterie basse, puis au centre, un ensellement cote 1724 m avant de remonter, à l'ouest à la cote 1753 (crête de la batterie haute) elle-même paradossée par la crête d'infanterie du front ouest cotée 1765,50. Bien entendu, le relief a été remanié en fonction des besoins de la défense et, en particulier, les glacis nord et nord-est ont été réglés à l'aide des excédents de déblais. Sous cet aspect, on a un bon exemple d'ouvrage de montagne de la période 1874-85. Le front nord ne comporte qu'une crête d'infanterie reliant les deux batteries d'artillerie.

Caponnières 2 doubles (front 1-2 et front 3-4) et 2 simples (1 et 3) identiques dans chaque catégorie. Front nord. Caponnière double. Flanc droit vu du fond du fossé.Front nord. Caponnière double. Flanc droit vu du fond du fossé.

Les caponnières doubles sont situées en milieu de front. Ce sont des édifices pentagonaux en maçonnerie de moellons à deux faces et deux flancs. Chaque flanc comporte un créneau en pierre reconstituée surmontant un créneau de pied et accolé d'un créneau de fusillade vertical. Chaque face comporte un créneau horizontal et un large créneau de pied. On trouve, en plus, trois créneaux de fusillade verticaux à ébrasement extérieur gradiné en béton moulé l'un en capitale les deux autres aux angles d'épaule. Un fossé diamant ceinture l'ouvrage, avec contrescarpe maçonnée. L'accès se fait, par l'arrière, par une gaine voûtée traversant le massif du rempart, avec entrée en façade sur la rue du Rempart.

La caponnière 3-4 a reçu, en 1913-14, une dalle de béton armé d'1 m d'épaisseur. Celle du front 1-2 est restée à ciel ouvert en raison des travaux en cours dans les casemates ouest où elle est encastrée.

Les caponnières, simples, flanquant, donc, dans une seule direction, ne diffèrent que par les points suivants celle du saillant 1 Caponnière simple.Caponnière simple.n'a pas de canon-révolver mais un simple créneau horizontal ; en outre, elle n'est couverte que d'une simple dallette à l'épreuve des balles et des éclats. Celle du saillant 3 possède une embrasure de canon-révolver et une dalle de béton armé d'1 m ajoutée en 1913-14.

Portes

L'enceinte est percée de deux portes :

a) une porte basse, déjà évoquée, où l'antenne routière venant de Tournoux et l'ouvrage à l'extérieur pénètre reliant

b) une porte haute, servant de passage à la route montant au fortin de Serre de Laut, où elle se termine.

- La porte basse est prise, en profil mixte, entre l'extrémité de l'escarpe du front est et le ravin descendant vers l'Ubaye, au bout du tronçon de route en balcon venant de Tournoux et passant par l'avant-porte du mur de jonction.

La porte est précédée d'un haha s'ouvrant, dans le vide, au sud vers le ravin et fermé au nord par la façade du corps de garde casematé intégrée au mur d'escarpe.

Ce haha, d'environ 3, 5 m de largeur et autant de profondeur, coupe la route d'accès et peut être franchi par un pont mobile roulant à effacement latéral, pouvant s'effacer à volonté dans le corps de garde. La travure métallique en fers l repose, de chaque côté, sur un train de neuf galets de roulements solidarisés par un cadre en fer plat et roulant, eux-mêmes, sur des bandes de roulement en fer plat (système de pont roulant dit "sur train de galets", variante du "pont roulant sur rouleaux" du capitaine du génie Piron (1864) lui-même inspiré de ponts de canaux hollandais) : pour effacer le pont, il suffit d'agir, depuis l'intérieur du corps de garde, sur les deux barres de traction du tablier et, en tirant, de faire rentrer le pont, qui roule sur les galets, et ceux-ci sur les bandes de roulement, en passant par un passage bas, voûté en voûte surbaissée, ménagé dans la façade du corps de garde.

On retrouve au moins deux autres ponts du même système l'un à la porte haute du fort supérieur de Tournoux, l'autre à la porte de secours du fort du Mont Vaudois, près de Belfort. L'ouverture du passage est surmontée de 3 créneaux de fusillade (2 verticaux, 1 horizontal) qui défendent la coupure. La porte elle-même, à deux vantaux à cadre métallique doublé de tôle percée de créneaux de fusillade, s'ouvre entre deux piliers de section carrée, en belle pierre de taille à cinq lits reposant sur un soubassement un peu plus large et surmontés d'un chaperon à bandeau amorti en pointe de diamant.

Les pierres de rive du passage, également en pierre de taille, sont, de chaque côté, entaillées de feuillures transversales portant les bandes de roulement du système d'effacement du pont.

En rive extérieure du haha, le passage est encadré de deux piliers bas constitués de manière identique à ceux, en vis à vis, de la porte elle-même.

Le corps de garde est un petit local voûté logé dans l'escarpe jouxtant la porte. Un plancher intérieur sépare le corps de garde proprement dit, dont les créneaux de façade flanquent le haha, du sous-sol servant de chambre d'effacement au pont roulant. Derrière ce bâtiment, un escalier extérieur à volée droite conduit au chemin de ronde du front est.

Cette organisation de la porte résulte, en fait, du terrain et de ce que la route d'accès longe le pied de l'escarpe et le choix du système de pont roulant latéral a l'avantage de soustraire le tablier du pont aux coups de l'ennemi quant il est effacé dans le corps de garde.

Saillant. Vue intérieure. A gauche, fossé et pont. Au centre, porte supérieure avec, à droite, la porte d'accès à l'aileron.Saillant. Vue intérieure. A gauche, fossé et pont. Au centre, porte supérieure avec, à droite, la porte d'accès à l'aileron.

La porte haute est située à l'extrémité ouest du front sud (fig. 21-22) à dix mètres à gauche de l'aileron n° 1 qui en assure ainsi le flanquement à bout portant. Contrairement à la porte basse, on se trouve ici dans le cas d'un front normal, précédé d'un fossé de 8 m de large environ, et non exposé à l'artillerie d'autre part. Aussi la porte est-elle dotée d'un pont-levis à bascule en dessous ("à la Tripier") venant se rabattre sur la pile d'extrémité du pont dormant franchissant le fossé (pont à travure métallique à cinq poutres en l, pile à deux colonnes composées et chapeau en I ; garde-corps métallique ajouré à mailles de fonte). Le longeron droit, en fer l de la travée levante est brisé derrière le tourillon d'essieu, et le contrepoids est tombé dans la fossé.

La porte elle-même est constituée :

- d'un soubassement taluté, en maçonnerie de moellons, faisant légèrement saillie sur l'escarpe et surmonté de deux tablettes en pierres de taille profilées en boudin portant les piliers

- de deux piliers de section carrée, à onze lits de pierres de taille (gros appareil) soigneusement appareillés, à embase légèrement saillante et feuillure antérieure (destinée à recevoir la travée mobile relevée). Ces piliers sont couronnés d'un bandeau portant un chapeau à tablette saillante amortie en pointe de diamant. Ils portent, latéralement, les crochets destinés à immobiliser le pont relevé

- de deux vantaux à cadre métallique doublés de tôle percée de créneaux de fusillade. Le sommet des vantaux est amorti en courbe relevée du côté du pilier.

La porte s'intercale entre le parapet du front sud, à gauche, simple mur à bahut couronné d'un chaperon à deux versants en pierres de champ, et, à droite, l'escarpe de la galerie de la caponnière 1 adjacente, beaucoup plus haute.

Enfin, en tête du pont dormant, on trouve, de chaque côté (comme pour la porte basse) deux piliers bas à tablette saillante et chaperon en pointe de diamant.

Organisations intérieures de l'ouvrage

Positions de batterie

Les deux positions de batterie, supérieure et inférieure, sont donc les organes actifs de l'ouvrage et sa raison d'être. Elles en constituent, en outre, le noyau originel puisqu'elles ont été construites en 1880-81, soit dix ans avant l'enceinte.

A l'ouest, la batterie haute (crête à la cote 1756) a un développement.de 115 m. Le plan en est un redan très aplati dont la capitale est orientée à l'est, à gauche, un court retour orienté au nord-nord-est.

Le profil en est celui des normes du 9 mai 1874 et suivantes adaptées aux risques du site en montagne : en partant de la rue du Rempart, on rencontre :

- un talus de banquette incliné au 1/2,3 environ, d' 1, 50 m de haut avec 2 rampes obliques d'amenée des pièces une banquette de 9, 50 m (voir note du 7 novembre 1878)

- un parapet de 2, 30 m de haut et 6, 50 m d'épaisseur prolongé par un talus extérieur.

Compte tenu du peu de risques d'enfilade, on ne trouve que trois traverses abris (fig. 25) "X", "Y" et "Zn (une en capitale, une à 25 m de chaque côté) pour couper la ligne des pièces, des paréclats intermédiaires pouvant être édifiés en cas de besoin. Ces traverses sont creuses et renferment des locaux à plan en T : un abri en berceau, d'environ 3, 50 m de large, perpendiculaire à la ligne des pièces, isolé, à l'avant, par cloison percée d'un guichet, d'une galerie rectiligne voûtée d' 1 m de large ouverte aux deux extrémités et formant bras de traverse, parallèlement à la ligne des pièces. La séparation par cloison des deux locaux est très rare.

L'abri s'ouvre, à l'arrière, à pleine section, dans une façade plane en maçonnerie de moellons à sommet plan encadré de deux ailes rampantes.

Les locaux sont aérés par une cheminée cylindrique dont la souche émerge du massif de terre protecteur.

Cette batterie est paradossée, face aux pentes de Serre de Laut, par le massif du rempart au front ouest de l'enceinte, culminant à la cote de 1765,50, soit un défilement au 1/5 environ.

La batterie basse (crête à une cote variant de 1743 à 1745,50), à l'extrémité est de l'ouvrage, est organisée et orientée de manière identique à la batterie haute, mais avec un développement beaucoup plus réduit de 45 m seulement, divisé par deux traverses-abris ("U" et "V") en trois tronçons de 15 m à capitales légèrement divergentes.

Implantée au sommet d'un mamelon rocheux de près de 20 m de haut, elle a ses vues bien dégagées mais, à l'inverse, est plus exposée aux coups de revers des hauteurs de Serre de Laut, avant la construction du fortin sommital. Aussi, le projeteur a-t-il pris la précaution de la couvrir, à l'arrière, par un haut mur de parados en maçonnerie.

Casemate 1a, dite "casemate de Bourges"

L'isolement de la batterie de Vallon Claus, adossée en balcon à un massif inaccessible et desservie par une rocade vue sur toute sa longueur, avait été un sujet d'inquiétude pour les membres du Comité de Défense (ref. réunion du 15 avril 1882).

Aussi, dans l'armement initial des batteries des Caurres, on a affecté 2 pièces de 95 mm au flanquement de la batterie de Vallon Claus.

Pour plus de sûreté, on aménage, en 1913-14, encastrée dans le rempart du saillant 3, à gauche de la batterie supérieure, une casemate pour les deux 95 mm, désignée "casemate de Bourges" par analogie avec le plan type de casemate en béton mis au point vers 1899.

En fait, cette analogie est quelque peu abusive et s'arrête à l'emploi sous casemate de deux pièces tirant en flanquement de l'ouvrage voisin. En effet la casemate 1a n'est pas en béton armé, mais en maçonnerie ; les pièces ne sont pas disposées en échelon refusé mais accolées, etc.. Entre les deux guerres mondiales, les 95 mm furent remplacés, après remaniement de la casemate, par 2 canons de 75 mm sur affût de casemate, qui étaient effectivement en service en juin 1940. Les pièces ont disparu pendant la guerre, probablement enlevées par les italiens.

Bâtiment (casemate de Bourges). Façade arrière (sud) du bâtiment vue de l'intérieur de l'ouvrage. A gauche, entrée de l'observatoire.Bâtiment (casemate de Bourges). Façade arrière (sud) du bâtiment vue de l'intérieur de l'ouvrage. A gauche, entrée de l'observatoire.Placée à gauche de l'entrée de la descente de caponnière n° 3, la casemate est constituée de deux abris accolés voûtés en plein-cintre et séparés par un piédroit percé d'une porte de communication. A l'intérieur, un massif de maçonnerie sert de plateforme de pièce : il semble correspondre à l'exhaussement requis par la différence de hauteur de genouillère entre l'affût de 95 et celui de 75 de casemate. Dans la chape apparaissent les logements des éléments des sellettes d'affût disparus.

A l'arrière, les locaux s'ouvrent par de larges portes rectangulaires, à linteau en profilés métalliques, dans une façade verticale plane, donnant sur une courette en léger contrebas de la rue du Rempart. Le couronnement de cette façade est incliné pour s'aligner sur le tracé des crêtes avoisinantes. A l'avant, le mur de masque (1 m d'épaisseur) est percé, par pièce, d'une embrasure rectangulaire à plafond incliné vers le haut (sans doute pour permettre aux 95 mm de prendre un angle de tir important) et plus large à la base avec joues divergentes : en fait il semble y avoir eu un simple remaniement des embrasures de 95 pour l'emploi des 75. Ce mur est entièrement dégagé en avant et le champ de tir ménagé par délardement de la plongée du parapet. Un petit observatoire bétonné a été ajouté (1939 ?) au-dessus et à gauche. Dans les voûtes sont scellées des files de crochets ayant supporté des tôles-parapluies. Travail assez grossier, somme toute, mais curieux. Il est certain qu'en employant le béton armé comme dans la véritable casemate de Bourges, on aurait réalisé pour 75.000 F de 1914 un organe beaucoup plus solide et beaucoup moins visible.

Petits abris et passages divers

On trouve, derrière le rempart de l'extrémité droite de la batterie haute, et en contrebas, un abri W, de construction analogue à celle des abris-traverses X, Y et Z voisins, sauf qu'il comporte deux berceaux accolés, respectivement de 6 et 2, 50 m de large. Batterie supérieure. Abri traverse. Façade vue de l'ouest.Batterie supérieure. Abri traverse. Façade vue de l'ouest.

Selon toute vraisemblance, il s'agit d'une sorte d'abri de combat pour les servants (berceau de gauche avec porte encadrée de deux fenêtres) et les munitions journalières (berceau de droite) de la batterie.

Par ailleurs, on rencontre, dans l'ouvrage, quelques passages couverts sous traverses ou parapet pour galeries de communication à personnel ou matériel, descentes de caponnières etc...

Bien que non répertoriés au petit Atlas des Bâtiments Militaires, on se doit de les évoquer au moins sommairement, en indiquant que leur construction est tout à fait analogue à celle des abris traverses, aux dimensions près.

Tunnel et magasin à poudre Aa

L'arête rocheuse portant les différents étages de la forteresse de Tournoux, puis les batteries des Caurres est parfaitement vue par les pentes du versant est de la vallée de l'Ubaye. Aussi, lors de la première tranche de travaux (1879-84), on eut le soin de creuser, sous l'arête, un tunnel d'environ 2, 50 m de large et 200 m de long dit "tunnel des Caurres" partant des "casemates à feux de revers" de la contrescarpe du front de tête du fort supérieur pour déboucher au pied ouest de la butte portant la batterie inférieure, ainsi bien défilé. Le travail est terminé en avril 1882 ; la galerie, laissée brute de roctage, permettait une circulation parfaitement abritée entre les nouvelles batteries des Caurres, et le fort supérieur servant vraisemblablement de casernement (casemate 0) au personnel.

Restait maintenant à résoudre le problème du stockage à l'épreuve des poudres du nouvel ouvrage. La question est évoquée par le général Segretain lors de la réunion du Comité de Défense du 15 avril 1882 les conférents sont d'accord sur le caractère indispensable d'un magasin à poudre, et sur l'idée de le greffer sur le tunnel tout juste achevé.

C'est ainsi que, dans la foulée, à une dizaine de mètres du débouché supérieur du tunnel, on crée, par élargissement de la galerie, une excavation 20 m de long sur une dizaine de large et 7 m de haut, ensuite soigneusement revêtue en maçonnerie (1883-84).

A l’intérieur, on construit un magasin conforme au plan type du 22 août 1874 avec gaine d'assainissement, chambre des lanternes, vestibule (fig. 34) , vide sanitaire en sous-sol, etc...

Magasin à poudre sous roc. Vue intérieure de la chambre à poudre. Au fond, lucarnes des lanternes d'éclairage.Magasin à poudre sous roc. Vue intérieure de la chambre à poudre. Au fond, lucarnes des lanternes d'éclairage.La chambre à poudre a une dimension utile, dans oeuvre, de 6 x 11 m, qui lui confère une capacité de 53 tonnes de poudre en caisses. Le local est voûté en plein-cintre (4,8 m sous clef), les murs enduits et peints en blanc, plancher en bois, et encadrement des fenêtres des lanternes en pierre de taille soigneusement appareillée.

La galerie de circulation, fermée par porte à claire-voie, longe le côté est de l'ouvrage tandis qu'un débouché direct du tunnel vers l'extérieur, fermé par une porte-grille, permet d'accéder au magasin à partir de la route d'accès, à hauteur du bâtiment Ba.

Compte tenu du mode d'implantation, et d'une construction très soignée, l'ouvrage est invisible, parfaitement protégé par au moins une dizaine de rocs compacts, mais tout à fait sec et dans un état de conservation remarquable, boiseries comprises. Ont seules disparu les glaces des logements des lanternes et les trois serrures de la porte de la chambre à poudre.

Caserne Ba

Construit en 1893-94, lors de la deuxième campagne de travaux, ce curieux bâtiment avait pour but d'assurer, en toutes saisons, le logement d'un détachement de 80 hommes avec gradés, noyau permanent de la garnison de guerre de l'ouvrage. Caserne. Vue prise du nord-ouest depuis l'intérieur de l'ouvrage.Caserne. Vue prise du nord-ouest depuis l'intérieur de l'ouvrage.

L'immeuble est implanté sur le front sud, le long de la route intérieure, en face du débouché du magasin à poudre, et complètement défilé par le massif rocheux portant la batterie inférieure.

D'un plan rectangulaire de 23 x 12 m, le long pan bordant le ravin, il comporte quatre niveaux - Un rez-de-chaussée traditionnel, avec pignons en bâtière et toiture en tuiles à deux versants sur fermes en bois, divisé par deux refends transversaux en trois parties elles-mêmes subdivisées en pièces par des cloisons.

Entrée principale au milieu du long pan nord, encadrée de deux fenêtres. Dans le long pan sud, six fenêtres ouvrant sur le ravin.

- Une porte dans le pignon ouest. Hauteur sous plafond 4 m.

- Un sous-sol partiel, ouvert à l'est sur une cour basse en plan incliné et, au sud, par six fenêtres sur le ravin, enterré au nord et à l'ouest. Ce niveau est séparé du précédent par une dalle de béton de 0, 50 m sur tôle ondulée portée par des poutres en fer l portées par de solides refends de 0, 80 m environ (c'est le système de construction qu'on rencontre dans divers ouvrages contemporains de l'Ubaye caserne de Serre de Laut, batterie de Viraysse, certains locaux de Vallon Claus, de Cuguret etc... Les locaux ainsi construits sont "semi protégés", à l'épreuve de l'artillerie de montagne, mais pas des pièces de siège). La paroi nord s'appuie au rocher par des voûtes surbaissées verticales. Des cloisons isolent les locaux du couloir longitudinal nord, et de la paroi ouest, avec interposition d'un vide sanitaire. Les locaux de la partie est (10-11-12-13), donnant sur la cour basse, regroupent la cuisine et ses annexes, magasins, etc... Hauteur sous plafond 4, 00 m.

- Un second sous-sol, enterré sur trois côtés, ouvrant sur le ravin sud par six fenêtres, a un plan identique au précédent ( 3 grandes chambres de troupe) avec couloir longitudinal au nord (avec berceaux verticaux, comme ci-dessus) et vide d'isolement à l'est et à l'ouest.

Hauteur sous plafond 3, 30 m.

On notera que le mur pignon est séparé de ce niveau d'une série de cinq locaux greffés en enfilade sur une dérivation du tunnel, probablement ancienne galerie de service creusée en 1880-84 pour évacuer les déblais dans le ravin, et aménagés par la suite. Ces locaux sont éclairés, au sud, par trois ouvertures en demi-lune ménagées dans la muraille formant escarpe de gorge.

Enfin, en troisième sous-sol partiel, on trouve, sous la pièce 18, une citerne de 120 m3.

Ces différents niveaux sont reliés par un escalier extérieur tournant en béton logé dans une cage hémicylindrique creusée dans le roc de l'autre côté de la route par rapport au bâtiment. De la sorte, on élimine le risque d'atteinte des niveaux inférieurs par un projectile traversant le rez-de-chaussée non protégé et passant par la cage d'escalier.

L'ensemble de l'édifice est solide, très bien construit, et en assez bon état à l'exception du rez-de-chaussée, où sous l'action cumulée du vandalisme, du pillage et des intempéries, la toiture est aux trois-quarts détruite, portes et fenêtres cassées ou enlevées, plafonds effondrés, etc... Malgré cela le bâtiment serait réparable en vue d'une réutilisation fonctionnelle, dans le cadre du tourisme de montagne.

Casemates logements

Mis en chantier en 1913, cet ensemble devait achever de donner à la batterie des Caurres son autonomie en places à l'épreuve pour la garnison et faire cesser sa dépendance par rapport à Tournoux, dont les différents bâtiments ne présentaient plus, depuis longtemps, les garanties suffisantes.

Le projet portait sur la réalisation d'abris pour 656 hommes et 8 officiers plus deux groupes de locaux techniques pour les munitions à construire en bordure du fossé du front ouest. Le tout devait être terminé en 1914, mais, interrompus par la mobilisation, les travaux furent interrompus et n'ont jamais été repris (les locaux couverts ont été utilisés en dépôt de munitions entre 1930 et 40).

On devait aussi trouver 16 grandes casemates adossées perpendiculairement à l'escarpe ouest en deux groupes inégaux (7 et 9) de part et d'autre de la gaine de la caponnière double 1-2.

Prenant jour dans l'escarpe, les casemates devaient être desservies, à l'est, par un couloir de fond en demi-berceau protégé par un fort matelas de rocaille et de terre.

Un peu plus loin, on devait trouver deux groupes de locaux plus petits à usage de magasins à poudre et d'ateliers de préparation des munitions, le tout le long d'une gaine prolongeant le couloir de la caserne et débouchant dans un passage couvert de la route intérieure.

Dans l'état actuel on trouve, du sud au nord

- 2 casemates encore à ciel ouvert, dont l'une (4) laisse apparaître la citerne 4bis non couverte

- 6 casemates - plus la descente de caponnière voûtées mais sans le couloir de fond Casemates ouest. Vue oblique des casemates logements et de la gaine de la caponnière inachevées. Au fond, extrémité provisoire du couloir de fond.Casemates ouest. Vue oblique des casemates logements et de la gaine de la caponnière inachevées. Au fond, extrémité provisoire du couloir de fond.

- 7 casemates voûtées et munies du couloir de fond.

Celui-ci est fermé - provisoirement au sud par une porte-grille et, au nord, par un mur. La citerne 18bis est couverte et des châssis de lits métalliques en place dans plusieurs casemates. Les enduits n'ont pas été exécutés.

La caponnière 1-2 est à ciel ouvert, en attendant sa dalle de protection.

Ni les locaux aux munitions, ni leur gaine n'ont dépassé le stade de la fouille. Mais l'ouverture d'une porte est réservée dans le piédroit du passage couvert.

L'escarpe a été fermée, précipitamment, semble-t-il, de façon assez grossière, sans doute au moment de la mobilisation de 1914, pour rétablir l'obstacle.

L'anomalie réside dans le fait que cet ensemble a été construit en 1913 selon les procédés de 1874 - voûte en maçonnerie et terre ou rocaille - jugés, sans doute, suffisants contre l'artillerie de montagne et plus économiques que le béton armé règlementaire à l'époque.

Quoiqu'il en soit, on trouve là un exemple unique de caserne-casemate type 1874 aux différents stades de construction fouille, locaux non voûtés, voûtes sans couloir, voûtes avec couloir. Malgré l'impression de désordre résultant de l'inachèvement, l'ensemble est robuste et bien construit, mais en partie envahi par la végétation.

Le téléphérique

La batterie a été dotée, en 1894, d'un téléphérique la reliant à l'ensemble de casernement situé au bord de l'Ubaye. Les restes de cette première installation sont encore visibles au sommet, et le bâtiment de la recette inférieure existe encore.

En 1937, l'installation a été remplacée par une version plus moderne, mue à l'électricité et construite par la maison Monziès, à Paris. Cette dernière installation, légèrement endommagée en 1940 (câble touché par éclats d'obus) existe encore intégralement, du type bicâble à station inférieure motrice.

La recette supérieure est située dans la batterie, en bordure du front sud, sur le terre-plein devant la batterie supérieure, dans l'axe du ravin. C'est un bâtiment à ossature en béton armé et remplissage de briques, toiture en béton armé en berceau surbaissé. La façade antérieure est percée d'une large ouverture rectangulaire servant de passage aux câbles.

Téléphérique. Vue plongeante prise de la recette supérieure dans l'axe du câble. En bas, le bâtiment de la recette inférieure. A gauche, benne et, derrière, mur d'enceinte du front sud.Téléphérique. Vue plongeante prise de la recette supérieure dans l'axe du câble. En bas, le bâtiment de la recette inférieure. A gauche, benne et, derrière, mur d'enceinte du front sud.

A l'intérieur, se trouve le pylône, constitué par un portique en cornières métalliques assemblées par boulons ou rivets. Une benne est arrêtée près du passage de sortie.

La recette inférieure est située au bord de l'Ubaye, dans l'enceinte de l'ancien parc du génie de la Condamine, jouxtant la caserne Pellegrin.

C'est un petit bâtiment rectangulaire en maçonnerie à toit en bâtière. Le pignon ouest est percé d'une porte métallique à deux vantaux pliants, servant de passage aux câbles et aux bennes. Sur le côté une porte coulissante en bois sert d'entrée au bâtiment.

A l'intérieur, on trouve le bâti d'extrémité, en profilés métalliques, avec, en arrière, dans une fosse, la machinerie motrice et le tableau électrique.

Le tout est en assez bon état apparent. Sur le pignon est est encore apposée la plaque du constructeur.

Divers : il ne subsiste plus de trace des bâtiments légers Ea, Fa, Ha, Ga (hangars, magasins) figurant sur les plans anciens comme situés sur le terre-plein devant la batterie supérieure.

Conclusion

Vaste ouvrage, en bon état général, malgré un envahissement progressif par la végétation, et assez représentatif de la fortification de 1874 en montagne, surtout par comparaison avec la forteresse de Tournoux, dont elle est le complément. Comporte plusieurs singularités rares : ses caponnières, la casemate dite "de Bourges" et, cas unique, les casemates ouest et leurs divers stades d'avancement des travaux. Comporte un bâtiment utilisable à des fins multiples, après remise en état et divers locaux, comme le magasin à poudre. Ces éléments positifs, situés dans un paysage superbe, et joints à une desserte routière convenable et susceptible d'amélioration, justifient un classement collectif avec Tournoux, le fortin de Serre de Laut et son poste avancé.

1La casemate de Bourges est inventée par le Commandant du Génie Laurent en 1885, elle sera expérimentée et adoptée à Bourges en 1899. Son emplacement se situe dans les flancs des ouvrages pour être dissimulée aux yeux de l’ennemi, assurant le rôle de flanquement pour défendre les abords de l’ouvrage et des intervalles.

Il est prévu, lors des études de la forteresse de Tournoux, entre 1838 et 1845, d'inclure le site des Caurres. En 1879, on met en chantier deux batteries permanentes, parallèles et disposées l'une derrière l'autre. Est également creusé un tunnel-abri rejoignant la batterie supérieure du fort de Tournoux. Cette campagne prend fin en 1884. En 1890, on entame la construction d'une enceinte polygonale à fossé revêtu et flanquée de caponnières. La contrescarpe est achevée en 1897. On construit également un bâtiment de caserne et, en 1894, un téléphérique. En 1913, on dote la batterie d'une grande caserne casematée et d'une casemate de Bourges. De 1918 à 1940, on aménage la batterie pour le réarmement.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
    • Principale : 1ère moitié 20e siècle

L'ouvrage est implanté sur un replat. L'enceinte dessine un polygone irrégulier à cinq saillants principaux. Elle est constituée sur les faces ouest, nord et est, d'un fossé, à escarpe et contrescarpe attachées et revêtues, flanquée de quatre caponnières (deux simples et deux doubles) , le tout en maçonnerie de moellons avec tablettes de couronnement en pierre, en béton ou en pierre reconstituée. Un mur de jonction, crénelé, relie la batterie supérieure du fort de Tournoux. Il est lui-même percé d'une avant-porte qui précède une porte protégée par un haha et un corps de garde aménagé sous l'enceinte. Les batteries haute et basse sont composées d'abris-traverses maçonnés en moellons et voûtés en berceau. Une casemate est composée de deux abris-traverses voûtés en berceau plein-cintre. Le tunnel rejoignant le fort de Tournoux est resté à l'état brut de roctage. La poudrière est un local voûté en plein cintre. La caserne est un bâtiment en rez-de-chaussée couvert par un toit de tuiles à deux pans, et élevé sur trois étages de soubassement. Ces étages sont distribués par un escalier tournant en béton dans une cage extérieure à l'édifice. Les casemates-logements sont en maçonnerie et voûtées en berceau. La recette supérieure du téléphérique, bâtie en béton armé et en briques, est couverte d'une voûte en béton en berceau surbaissé. Enfin, le bâtiment de la recette inférieure est couvert d'une toiture à deux pans.

  • Murs
    • pierre moellon
    • brique
    • béton béton armé
  • Toits
    tuile
  • Étages
    sous-sol, en rez-de-chaussée, 3 étages de soubassement
  • Couvrements
    • voûte en berceau
    • voûte en berceau plein-cintre
    • roche en couvrement
  • Couvertures
    • toit à longs pans
    • pignon couvert
  • Escaliers
    • escalier hors-oeuvre : escalier tournant en maçonnerie
  • Typologies
    caponnière
  • Statut de la propriété
    propriété publique, Propriété de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon
  • Protections
    inscrit MH, 2016/06/28
  • Précisions sur la protection

    Le fort en totalité, comprenant tous les ouvrages en élévation ou souterrains (dont la batterie des Caurres), l, les parties maçonnées ou creusées dans le roc, ainsi que l'ensemble des terrasses et des rampes tels que délimités en bleu sur le plan annexé à l'arrêté (cad. La Condamine-Châtelard A 129 ; Saint-Paul-sur-Ubaye J 1025) : inscription par arrêté du 28 juin 2016.

Documents figurés

  • Plan terrier du domaine militaire. Batterie des Caurres. / Dessin, 1899. Service historique de la Défense, Vincennes : Direction des Travaux du Génie de Briançon.

Date d'enquête 1991 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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